Le moratoire rejeté à l'Assemblée nationale
Le 24 juin, l'Assemblée nationale a finalement rejeté une proposition de loi qui prévoyait un moratoire sur l'éolien et le solaire. Un coup de frein, pour l'instant repoussé, mais incompréhensible pour une bonne partie du monde agricole.

Sans surprise, l'Assemblée nationale a largement rejeté le 24 juin en première lecture la proposition de loi (PPL) Gremillet sur la trajectoire énergétique de la France, profondément remaniée par le RN et la droite lors de son examen dans l'hémicycle la semaine dernière. 142 députés ont voté pour, 377 contre. Les groupes de l'ancienne majorité présidentielle (EPR, MoDem, Horizons) avaient décidé de s’opposer au texte d'origine sénatoriale, fustigeant notamment l'inscription dans le texte d'un moratoire sur les énergies éolienne et solaire, à l'initiative de LR et du RN. Le texte va désormais repartir pour une deuxième lecture au Sénat, prévue les 8 et 9 juillet, quelques jours avant la fin de la session parlementaire. Cette proposition de loi avait été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée sous la pression du RN, qui en avait fait un motif de censure du gouvernement Bayrou. Elle est censée servir d'indicateur au gouvernement pour finaliser un décret fixant la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035. Le décret, qui doit mettre le pays sur la voie de la neutralité carbone en 2050, doit paraître lui « avant la fin de l'été », sans attendre « la fin de la navette parlementaire », avait assumé le 14 juin le ministre de l'Industrie Marc Ferracci.
Soutien indéfectible
A la veille du vote à l’Assemblée sur cette proposition de loi Chambres d’agriculture France a mis en garde le 23 juin contre un moratoire sur le photovoltaïque qui « fragilise notre agriculture et la souveraineté énergétique ». « En 2024, 80 % des installations photovoltaïques de « moyennes toitures » (100-500 kW) ont été posées sur bâtiment agricoles, d’après un communiqué. Cela représente un revenu de 800 M€ par an pour le monde agricole. » Un moratoire sur le solaire « condamnerait aussi, de fait, le développement de l’agrivoltaïsme, qui permet d’améliorer la production agricole tout en assurant un revenu complémentaire aux agriculteurs. » Le ministre de l'Energie Marc Ferracci avait réaffirmé le 23 juin son soutien « indéfectible » aux énergies renouvelables, lors d'un déplacement en Vendée. Dans une interview aux Echos, Marc Fesneau a lui indiqué que le groupe des députés MoDem à l'Assemblée votera contre la PPL. Le président du groupe Horizons Paul Christophe a aussi déclaré à l’AFP qu'il proposait à son groupe de s’opposer au texte. De son côté, le groupe LR apparaissait divisé, le député Antoine Vermorel-Marques fustigeant dans Le Monde le récent vote à l’Assemblée. Le 19 juin, les députés ont adopté un moratoire sur l’éolien et le solaire, avec les voix de la droite et de l'extrême droite.
La FNSEA vent debout
Face à cette situation, de nombreuses réactions s'était exprimées : La FNSEA y voyait une mesure inacceptable pour les agriculteurs : « Bien que la FNSEA soit consciente des contraintes budgétaires de l’État, elle exprime sa plus vive opposition à l’adoption par l’Assemblée nationale d’un moratoire général et brutal sur les énergies renouvelables électriques, ainsi qu’à la suppression des objectifs de production de biocarburants. Ces amendements, votés sans aucune concertation avec les acteurs des filières concernées, sont incompréhensibles pour le monde agricole. Grâce à la production photovoltaïque, à l’agrivoltaïsme, à la méthanisation et aux biocarburants, les agriculteurs français sont des acteurs centraux de la transition énergétique en France. Ces projets sont essentiels pour :
Renforcer l’autonomie énergétique des fermes ;
Permettre la rénovation et le développement de bâtiments agricoles qui renforce la résilience économique des agriculteurs ;
Diversifier les revenus ;
Réduire l’empreinte carbone des exploitations et contribuer à décarboner les autres secteurs en participant à l’électrification des usages ;
Contribuer à la souveraineté énergétique du pays tout en préservant, voire développant, la souveraineté alimentaire grâce à des garde-fous portés par la profession agricole ;
Répondre à la décarbonation du secteur des carburants liquides et des besoins protéiques de l’alimentation animale par les biocarburants.
En bloquant tous les projets en cours ou à venir, ce moratoire remet en cause des années d’engagement, d’investissement et de travail sur le terrain ! C’est un coup économique brutal pour les milliers d’agriculteurs développant des projets ancrés dans les territoires et qui contribuent aux transitions agricoles et bas-carbone.
La FNSEA appelle les parlementaires à sortir des postures politiques et à prendre leurs responsabilités en retirant le moratoire. »
De son côté, la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA) acvait réagi dès le 20 juin : « Nous exprimons exprime notre vive incompréhension après l’adoption, à l’Assemblée nationale, d’un amendement instaurant un moratoire total sur les installations éoliennes et photovoltaïques. Ce coup d’arrêt brutal va à l’encontre des besoins exprimés par les agriculteurs et des dynamiques locales engagées pour une transition énergétique, concrète et équilibrée. Cette mesure frappera directement le monde agricole, de plus en plus impliqué dans la production d’énergies renouvelables. En bloquant l’ensemble des projets, ce moratoire remet en cause des modèles agricoles innovants, qui intègrent l’énergie comme un levier de diversification, d’adaptation au changement climatique et de résilience économique. Partout en France, des agriculteurs développent des projets agrivoltaïques rigoureux et intégrés, respectueux des terres et construits avec les territoires. En balayant ces initiatives, l’amendement compromet des années de travail et envoie un signal de défiance au monde agricole et rural. Cette instabilité législative fragilise la confiance des acteurs engagés dans la transition. Elle souligne l’urgence d’une stratégie énergétique claire et cohérente, notamment à travers la PPE 3. La FFPA exhorte le Gouvernement à reprendre la main via la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, pour garantir une trajectoire lisible et durable des énergies renouvelables dans les territoires. L’agrivoltaïsme est un outil concret au service des agriculteurs, construit avec les acteurs locaux, pour sécuriser les productions et contribuer à l’autonomie énergétique du pays. »