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Filière lait

Le lait est sur le feu et menace de déborder

Eleveur laitier en Puisaye, Benoît Vanlauwe ne voit pas l’avenir de la filière sous les meilleurs auspices, envisageant même de se reconvertir dans l’engraissement de taurillons si nécessaire
Par Dominique Bernerd
Le lait est sur le feu et menace de déborder
Manifestant sa colère, devant les locaux de la Sicavyl, jeudi dernier à Migennes.
Chez les Vanlauwe, le lait est une affaire de famille : sur les 4 enfants de la fratrie, 3 sont producteurs. A Dracy, en Puisaye, Benoît a pris la succession de son père, Jean sur l’exploitation familiale. Aujourd’hui le retraité est catégorique : «l’élevage laitier, c’est mort ! Désormais, ce sont les céréales qui nous permettent d’entretenir les vaches». Il a connu d’autres crises dans sa carrière, «mais jamais à ce point-là». Benoît est jeune mais s’interroge déjà sur l’avenir : «si notre métier ne nous permet plus de vivre, faut rendre son tablier ! La question étant de savoir ce qu’on fera de nos prés» Entre Dracy et Saint-Martin-sur-Ouanne, 40 ha de prairies naturelles qui bordent l’Ouanne et le Branlin. Inondables selon les années. Ne demandez pas à Jean Vanlauwe s’il regrette d’avoir investi il y a 4 ans dans un robot : «je regrette d’avoir investi tout court ! Autrement, ce serait beaucoup plus simple d’arrêter…» La prochaine récolte de maïs attendue pour nourrir les 70 vaches du cheptel n’est pas là pour redonner un peu de perspectives : «la sécheresse est passée par là et ils sont hauts comme 3 pommes !»

Le lait remplacé par l’engraissement de taurillons
Installé en aout 2002, c’est tout naturellement que Benoît a pris la succession de son père. Sans possibilité d’agrandir l’exploitation, lovée au cœur du village. Le jeune éleveur a fait ses comptes : «d’année en année, ma marge brute est en baisse. Aujourd’hui, il me faudrait un lait à 400 €/1000 litres, pour payer les fournisseurs et me verser un salaire convenable» De mois en mois, on décale au fur et à mesure les factures, à commencer par celles des marchands d’aliments : «à 300 €/tonne, un mélange de tourteaux de colza et drèches de blé. Et encore, à ce prix là, on n’est pas un produit sophistiqué, au détriment parfois, de la quantité de lait produite» Et quand le taux de Matière Grasse diminue, comme dernièrement avec le coup de chaud ou que les cellules font leur apparition, la paie lait a encore tendance à rétrécir… Seule position de repli pour Benoît Vanlauwe, si demain le lait devait s’arrêter : l’engraissement, «avec les prés, j’ai possibilité de faire de l’ensilage d’herbe au printemps, plus un peu d’ensilage de maïs, pour élever 40 à 50 vaches allaitantes en extensif. Quand on sait faire du lait, on sait engraisser des taurillons ! J’aime pourtant ce que je fais, mais je me dis qu’on aurait sûrement moins d’ennuis» Le sujet est affaire sensible chez Benoît, qui se refuse à admettre la tendance actuelle : «on a tout ce qu’il faut sur nos sites d’exploitation pour faire de l’engraissement à plus ou moins grande échelle. Et malgré ça, on continue à exporter nos broutards vers l’Italie, pour ensuite les racheter!» Pour l’heure, sa préoccupation première est de pallier la collecte peu prometteuse en maïs : «je vais essayer de réensemencer de l’herbe et si je ne peux pas récolter en vert, je l’ensilerai, pour faire au moins un peu de stock pour l’hiver».