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Moissons

Le colza décevant lui aussi

L’orge d’hiver à peine récoltée, les moissonneuses se sont activées dans le colza. Conséquences des précipitations de cet hiver : des rendements décevants, qui contrastent avec ceux de la campagne 2017.
Par Orianne Mouton, Dominique Bernerd
Le colza décevant lui aussi
Les agriculteurs profitent au maximum de la période de beau temps.
Avec plus de 230 mm de pluie tombée cet hiver à Charny-Orée-de-Puisaye, contre moins de 130 mm l’an dernier, les cultures de colza ont été bien mises à mal cette année. Entre les attaques d’insectes à l’automne et au printemps, le gel de février, l’excès d’eau et les maladies de fin de cycle, la moisson s’annonce mitigée dans la zone. Nous sommes le 4 juillet, à la SCEA des quatre vents, Adrien Bailliet, jeune cultivateur de Villefranche Saint-Phal, à côté de Charny, a presque achevé la récolte de ses 65 ha. « Le colza était beau et bien implanté avant l’hiver grâce aux apports de lisier réalisés avant le semis. Et puis de décembre à février, les précipitations ont inondé des zones un peu partout, tout type de sol confondus, drainées ou non ! Les pieds ont pourri dans l’eau stagnante, laissant beaucoup d’endroits sans cultures. Heureusement que nous avons eu un retour du beau temps à la fin du cycle ».

Rendements décevants par rapport à 2017
À mi-moissons, les rendements de 23 à 29 q/ha sur ces sols argilo-limoneux à silex paraissent maigres après ceux, très bons, de l’an dernier, avoisinant les 35 q/ha. Les chiffres auraient pu être plus bas selon Rémi Thierry, agriculteur à Sépeaux, voisin d’Adrien. « Vu les conditions météo et l’état des parcelles à certains endroits, je trouve que ça aurait pu être pire pour 2018. Forcément, après la moyenne de 41 q/ha que j’ai eue l’an dernier chez moi, les 22 à 33 q/ha obtenus pour l’instant ne sont pas réjouissants. D’autant plus qu’on perd du poids, donc du rendement à cause de l’humidité exceptionnellement basse, de 5 à 6 %, en récolte de pleine journée… ». Ce dessèchement précoce peut s’expliquer par la profusion de champignons favorisée par le vent, les restes d’humidité et la chaleur. L’agriculteur garde néanmoins l’espoir « que les prix du colza se décident enfin à décoller cet été… ».

Des conditions favorables au salissement des parcelles
Ce ne sont pas les rendements ni le prix qui inquiètent le plus Adrien, c’est le développement des adventices dans ses parcelles, dû à l’humidité puis à la chaleur du début d’été. Le gaillet gratteron, le liseron et le géranium ont envahi le colza et vont laisser un stock semencier conséquent. Tout comme le vulpin et le ray-grass dans l’orge et le blé. « L’exploitation est en non-labour depuis 20 ans, et elle est membre du réseau Dephy Écophyto, qui pousse à réduire l’utilisation de produits phytosanitaires. Avec une année comme celle-ci, la lutte contre le salissement des parcelles va être compliquée, il va falloir mettre en place de nouvelles solutions, allonger la rotation, mettre en place des cultures de printemps… mais le combat s’annonce rude sans l’arme du labour ».

Du côté de 110 Bourgogne…
« On met en permanence le plan logistique par terre en le réajustant au jour le jour et il y a de quoi s’arracher les cheveux ! La semaine dernière, on a encore loupé quatre trains, faute de conducteurs et aujourd’hui on les a sur les bretelles. L’un, chargé d’Étincel, était programmé au 2 juillet, il a été reporté au 31, une fois la moisson terminée ! » Les grèves perlées de la SNCF ont mis à mal les expéditions et les silos de 110 Bourgogne n’ont jamais été aussi remplis à pareille période. Jean-Marc Krebs, le directeur de la coopérative a fait ses comptes : « on a terminé au 30 juin avec un stock trois fois plus important que d’habitude. À Migennes, tout est plein et les orges d’hiver prennent la place des blés. On va être amenés à devoir faire des plateformes pour stockage à plat à l’extérieur et roule la galère ! ». Une situation de crise accentuée par le fait qu’au 30 juin, la coopérative avait rentré 55 tonnes de plus qu’à la même date l’an passé, du fait de la précocité enregistrée cette année : « les gars dans les silos, ça les rend malades à l’idée de devoir faire des tas dehors. Ils ont la trouille de se faire engueuler par les agriculteurs, même si on leur a déjà présenté les choses en réunion… ».

La « revanche » des plateaux
Côté rendements, deux tendances se dessinent en ce qui concerne les orges d’hiver, avec des chiffres de 68 à 72 q/ha sur les plateaux, en terres filtrantes, contre 58 à 68 q/ha en terres profondes. Une « revanche » des plateaux qui s’explique par les intempéries du début d’année selon Jean-Marc Krebs : « en terre profonde, l’orge a souffert des pluies de janvier et février. Le sol était comme une éponge et jusqu’au bout, on a perdu des pieds. Les plateaux sont passés à travers car c’était filtrant et les racines n’étaient pas dans l’eau… ». Les calibrages sont dans la moyenne, à 82 %, mais l’effet double peine est bien présent : « quand on est dans des terres ayant souffert d’excès d’eau, les gars en plus, perdent 10 points de calibrage… » Avec en prime toutefois, des taux de protéines en variété Étincel présentant une belle qualité, avec un taux moyen de 10,1.
Pas de bons résultats en revanche concernant le colza en zone plateaux : « les excès d’eau ont fait très mal et on s’attend à des 24 q/ha, voire en dessous… » Plusieurs raisons à cela, dont : « le problème des insectes résistants dont on ne vient pas à bout et les coups de froid tardifs enregistrés à certains endroits en fonction de l’exposition des parcelles… ». En terres profondes, les rendements devraient atteindre entre 32 et 35 q/ha, avec au final, une année assez moyenne : « en Puisaye et sur le Tonnerrois, ils en sont à 15 points en dessous et dans la partie nord Yonne et Sud Seine-et-Marne, les rendements annoncés sont à 26 % en retrait… ».
Entamée pour les plus précoces dès le 2 juillet, la collecte de blés s’annonce bonne, avec un PS moyen à 78, mais la menace des pluies est bien présente : « dans l’ouest du département, on a perdu la semaine dernière entre 2 à 3 points de PS. Tu remets une pluie là-dessus, tu tombes à 74 ou 73… C’est pour ça que certains aujourd’hui, ont arrêté le colza et bourrent en blé comme des malades… » Avec un taux moyen de 11,8 en protéines, mais des résultats très hétérogènes entre les régions, allant de 11,7 à plus de 12, dus à un phénomène de dilution en fonction des rendements.