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Vingeanne

Le colza attaqué de toutes parts

La sécheresse, les noctuelles, les grosses altises, les mouches du chou mais aussi les sangliers plombent les semis de colza dans le secteur de la Vingeanne.
Par Aurélien Genest
Le colza attaqué de toutes parts
Emmanuel Raillard dans une de ses parcelles, le 16 octobre.
Le métier d’agriculteur compliqué, très compliqué. À Montigny-Mornay-Villeneuve-sur-Vingeanne, Emmanuel Raillard liste une longue série d’aléas impactant les cultures de colza : «Pour commencer, il y a bien évidemment l’effet de la sécheresse. Environ 500 ha de colza dans la zone Mirebeau-Vingeanne n’ont pas levé et ne donneront rien quoiqu’il arrive. Les herbicides appliqués au lendemain du semis n’ont pas permis d’implanter des céréales d’hiver. Les surfaces concernées seront donc retournées pour recevoir des cultures de printemps, avec des potentiels étant toujours très limités par ici».

Noctuelle, du jamais vu
Les parcelles de colza qui ont réussi à lever font face à de nombreuses agressions : «nous avons une attaque inédite de noctuelles, il s’agit d’un petit vers qui s’attaque au collet du colza et le fait dépérir. Près de 700 ha de notre secteur sont concernés. Sans doute en avions nous déjà les années passées, mais leurs attaques n’avaient strictement rien à voir avec celles d’aujourd’hui. Des insecticides existent pour s’en défaire, mais leur utilisation est désormais interdite. Des produits beaucoup moins efficaces sont à disposition, mais il faudrait qu’il pleuve derrière leur application. Pour résumer, il n’y a rien à faire aujourd’hui». Comme dans de nombreux secteurs du département, les grosses altises sont présentes et impactent elles aussi le potentiel de la prochaine récolte : «dans mon cas, elles étaient responsables d’une perte d’environ 10 q/ha lors de la dernière moisson, pour un rendement final de 28 q/ha. C’est la deuxième fois consécutive qu’elles sont là et nous impactent. Nous les surveillons davantage cette année pour limiter les dégâts».

Mouches et sangliers
Les dernières agressions en date concernent les mouches du chou, dont la présence a été détectée à Montigny à partir du 15 octobre. «Les larves de ces insectes s’attaquent également au collet du colza. Là encore, nous ne pouvons rien faire tant qu’il ne pleut pas», déplore Emmanuel Raillard. Pour ne rien arranger, les dégâts de gibier sont considérables, comme le décrit le délégué cantonal FDSEA : «c’est la première année que nous rencontrons autant de problèmes, c’est flagrant. Les sangliers sortent de plus en plus des bois depuis plusieurs semaines. Blé, orge, colza : aucune culture n’est épargnée. Je crains que la situation ne s’aggrave le jour où il va pleuvoir. Certaines sociétés de chasse jouent le jeu, d’autres n’assurent pas de prélèvements corrects : il va vraiment falloir faire quelque chose. En attendant, les agriculteurs doivent avoir le réflexe de faire des déclarations, systématiquement».

Un problème sans solution
L’exploitant de Montigny-Mornay-Villeneuve-sur-Vingeanne s’interroge sur le devenir de la culture du colza : «cette culture est notre tête de rotation, c’est elle qui nous laisse le plus de marges. Devant tous les problèmes qui lui sont liés, si nous réduisons la sole, voire si nous l’arrêtons comme dans certains secteurs de l’Yonne, je ne sais vraiment pas ce que nous pourrons mettre à la place. J’ai beau retourner la question dans tous les sens depuis plusieurs mois, je ne trouve pas. Le tournesol et le soja ne donnent généralement qu’une demi-récolte par ici». Emmanuel Raillard fait alors la transition avec le changement climatique : «nous le subissons de plus en plus, c’est une évidence. Essayer de s’adapter lorsque nous travaillons dans les bonnes terres du nord de la France ou du bassin parisien est possible. Cela est beaucoup plus compliqué chez nous, dans notre zone défavorisée».

Cette année, il fallait semer tôt

Emmanuel Raillard a limité, dans son cas personnel, l’impact de la sécheresse en semant plus tôt que d’ordinaire. Ses parcelles de colza, d’orge et de blé et même de Cipan ont bénéficié de quelques millimètres de précipitations et d’une relative fraîcheur du sol pour lever «à peu près convenablement» : «J’ai terminé de semer le colza le 12 août alors qu’habituellement, je ne le fais pas avant le 20 voire le 25 août. C’est la deuxième année que j’avance cette date. J’ai semé au lendemain de la seule pluie que nous avons eue durant ce mois d’été. Les Cipan ont été semées deux jours après les moissons : la vesce et la phacélie ont donné des résultats plutôt corrects, mais pas le trèfle. Tout ce qui a été semé plus tard n’a rien donné, avec des pertes sèches de 30 à 40 euros de l’hectare». À la date du 16 octobre, le colza d’Emmanuel Raillard était au stade 6 à 7 feuilles dans la majorité des parcelles. L’exploitant a «remis ça» début octobre avec son orge et son blé, aujourd’hui levés. «Aucune pluie n’était annoncée, alors je me suis dépêché d’intervenir. J’avais alors une semaine d’avance. Les champs étaient moins secs que plusieurs jours plus tard», commente l’agriculteur, reconnaissant la nécessité «d’avoir de la chance» avec les rares précipitations : «les rares pluies que nous avons sont à chaque fois très localisées, c’est un peu de la loterie, il faut tomber dessus. Nous essayons de travailler du mieux que nous pouvons, quand nous pouvons ! Mais nous n’aurons jamais aucun pouvoir sur la météo, notre métier devient de plus en plus difficile».