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Économie/Environnement

Label Bas carbone  : une nouvelle source de revenus dès 2022

D’ici trois ans, des agriculteurs français pourraient être rémunérés spécifiquement pour la réduction de leurs émissions de gaz à effets de serre, grâce au label Bas Carbone. Ce nouveau cadre réglementaire leur permettra de vendre des «  crédits carbone  » à des entreprises, associations, collectivités souhaitant compenser volontairement leurs émissions.
Par Ma signature
Label Bas carbone  : une nouvelle source de revenus dès 2022
Ce sont les éleveurs de ruminants qui devraient ouvrir la voie, avec leur méthode « Carbon Agri », validée en juin dernier par le gouvernement. Ensuite, d’ici trois ans, les agriculteurs français pourraient être rémunérés pour la réduction de leurs émissions de gaz à effets de serres grâce au nouveau label bas carbone.
La voie est donc libre pour rémunérer les agriculteurs en échange de leurs actions contre le réchauffement climatique. Élaboré depuis plusieurs mois par les filières d’élevage de ruminants (Cniel, Idele, Interbev), le projet « Carbon Agri » a été validé par le gouvernement en juin. Il prévoit de labelliser des projets de réduction de l’impact climat des élevages afin d’attirer des financements privés ou publics.
Grâce à cette certification, les éleveurs pourront émettre des « crédits carbone », qu’ils vendront à des entreprises ou collectivités souhaitant compenser leurs propres émissions. Les premiers projets devraient être validés d’ici début 2020, pour une rémunération dans les deux ans. Dès cet automne, un appel à projet sera lancé pour la certification de « 400 à 600 fermes » en 2020, avec des premières rémunérations dès 2022 pour les éleveurs. La Mairie de Paris, BNP Paribas, La Poste, et les JO Paris 2024 seraient intéressés.
D’autres méthodes sont en projet, qui ouvriront cette rémunération à d’autres profils d’agriculteurs : fertilisation azotée dans les grandes cultures, méthanisation et stockage du carbone dans le sol… la transformation de terres agricoles en forêts pourra également faire l’objet d’un financement. Toutes ces méthodes pourraient préfigurer les obligations de résultat de la future Pac.
Le dispositif « Carbon Agri » s’inscrit dans le label Bas carbone, lancé par le gouvernement en novembre. Ce cadre réglementaire vise à certifier des « méthodologies » de réductions d’émissions de gaz à effet de serre dans des secteurs exclus du marché européen du CO2. La méthodologie « Carbon Agri » est la première à être validée pour le secteur agricole.

Un outil déconnecté du marché européen du carbone
Le label Bas carbone était en gestation depuis plusieurs années. « En 2012 avec la fin de l’application du protocole de Kyoto, il n’y avait plus de système de certification carbone en France. Les entreprises qui souhaitaient compenser leurs émissions le faisaient à l’étranger », commente Claudine Foucherot, cheffe de projet Territoire et climat pour l’I4CE, l’organisme public qui a encadré l’élaboration du label.
Ce nouveau dispositif est toutefois totalement déconnecté des autres marchés du carbone européen. « Les crédits carbone ne seront ni utilisables sur le marché carbone européen, ni sur le futur marché Corsia de l’Organisation de l’aviation civile internationale, ni pour remplir les obligations internationales des États », selon le ministère.
En outre, afin « d’éviter l’émergence d’un marché d’échanges qui nécessiterait une surveillance lourde », la réglementation « interdit l’échange des réductions une fois celles-ci achetées », ajoute le ministère. Le prix du carbone devrait, quant à lui, être fixé par contrat entre porteurs de projets et financeurs. Dans le cadre de Carbon Agri, l’Idele espère le négocier « entre 20 et 25 euros la tonne », espère Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement : « On a fait des évaluations sur des exploitations moyennes françaises, sur 5 ans on attend une réduction comprise entre 300 et 400 tonnes de CO2 ». Soit une rémunération d’environ 6 000 à 10 000 euros sur cinq ans.

Seules les compensations volontaires sont concernées
Enfin, les financeurs ne pourront investir dans des projets labellisés Bas carbone que dans le cadre de leur politique de compensation volontaire. Pas question de « remplir une obligation réglementaire » avec ce dispositif. Les agriculteurs pourront donc profiter des financements issus, par exemple, des plans de RSE et des stratégies climat des entreprises et collectivités.
La rencontre entre investisseurs et porteurs de projets pourra se faire de plusieurs manières. D’abord, le ministère compte développer une plateforme afin de mettre en lumière les projets des exploitants. Ensuite, la filière élevage a créé une association « Carbon Agri Association », pour assurer la « logistique » de la valorisation des réductions d’émissions.
Certaines entreprises et collectivités ont déjà fait part de leur intérêt à l’Institut de l’élevage : c’est le cas de la Mairie de Paris, BNP Paribas, La Poste, et de J.O. Paris 2024. L’association portera des « mégaprojets » de labellisation de plusieurs centaines d’exploitations à la fois. « L’objectif est d’avoir 2-3 projets de 400 à 600 fermes chaque année », indique Jean-Baptiste Dollé (Idele).

Bientôt une méthodologie pour les grandes cultures
L’élevage ne devrait pas rester le seul secteur agricole bénéficiant du label bas carbone. Tout acteur économique, politique ou citoyen peut proposer une « méthodologie » à intégrer dans le label. Pour être acceptée, celle-ci devra être « instruite par un groupe d’expert ». Pour les projets agricoles, ce groupe sera composé d’experts du secteur (Inra, chambres d’agriculture, coopératives) et d’ONG.
Des projets sont d’ailleurs déjà en chantier dans d’autres secteurs. Un groupe de travail piloté par GRDF a été mis en place pour établir une « méthodologie » visant à certifier des projets de méthanisations, dans les prochains mois. Un second groupe de travail devrait élaborer un projet de labellisation consacré aux grandes cultures, notamment sur la question de la fertilisation azotée.
Enfin, une méthode transversale le stockage de carbone dans le sol devrait voir le jour dans les prochains mois. « Cela sera soit une grosse méthodologie couvrant tous les aspects de la problématique, soit plusieurs petites méthodologies, avec par exemple des focus sur la gestion des haies, la gestion des prairies, les grandes cultures… », précise Claudine Foucherot.

Transformer des terres agricoles en forêts
La forêt est, elle aussi, concernée par le label Bas carbone. En avril dernier, les trois premières « méthodologies » consacrées à ce secteur ont en effet été validées par le gouvernement. Un projet pilote, en Lozère, financé par La Poste, a d’ailleurs permis de reboiser « 36 ha de pinèdes fortement dégradés par une tempête et la neige », indique le ministère de la Transition écologique.
L’une d’entre elles devrait particulièrement questionner le monde agricole : « le boisement de terres agricoles ou friches embroussaillées ». Il sera en effet possible, pour un propriétaire de terres agricoles, d’être rémunéré pour transformer son terrain en forêt. La nouvelle nature « boisée » de ce terrain devra être « respectée pendant au moins 30 ans ».
Pour le moment balbutiant, le label pourrait être élargi dans le cadre de la future Pac. En effet, les réformes en discussions à Bruxelles pourraient amplifier le recours aux obligations de résultat, dans le cadre verdissement de Pac. Des « réflexions » sont à l’œuvre pour intégrer le label bas carbone afin de certifier l’exécution de ces nouvelles obligations, indique l’I4CE.

Cap2er, un outil de mesure de la performance carbone des exploitations

Pour mesurer l’impact carbone des exploitations, la filière élevage dispose d’un outil : Cap2er. Ce logiciel, développé par l’Institut de l’élevage, calcule essentiellement l’impact carbone des exploitations. Il intègre, dans son calcul les « impacts directs liés à la conduite du troupeau » et les « impacts indirects liés à l’utilisation d’intrants ». Il prend également en compte les contributions positives de l’élevage (stockage de carbone). Pour ce faire, l’éleveur doit remplir 150 données techniques et d’activité sur son exploitation. Le projet vise, selon l’Idele à « sensibiliser les éleveurs à la prise en compte des enjeux environnementaux » dans leur travail, « évaluer l’empreinte environnementale des produits d’élevage », et « identifier les marges de progrès  ».