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Environnement

La vitiforesterie comme moyen de penser globalement ses vignes

À Molesme, dans le nord de la Côte-d'Or, Mathieu Dangin s'est lancé, il y a près de cinq ans, dans une démarche de vitiforesterie. Il en tire aujourd'hui de premiers enseignements.

Par Berty Robert
La vitiforesterie comme moyen de penser globalement ses vignes
Mathieu Dangin a fait le choix d'implanter des arbres dans ses vignes en 2021. Depuis, il observe les impacts, positifs ou négatifs, de cette orientation.

« Au début, le bio, on pensait que c'était juste cuivre, soufre et rien d’autre, et on s'est rendu compte que c'était beaucoup plus complexe. Cela nécessite d'aborder la vigne dans son ensemble, de manière globale, avec la vie du sol notamment, et de nombreuses autres interactions. En menant des recherches, on a entendu parler de la vitiforesterie et on a senti que cela pouvait présenter des avantages. » C'est ainsi que Mathieu Dangin, viticulteur à Molesme, dans le nord de la Côte-d'Or (Domaine Bruno Dangin), sur 6 ha cultivés entièrement en bio, auxquels s'ajoute une petite parcelle située en Champagne toute proche, explique son choix de faire évoluer son travail en y incluant de la vitiforesterie. Ce choix est lié, en grande partie, au passage en bio du domaine. L'orientation vitiforestière, elle, date de 2021. La première préoccupation qui a conduit Mathieu Dangin à s'intéresser à la vitiforesterie, c'est la question climatique. Face à de nombreux « coups de chaud » comme on en a connu cette année, mais aussi les années précédentes, il devenait urgent, à ses yeux, d'imaginer des solutions permettant d'en atténuer les effets. « En fait, par ce biais, poursuit le viticulteur, on revient aux origines de la vigne qui est une plante qui pousse au bord des clairières, le long des arbres et qui utilise ces derniers comme tuteurs. »

Se laisser la possibilité d'observer

L'intérêt de la démarche voulue par Mathieu Dangin sur ses vignes est qu'elle n'est ni dogmatique, ni schématique : le viticulteur se laisse la possibilité d'observer, sur le temps long, les aspects positifs mais aussi négatifs qui peuvent accompagner le développement de la vitiforesterie. « Pour l'instant, nous n'avons pas encore suffisamment de recul pour pouvoir affirmer qu'il y aura plus d'avantages que d'inconvénients. » Ces inconvénients, ils pourraient, par exemple, se traduire par une concurrence excessive entre les arbres plantés et la vigne, en matière de besoins en eau. Depuis 2021, toutefois, Mathieu Dangin n'a observé aucun problème de ce type autour des 500 arbres qu'il a planté. Un aspect climatique positif attendu par ces plantations, c'est l'effet « ventilateur » qui peut accentuer le vent et donc rafraîchir les vignes, mais, si le vent est très chaud, cela peut, au contraire les dessécher : « rien n'est jamais tout bon ou tout mauvais, constate Mathieu Dangin, chacune de nos actions a des effets multiples qu'il faut prendre le temps d'observer avant d'en tirer des conclusions. » Les arbres plantés sont des pommiers et des poiriers à cidre, qui produisent des fruits plutôt acides : « l'objectif, à moyen terme, c'est d'avoir une parcelle sur laquelle on va pouvoir faire un crémant de Bourgogne et un poiré ou un cidre, à partir d'un même terroir. »

Repères pour auxiliaires naturels

Autre intérêt de ces plantations d'arbres : les chauves-souris ! Plusieurs petites cabanes aptes à servir d'abri à ces petits prédateurs d'insectes ont été installées sur certaines des parcelles du domaine. Chaque nuit, elles consomment des milliers d'insectes, dont, notamment, un petit papillon qui a la mauvaise habitude d'aller pondre dans les grappes de raisin. La présence d'arbre aide ces auxiliaires naturels que sont les chauves-souris à se repérer sur leur « terrain de chasse ». Là encore plus qu'une simple plantation d'arbre, le viticulteur est en quête d'un équilibre global. Sur ses 6 ha, Mathieu Dangin a aussi diversifié son approche de la vitiforesterie : sur certaines parcelles, les arbres sont plantés dans la vigne. Ailleurs, le rang d'arbres prend place entre deux parcelles de vigne. Sur une troisième parcelle où des essais en vigne large, avec des cépages résistants, sont menés, les arbres sont placés en bout de rang. Là encore, le but est de déterminer les implantations les plus pertinentes et profitables à mettre en place. Mathieu Dangin n'en est encore qu'au début de l'observation des effets de la vitiforesterie sur ses vignes. Les années qui viennent apporteront des informations sur la nécessité de tailler les arbres, de quelles façons, sur la préservation des aspects pratiques du travail de la vigne (passage des engins…) et plus globalement, sur la meilleure façon de « pratiquer l'arbre » dans la vigne. « En plus, ce qui nous plaît dans le fait de planter des arbres, conclut le viticulteur, c'est que cela nous amène à nous projeter sur dix, vingt ou trente ans… »

Un domaine très exportateur

Le domaine Bruno Dangin produit en grande majorité du crémant de Bourgogne mais aussi quelques vins tranquilles. En crémant, la production annuelle tourne autour de 50 000 bouteilles, vendues à près de 90 % à l'export, notamment aux États-Unis, mais aussi vers l'Italie.