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Chambre d’agriculture

La sécheresse s’amplifie

La grande préoccupation du moment a alimenté bon nombre de discussions lors de la session de la Chambre d’agriculture, vendredi dernier au lycée de Plombières-lès-Dijon.
Par Aurélien Genest
La sécheresse s’amplifie
Encore une année atypique. Après un printemps très arrosé, une grande sécheresse est arrivée et n’en finit plus d’inquiéter. «Certains secteurs n’ont plus reçu la moindre goutte d’eau depuis le 10 juin», a rappelé le président de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or, la semaine dernière à Plombières. Couplée à de fortes chaleurs, ces conditions climatiques ont impacté le potentiel des grandes cultures et anéanti la pousse de l’herbe, rendant obligatoire l’affouragement des animaux dès le mois de juillet. «Cette sécheresse est très particulière», décrit Vincent Lavier, «elle est intervenue rapidement et tardivement, ne laissant que très peu de possibilités aux exploitants. Les foins et les moissons ont été précoces et n’ont pas laissé le temps de trouver des solutions de substitution, en anticipant par exemple les besoins en paille ou en semant des couverts. Nous avons également fait face à une demande inédite des pays du nord de l’Europe, confrontés à la même problématique. Des opérateurs étrangers sont venus s’approvisionner très tôt dans notre pays. Aujourd’hui, la paille se raréfie et ses prix flambent, alors qu’environ une année et demie de récoltes de fourrages sera nécessaire pour attendre la mise à l’herbe des animaux en avril 2019. Aucun agriculteur ne sera mesure de l’assurer, d’autant que rien ne sera récolté cet automne. Compte tenu de l’état des trésoreries des exploitations, avec en plus des factures en eau qui s’annoncent très élevées, les éleveurs ne pourront pas s’en sortir seuls, c’est une certitude».

Savoir anticiper
Vincent Lavier a évoqué la tenue d’une réunion régionale, quelques jours plus tôt en présence des services de l’État : «tous les leviers qui pourront être actionnés le seront, je pense notamment à la procédure calamités et au dégrèvement de la TFNB. Les collectivités territoriales ont conscience qu’il va falloir mettre la main à la poche, elles ont envie d’assurer leur part de soutien. Même si la loi Notre ne facilite pas les choses, notre Département a envie de soutenir l’agriculture. Je ne doute pas que la Région, avec les moyens dont elle dispose, le fasse aussi. À ce titre, nous demandons aux services de l’État d’assurer une coordination entre la Région et le Département, tous les chantiers possibles doivent être explorés pour soutenir les exploitants». Une réflexion à plus long terme s’impose également d’après le président de la Chambre d’agriculture. La possibilité de constituer des retenues collinaires doit «enfin pouvoir voir le jour». Une adaptation des systèmes d’exploitation au changement climatique doit faire l’objet d’une grande réflexion : «nous avons l’obligation de devenir plus autonomes face aux aléas. Un important travail est à mener sur les variétés fourragères, cette piste est déjà étudiée avec la Chambre régionale. Nous n’allons pas trouver une variété d’herbe qui continuera de pousser sans eau et sous 40 °C, mais je suis certain qu’il existe des marges d’adaptation. Le stockage du foin et de la paille doit faire l’objet d’un raisonnement collectif».

Parmi les interventions

Fabrice Faivre : «Le climat change, et il change très vite. Dans une telle situation, l’adaptation reste la meilleure arme. Des pistes doivent être étudiées avec, peut-être, la création de bâtiments d’élevage plus économes en paille, ou encore le retournement de prairies naturelles pour laisser place à une vraie culture de l’herbe. Sans doute nous faut-il un vrai plan de stockage, collectif, pour faire face à ce type de sécheresse qui risque fort de se reproduire dans les années à venir. Il y a aussi et surtout un vrai sujet sur le stockage de l’eau, il en va du développement de notre agriculture. La sécheresse actuelle ne touche pas toutes les régions : si la Bretagne et les pays de la Loire étaient touchés, ce sujet ferait beaucoup plus parler. Le ministre et les services de l’État ont pris du retard sur le dossier qui n’a malheureusement pas été anticipé. Aujourd’hui, il nous faut des réponses efficaces et rapides. Les prévisions météo des quinze prochains jours n’annoncent pas de précipitations. La campagne est morte».

Nicolas Michaud :
«Le fonctionnement de la cellule de veille dans le secteur de la Saône a été désastreux cette année, nous avons eu à faire à des services de l’État en mode technocratique, pas du tout en phase avec le milieu. La Dreal a brillé par son absence. Le 1er juillet, nous avons demandé quelle était la corrélation entre le niveau des nappes et celui des rivières : nous n’avons, à ce jour, reçu aucune réponse. Autre point : la station du châtelet, nous le redisons depuis dix ans, est totalement caduque. Elle est faussée par l’activité touristique. Son gabarit est énorme, il faudrait mettre 180 bateaux pour l’optimiser. Aujourd’hui, chaque ouverture de l’écluse fait perdre 7 500 m3 d’eau. Pour comparer, mes besoins en irrigation pendant quatre mois ne représentent que dix ouvertures de ce type. Beaucoup de choses n’ont pas fonctionné cette année. Récemment, il a fallu se bagarrer pour que la Biètre ne passe pas en crise, heureusement il a plu 25 mm… On nous demande une étude d’impact de nos puits de pompage en zone de captage : quelle sera l’utilité, à part faire dépenser 2 000 euros pour chaque irrigant ? L’arrêté cadre doit être impérativement revu pour 2019, la Chambre d’agriculture ne le signera pas s’il reste ainsi. L’eau est un enjeu pour tout le monde, nous devons pouvoir la stocker et ne pas attendre de tirer la langue pour réagir. Messieurs les politiques, du bon sens et du courage ! La Côte-d’Or est une tête de bassins, c’est à nous de montrer l’exemple».

Jean-Pierre Fleury :
«Nous avions énormément d’eau il y a quelques mois, celle-ci a totalement disparu car elle n’est pas stockée. Devant tous les problèmes que cela engendre, qui en porte aujourd’hui la responsabilité ? À un moment donné, il va falloir trouver des responsables. Vraiment, le stockage de l’eau et des fourrages sont des enjeux fondamentaux. Notre rencontre avec le préfet s’est bien passée, nous attendons des avancées concrètes, dès cet automne. Pour la sécheresse, nous ne sommes malheureusement pas dans une région qui pèse. Nous aurions un Le Drian dans la région, la situation bougerait beaucoup plus, j’en suis persuadé. Le ministre, lui, sous-estime largement la situation, cela est fort regrettable. Une course contre la montre débute pour pouvoir arriver au printemps prochain. Le marché de la paille est aujourd’hui fermé, nous sommes pourtant partis pour une longue période de huit mois. De gros problèmes de disponibilités vont se faire ressentir courant février. Par rapport au dégrèvement foncier, Bercy doit se bouger».