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Loup

La peur ressurgit

Deux nouvelles attaques dans des troupeaux ovins compliquent de nouveau le quotidien des éleveurs. Rencontre avec Éloi Mony, de Francheville.

Par AG
La peur ressurgit
L'éleveur itinérant travaille désormais avec deux kilomètres de filets électriques.

C’est un bien triste anniversaire que « fête » cette semaine Éloi Mony, éleveur de 147 brebis à Francheville. Il y a tout juste un an, les 26 et 28 janvier, son troupeau se faisait attaquer à deux reprises par un loup. Neuf brebis perdaient ainsi la vie. En plus de la mort de ses animaux qu’il aime tant, ce jeune Côte-d’orien laisse depuis énormément d’énergie dans ce sinistre « dossier » : « Le stress est vraiment permanent, il y a toujours la crainte de voir le loup revenir. Où va-t-on avec cette problématique, quelle direction prenons-nous ? Quelles sont les perspectives pour les éleveurs de brebis ? Je me pose sans arrêt cette question. Deux nouvelles attaques sont à déplorer à Messigny-et-Vantoux et du côté de Beaune ces dernières semaines, avec une dizaine de brebis tuées. Cela n’est pas de nature à me rassurer, et je ne suis pas le seul dans ce cas ».

L’éleveur de 24 ans tente « tant bien que mal » de s’adapter, sans la moindre certitude. Près de 2 km de filets électriques sont aujourd’hui utilisés dans son activité : « ce double système devient de plus en plus courant en France, notamment dans les montagnes où les éleveurs n’ont plus que cette solution-là… Le premier filet a une hauteur de 90 cm, le second mesure 1,20 m. L’idée est d’ajouter une contrainte supplémentaire au loup quand celui-ci veut attaquer les brebis. Deux postes électriques assurent l’alimentation, la décharge est assurée même si le loup est en train de sauter ». Éloi Mony démonte puis remonte ses deux filets tous les 10 ou 15 jours, selon la hauteur d’herbe dans ses prés : « cela va sans dire, c’est énormément de travail. Il me faut une journée entière à chaque fois… En plus de cela, je rentre les brebis chaque soir et les ressors chaque matin, c’est un type d’astreinte que nous n’avons habituellement pas en allaitants… En ce qui concerne le coût, il y en a presque pour 2 000 euros, mais j’ai refusé d’être subventionné. En effet, lorsque l’on touche une subvention, nous sommes dans l’obligation de travailler durant au moins cinq ans par la suite, sous peine de devoir tout rembourser. Cela est difficile à dire, mais je suis tellement dégoûté et en plein doute que je me réserve le droit d’arrêter l’activité si cela devient impossible de travailler ».

Éloi Mony abandonne déjà plusieurs de ses contrats, notamment celui qui le liait avec l’ONF pour le pâturage d’1,50 ha de pelouses calcaires classées vers Étaules. Même chose pour les 4 ha du Cirque de la Coquille, près d’Étalante : « il n’était malheureusement pas possible d’installer les filets, c’était trop compliqué et même inconcevable avec la démarche écologique qui m’anime au quotidien. C’est regrettable mais je ne peux pas faire autrement ». Ses filets actuellement installés à Francheville devraient permettre de « tenir bon » jusqu’au 1er mars, date à laquelle ses brebis rentreront dans les bâtiments pour les agnelages. « Ce système ne vaut que si nous n’avons qu’un lot d’ovins », fait remarquer l’éleveur, « les brebis de mes parents sortiront vers le 1er avril, il y aura alors 7 ou 8 lots… L’installation électrique ne tiendra plus, ce ne sera plus faisable. Les soucis ne feront que décupler à cette période… L’un de nos problèmes, dans cette histoire, est l’opinion publique : les gens veulent du local, ils veulent voir des moutons dans des prés mais aussi des loups au milieu de tout ça… Vivre avec ce prédateur, faire comme si de rien n’était en cas d’attaque et se faire indemniser pour continuer l’activité n’est pas ma conception du métier ».

Brebis dans un piètre état après une attaque le 9 décembre à Messigny-et-Vantoux.