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Productions végétales

La mauvaise direction

Le président de JA21 déplore le retrait d’un nombre grandissant de matières actives. Les impasses techniques en grandes cultures pourraient se multiplier dans un avenir très proche.
Par Aurélien Genest
La mauvaise direction
Les moissons approchent à grands pas dans le département. Pour un certain nombre d’exploitations, cet exercice s’annonce une nouvelle fois compliqué à cause de la sécheresse printanière. « Aucune goutte d’eau pendant sept semaines consécutives, ça ne pardonne pas », observe le président des Jeunes agriculteurs de Côte-d’Or à l’issue d’un tour de ses parcelles. L’exploitant de Verrey-sous-Salmaise regrette que ces précipitations ne soient pas arrivées un peu plus tôt sur le calendrier : « celles-ci devraient tout de même minimiser les impacts dans certains secteurs et certaines productions. Mais c’est vrai, il est vraiment dommage qu’elles ne soient pas tombées plus en amont, elles auraient été bien plus bénéfiques pour les petites terres du plateau ».

Moins de possibilités
Plus loin que les caprices de la météo qui restent incontrôlables par l’Homme, Antoine Carré en veut tout particulièrement au Gouvernement, dont certaines décisions réduisent comme peau de chagrin le champ d’actions des agriculteurs : « je pense notamment aux retraits de plusieurs matières actives qui se font de plus en plus ressentir sur le terrain. Des produits sont sans cesse retirés du marché. Je pense au Cruiser, au Pyrinex au Proteus… Le Patton a disparu depuis cette année. Il nous reste un dernier organophosphoré avec le Boravi mais celui-ci est en grand danger… Les rares produits à disposition ont de faibles efficacités… Inutile de vous refaire un dessin avec ce qu’il se passe avec le colza. Nous n’allons bientôt plus avoir de tête de rotation, c’est une énorme impasse technique. Je pense que nous arrivons aux limites de l’agronomie : nous avons beau allonger nos rotations, il faut impérativement conserver des leviers chimiques si l’on veut continuer à produire un minimum ! Je pense au désherbage, mais aussi et surtout aux insecticides car cette année, nous avons dû faire face à de très fortes pressions d’insectes. La situation devient de plus en plus difficile avec des moyens de plus en plus restreints ».

Taper très haut
Pour le jeune exploitant de Verrey-sous-Salmaise, le sujet doit faire l’objet de discussions au plus haut rang, une rencontre avec le Premier ministre voire le Président de la république doit même être envisagée : « il faut arrêter de taper systématiquement sur la chimie. Les agriculteurs l’utilisent à bon escient, faut-il le rappeler. Il nous faut des discussions claires sur ce dossier. Il est bien trop facile de tout mettre sur le dos de l’Europe : les néonicotinoïdes, par exemple, sont interdits depuis cette année seulement à l’échelon européen. La France a été bien en avance sur ce point. N’oublions pas que notre pays joue un rôle non négligeable dans les décisions européennes ».

Chaud en paille

Antoine Carré partage ici ses inquiétudes pour le marché de la paille : « tout le monde en recherche actuellement. Or, avec la sécheresse printanière, il y en a beaucoup moins qu’en temps normal. Les cultures sont beaucoup moins hautes et les précipitations de mai ne vont pas changer grand-chose à cette problématique ». Le Côte-d’Orien s’attend à une situation « de plus en plus tendue » dans les prochaines semaines : « aujourd’hui, on ne trouve déjà plus de paille à acheter en andains. Le prix, actuellement aux alentours de 70 euros/t départ ferme, a augmenté de 10 euros en peu de temps, et même de 20 euros depuis l’hiver. Heureusement, la majorité des éleveurs ont anticipé leurs achats, mais tout n’est pas réglé pour tout le monde ». Antoine Carré observe aussi, sans vouloir lui « jeter la pierre », que le développement de l’agriculture biologique a « quelque peu changé la donne » dans le marché de la paille : « les agriculteurs récemment convertis étaient jusqu’à présent autosuffisants voire excédentaires en paille. Ils se retrouvent désormais en position d’acheteurs. Encore une fois, je ne veux surtout pas taper sur le bio, c’est juste un constat, mais la situation est encore plus tendue, surtout dans ce contexte où le changement climatique ne fait que s’accentuer. J’entendis dire que la paille de l’agriculture conventionnelle pourrait leur être interdite à l’avenir, mais ça ne sera pas possible pour pouvoir nourrir tous les animaux des cheptels concernés. Si cette décision est réellement prise, ce sera là encore une nouvelle impasse technique ».