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Mercosur

La France lâche du lest... et ses agriculteurs ?

Les déclarations d'Emmanuel Macron sur une possible signature de l'accord du Mercosur dans les prochaines semaines résonnent comme une trahison du monde agricole français.

Par Christophe Soulard
La France lâche du lest...  et ses agriculteurs ?
Actuagri
Lors de la manifestation de la FNB à Paris, devant l'ambassade du Brésil, en juillet dernier.

On sentait venir les premiers indices de ce que d’aucuns appellent déjà une trahison. Depuis quelques mois, les observateurs constataient un certain relâchement dans les combats que l’exécutif menait contre l’accord du Mercosur. C’est d’ailleurs ce qui a fait manifester la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs à plusieurs reprises ces derniers mois (en décembre 2024, en janvier 2025, etc.) et aussi la FNB au mois de juillet dernier près de l’ambassade du Brésil à Paris. Mais voilà, il semble que les dernières digues aient cédé et que la France s’apprête à signer un traité dont ses agriculteurs ne veulent pas. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait déjà forcé la main le 6 décembre 2024 en se rendant à Montevideo, en Uruguay, pour y signer, en catimini, cet accord de libre-échange. 

Garanties reçues

Maintenant, c’est le chef de l’État Emmanuel Macron qui a déclaré, le 6 novembre dans la soirée, être « plutôt positif » sur la possibilité de l’accepter. « Mais je reste vigilant parce que je défends aussi les intérêts de la France », a-t-il ajouté dans une déclaration en marge de la COP 30 qui s’est ouverte le 10 novembre à Belém (Brésil). Le Président de la République semble avoir reçu des garanties de la part de la Commission européenne, notamment sur les clauses de sauvegarde. Celles-ci pourraient protéger les produits agricoles européens par une augmentation temporaire des droits de douane sur les produits agricoles importés des pays du Mercosur, « si ces produits portent préjudice à l’agriculture européenne ». Mais sur quels critères ? De plus, le Président brésilien Luiz Iniacio Lula da Silva, et Ursula von der Leyen ont annoncé dans un communiqué qu’ils étaient « disposés à signer » l’accord lors du sommet du Mercosur, le 20 décembre à Rio de Janeiro. La réaction de la FNSEA ne s’est pas fait attendre par l’intermédiaire de son président, Arnaud Rousseau. Sur son compte X, il a rappelé que « depuis des mois » Emmanuel Macron « affirmait au monde agricole sa ferme opposition à l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Aujourd’hui (…) il se dit « plutôt positif » à l’idée de l’accepter. C’est un reniement total. Décidément, après l’insulte du Salon de l’agriculture d’il y a deux ans, lorsque le chef de l’État avait évoqué l’idée d’inviter les Soulèvements de la Terre pour « dialoguer » avec les agriculteurs, cette déclaration, prononcée qui plus est à Belém, au cœur du territoire de nos concurrents agricoles, sonne comme un nouvel affront ». Le ton est même monté d’un cran : « le Président de la République signe sa rupture avec l’agriculture française », a écrit Arnaud Rousseau. 

Des lignes rouges qui bougeraient

Il appelle d’ailleurs les députés européens qui doivent ratifier cet accord à faire bloc. De son côté, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a pris une position qui pourrait s’apparenter à une voix divergente de celle du chef de l’État « Aujourd’hui, s’il y a des avancées, le compte n’y est pas », a-t-elle indiqué sur son compte X. Elle a précisé que les lignes rouges commençaient à bouger. Sur le dossier de la clause de sauvegarde effective pour suspendre les importations en cas de déstabilisation de marché, c’est « un sujet essentiel qui avance, grâce à notre mobilisation », a-t-elle assuré. Mais elle est restée quelque peu évasive sur les contrôles renforcés sur place et aussi sur le respect des normes sanitaires et environnementales. Déjà certaines FDSEA et sections départementales de JA ont annoncé leur intention de manifester. C’est le cas à Bellême dans l’Orne où la FDSEA a décidé de faire entendre son mécontentement. Le lieu n’a, bien sûr, pas été choisi par hasard. D’autres mouvements devraient suivre.

L'accord en bref

L’accord prévoit en termes d’importations au sein de l’UE :

-99 000 tonnes/an de bœuf supplémentaires avec un droit de douane réduit (7,5 % environ) dont 55 % de viande fraîche et 45 % de viande congelée.

-180 000 tonnes/an de volailles supplémentaires avec des droits de douane fortement réduits.

-25 000 tonnes/an de porc avec droit aboli ou quasi nul

-650 000 tonnes d’éthanol dont 450 000 tonnes destinées à l’industrie (droits supprimés) et 200 000 tonnes pour carburant avec droits réduits. 

Il prévoit aussi de nombreuses suppressions de droits sur les fruits, les jus, certaines préparations alimentaires, les légumineuses, etc. Côté exportations vers le Mercosur, l’accord prévoit :

-un quota d'exportation de 1 million d'hectolitres pour les vins tranquilles européens et de 400 000 caisses de vins mousseux vers le Mercosur, des quotas qui devraient être progressivement augmenté au fil des années. De plus les droits de douane (souvent entre 20 % et 35 %) sont supprimés et le Mercosur s’engage à protéger les indications géographiques européennes (IGP/AOP).

-Un quota d’exportation de 30 000 tonnes de fromages européens par an, de 10 000 tonnes de beurre et de 6 000 tonnes de poudre de lait, avec une augmentation des quotas et une suppression progressive des droits de douane. D’autres mesures concernent les viandes transformées et charcuterie, les céréales et certains aliments transformés ainsi que l’alimentation animale, les semences et certaines huiles.