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Filière colza

La filière européenne de biodiesel menacée

La réduction annoncée par Bruxelles, du taux d’incorporation de colza dans les carburants dits de première génération, ne serait pas sans conséquence pour l’avenir de l’usine du Mériot, dans l’Aube, destination principale du colza produit dans l’Yonne
Par Dominique Bernerd
La filière européenne de biodiesel menacée
L’Yonne reste le premier département de Bourgogne Franche-Comté, en matière de production de colza, avec une surface de cultures de plus de 71 000 ha (Chiffres Agreste 2015)
Culture phare de l’agriculture hexagonale, avec 1,5 millions d’ha cultivés en 2017, le colza a vu ses surfaces multiplier par trois en trente ans. Les deux tiers d’entre elles tirant leur valorisation du débouché de la filière biodiesel. C’est en 2009 que l’Europe a adopté une directive visant à minima, un objectif d’incorporation de 10% d’énergie renouvelable dans les transports, à l’horizon 2020. Une orientation qui a conduit l’Union Européenne en 2015, à fixer à 7% le taux d’incorporation des biocarburants dits de première génération, dans les carburants conventionnels comme le gazole. Un chiffre ramené aujourd’hui à 3,8%, mettant à mal tous les efforts de la filière pour faire du colza, l’un des piliers de l’économie agricole française. Avec le risque, à terme, d’une prépondérance du biodiesel issu d’huile de palme importée, en provenance notamment d’Indonésie et de Malaisie, source de déforestation intense et sans effet positif sur l’alimentation animale, contrairement aux 2,5 millions de tonnes de tourteaux produits à partir du colza cultivé sur le sol national, à destination de l’élevage.
Le colza est une culture emblématique pour notre département, longtemps sur la première marche du podium à l’échelle nationale, en matière de surfaces cultivées et volume de graines produites. Aujourd’hui encore, l’Yonne reste de loin le 1e département de Bourgogne Franche-Comté, producteur de colza, avec 71 500 ha dédiés à la culture oléagineuse la plus cultivée en France, soit plus de 36% de toute la production régionale (chiffres Agreste récolte 2015). Un leadership mis à mal par l’effet négatif qu’aura inévitablement sur le prix des graines, une réduction du taux d’incorporation de colza dans les biocarburants de type Diester. Ce dont s’alarme Alain Renoux, agriculteur dans le nord du département et administrateur à la FOP (Fédération des producteurs d’oléagineux et de protéagineux)

L’usine du Mériot au ralenti
- Comment le département est-il devenu l’un des premiers producteurs de colza en France ?
Alain Renoux «Nous étions un département où, avec le secteur des plateaux, il fallait trouver une culture qui possède une certaine résilience, du fait de la sécheresse et de terres à faible potentiel. Niveau récolte, il était plus compliqué alors, de faire des pois ou des légumineuses et c’est comme cela que le colza a connu son essor. Même si les problèmes récurrents d’altises et charançons ont freiné sa progression, le colza, première tête de rotation, reste une plante essentielle pour l’Yonne, dont la production, dans sa quasi totalité, prend la direction de l’usine biodiesel du Mériot, dans l’Aube…»

- Justement, des menaces semblent peser aujourd’hui sur ce site, propriété du groupe Saipol, face aux incertitudes liées aux prochaines décisions européennes
«L’usine du Mériot bien sûr est menacée, mais c’est l’ensemble des sites du groupe qui risque d’en subir les conséquences. On sait déjà que le Mériot va devoir réduire sa production et tourner avec 20% de capacité en moins pour la campagne prochaine. Le groupe Saipol a annoncé également avoir fait une demande auprès de l’État, pour recourir au chômage partiel dans toutes ses usines, afin de compenser la réduction d’activité et éviter de licencier. Alors même que l’usine du Mériot, en terme de traçabilité de tourteaux français, a reçu le label «tourteaux sans OGM»

- Face à cela, quels types d’action menez-vous à la FOP ?
«L’action se mène à plusieurs niveaux : à commencer par le problème de l’usine Total de La Mède, qui est du ressort exclusif de la France, avec au final, des biocarburants issus de l’huile de palme, en concurrence directe avec les filières européennes de biodiesel. Si La Mède produit le tiers des biocarburants utilisés en France, si vous rajoutez le biodiesel argentin qui arrive, essentiellement OGM, quelle place restera t-il pour les colzas français ? Les prix sont aujourd’hui tirés vers le haut par le biodiesel, mais comment réagiront les agriculteurs si les cours ne sont plus au rendez-vous…? Au niveau français toujours, le Sénat vient de voter pour un taux d’incorporation à 7% et à l’Europe, les choses se mettent en place avec un travail de lobbying mené par la filière pour faire avancer les choses, mais elles évoluent lentement. Si au niveau de la Commission agricole tous les pays seraient plutôt favorables, c’est la Commission environnement qui met les freins, en lien direct avec l’utilisation du carburant diesel…»