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Productions végétales

La charrue avant les bœufs

Le président de Dijon Céréales déplore l’incessante pression écologiste. Les agriculteurs n’ont pas le temps de s’adapter face aux restrictions et plusieurs filières sont en danger.
Par AG
La charrue avant les bœufs
Marc Patriat a semé du colza mi-août avec beaucoup d’interrogations.
Interdire, interdire et encore interdire. «On ne sait faire que ça, aujourd’hui en France», regrette Marc Patriat, agriculteur à Corrombles, près d’Époisses. Le producteur céréalier de 64 ans ne cautionne aucunement les restrictions relatives à la protection des plantes, qui mettent en péril plusieurs cultures comme celles de la moutarde et du colza. «Nos politiques ne nous laissent pas le temps de trouver des solutions face au retrait de certaines matières actives. Nous n’avons pas besoin de ça, le contexte est déjà très difficile avec les effets du changement climatique», lance le président de Dijon Céréales. La filière emblématique de la moutarde est de ce fait «très mal embarquée» : «nous importerons tout ce que l’on veut de l’étranger quand celle-ci aura définitivement disparu, je pense notamment à la moutarde OGM traitée au glyphosate… Ce sera la même chose avec le colza, pour lequel nous n’avons toujours pas de solutions face à l’interdiction des néonicotinoïdes. Tout cela n’a aucun sens».

Les Verts dominent
Marc Patriat pointe du doigt une «trop forte pression» écologiste, à l’origine de nombreuses impasses techniques : «je pense que cette tendance n’est malheureusement pas près de s’arrêter. Nos élus retiennent l’opinion publique, c’est une façon pour eux de préparer les prochaines élections, notamment présidentielles. Le mouvement écologiste fait peur à tout le monde en disant que les agriculteurs empoisonnent la population. Nous n’avons pourtant jamais aussi bien mangé qu’aujourd’hui, ni produit aussi propre et durable que maintenant ! Je ne dis pas qu’il n’y a pas de progrès à faire de notre côté, car il y en a toujours. Les agriculteurs ont toujours su s’adapter mais avec le monde du vivant, il faut impérativement du temps pour trouver des solutions…»

Des bennes peu remplies
Marc Patriat vient de réaliser la plus mauvaise moisson de sa carrière avec des rendements de 7,5 q/ha en colza, 52 q/ha en orges d’hiver et 60 q/ha en blé. Trente de ses 40 ha de colza ont été retournés et remplacés en tournesol. La sécheresse, mais aussi les insectes et l’absence de solutions chimiques, sont responsables de ce mauvais exercice. L’exploitant de Corrombles a débuté une nouvelle campagne mi-août en semant 20 ha de colza, contre le double un an plus tôt : «nous avions préparé les terres et commandé des semences au cas où, nous l’avons fait sans grandes convictions… Je n’aurais rien touché s’il n’avait pas plu. Si la culture ne donne rien, nous labourerons comme nous l’avons fait l’an passé». Une seconde nouveauté concerne les orges d’hiver : «je vais me mettre à l’orge de mouture, au détriment de la brassicole qui a son lot de déceptions depuis plusieurs campagnes. Mon choix est également motivé par les effets post-covid et la baisse de la consommation de malt».

La tendance tournesol
Marc Patriat va poursuivre sur sa lancée en re-semant du tournesol, qui revient de plus en plus à la mode pour remplacer le colza : «J’en faisais déjà il y a une trentaine d’années avec des résultats plutôt corrects. Je me rappelle même avoir fait 45 q/ha en 1988. Mais les rendements s’étaient considérablement tassés les années suivantes. Le tournesol est de plus en plus plébiscité, c’est vrai, mais cette culture reste beaucoup moins intéressante que le colza». À l’échelle de la coopérative qu’il préside depuis 2006, Marc Patriat s’inquiète des tonnages que seront enregistrés au cours de cette année 2020 : «nous allons avoir du mal à atteindre 800 000 tonnes, une baisse de 15 à 20 % de notre volume de collecte est à craindre. C’est problématique pour l’amortissement de nos charges, le diviseur sur les tonnes ne sera plus le même. Entre les décisions politiques, le changement du climat et les passages en agriculture biologique qui pèse sur la collecte, nous devons prendre ces impacts en considération et nous avons lancé en ce sens un plan d’adaptation à l’échelle de la coopérative».