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Comité Bourgogne

La Bourgogne à un tournant

Le 6 octobre à Beaune, l’interprofession des vins de Bourgogne, désormais dénommée Comité Bourgogne, modernisait également sa conférence de presse post-vendanges. Ce fut notamment l’occasion de parler du futur, à commencer par les innovations à la vigne et à la cave face au changement climatique.

Par Cédric Michelin
La Bourgogne à un tournant
Les coprésidents du Comité Bourgogne : François Labet et Laurent Delaunay.

Nul doute que les vins de Bourgogne se sont fait voler la vedette par la démission du Premier ministre à la même heure le 6 octobre. Alors que tout le monde était encore sous le choc de cette information, Laurent Delaunay, coprésident du BIVB ne pouvait faire autrement que d’adresser un message aux politiciens de tous bords : « au nom de notre organisation professionnelle qui représente 3 800 entreprises, un secteur, une filière… je vous appelle à plus de responsabilité, car sur les marchés, cette instabilité pour l’économie est nuisible et très perturbante pour nos métiers ». L'autre coprésident, François Labet, utilisait un autre qualificatif pour décrire la campagne et les vendanges 2025 : « chaotique ». Pour le vigneron de Côte-d'Or, le changement climatique ne peut plus être nié, alors que la Bourgogne viticole a connu la grêle, les maladies et une terrible canicule en août. Chacun dans son exploitation a dû jongler selon les précipitations, les maturités et les vendangeurs disponibles pour définir au mieux ses dates de vendanges, étalées sur plus d’un mois. François Labet rassurait les amoureux de la Bourgogne sur la qualité du millésime avec des rouges « soyeux et élégants » et des blancs « aux meilleurs rapports qualité-prix, pour les Mâconnais et Chablisiens, ou plus élitistes au cœur de la Bourgogne. »

Des ventes qui restent bonnes

La Bourgogne reste la seule région viticole à voir ses ventes « étonnamment bonnes, compte tenu de la situation économique ». L’export progresse de + 5,6 % en volume et + 2,7 % en valeur à fin juillet. Mais, il faut regarder les signaux d’alerte, avec « un tassement du chiffre d’affaires et des marges ». La guerre commerciale mondiale et la déconsommation de vins, obligent à revoir les prix à la baisse. Laurent Delaunay donnait son ressenti sur les marchés « tendus, plus difficiles où il faut aller, être plus performants », lui qui va soutenir ses clients pour « défendre nos positions sur les marchés ». Idem, en grande distribution française, avec certes des chiffres positifs, mais se tassant (+ 0,7 % en volume et + 0,4 % en valeur à fin août) où là aussi, la compétition fait rage. Face à ce ralentissement général, les stocks sont en légère augmentation. Si les déclarations de récoltes et les chiffres définitifs ne seront officialisés qu’en novembre, lors de la vente des Hospices de Beaune, nul doute que « 2025 sera en dessous de la moyenne ». 2025 succède donc à la petite récolte 2024 (1,2 Mhl), ce qui n’est « pas une mauvaise nouvelle car nous n’avions pas besoin d’une récolte volumique et on a dorénavant plus d’espoirs de maintenir les prix », sans craindre de pénurie, nuançait le négociant nuiton. La Bourgogne continue de vivre sur ses ventes exports – avec un regain pour Chablis et Mâcon — mais aussi sur « ses marques et marques de distributeur, ainsi que les crémants à la santé insolente », en grande distribution.

Craintes sur le marché américain

Néanmoins, les plaques tectoniques du commerce mondial bougent et provoquent des secousses sismiques. Présents dans 117 pays, les vins de Bourgogne sont exportés à 22 % aux États-Unis d’Amérique dans 50 États. Si tous se disaient soulagés d’avoir échappé au 200 % de taxes, un temps brandies par Trump, la menace reste présente avec le Président américain. Les ventes de fin d’année ont été faites par anticipation. Les vins européens sont taxés à 15 % depuis, en plus des 4 % initiaux, qui rajoutés à la dévaluation du dollar, donnent un prix de revient 25 % plus élevé pour les acheteurs américains qu’avant. « Maintenant, on va vraiment voir les répercussions en magasins et sur les commandes de nos importateurs ». Les distributeurs sont moins enclins à faire des concessions alors que les importateurs et opérateurs Bourguignons se répartissent la note. Conséquence indirecte des taxes Trump envers le Canada, ce pays est devenu encore plus friand de vins de Bourgogne et en particulier la province du Québec. La Bourgogne y ayant dépassé les vignobles de Bordeaux et du Languedoc. Autre percée notable : la Suède devient le 4e marché de la Bourgogne. En revanche, le Japon recule et préfigure le marché français avec une baisse démographique et une « absence de renouvellement de clients avec des jeunes moins intéressés par le vin ». Si le Comité Bourgogne est favorable aux accords de libre-échange, comme le Ceta avec le Canada le prouve, les accords avec le Mercosur ou l’Inde vont nécessiter d’importants moyens pour conquérir ces marchés non acculturés à l’histoire et aux goûts de nos vins. C’est pourquoi, le pôle marché et le pôle communication ont identifié un besoin « d’adapter notre communication aux millenials, qui n’ont pas eu cette transmission » via leurs parents, insistait Michel Barraud, coprésident. La dernière campagne de communication affichait sa « vraie volonté de s’adresser aux jeunes, de changer de ton, de rendre plus simple, plus accessible, plus abordable » les vins de Bourgogne.

Évolutions pour les Cités

À l’heure où le commerce est à la peine et où l’incertitude économique prédomine, « pour vendre, il faut communiquer » et le Comité Bourgogne va réallouer une enveloppe (avec des fonds OCM) pour une nouvelle campagne média destiné au grand public, en prenant en compte les retours et en remodelant quelques visuels de sa campagne Tellement Bourgogne et Tellement Chablis. Nul doute, que cette campagne, primée au national par ses pairs, constitue une belle carte de visite pour Michel Barraud qui s’est porté candidat pour être coprésident à la suite des deux mandats de François Labet. Les Cités des Climats et vins de Bourgogne de Beaune, Chablis et Mâcon ont également été faites pour le grand public. Mais force est de constater qu’après leurs inaugurations en juin 2023, la fréquentation n’était pas au rendez-vous. Le BIVB alors a lancé un audit pendant un an afin de se confronter à la réalité des marchés touristiques. Un virage stratégique a été pris début 2025 en recrutant un nouveau directeur et en « cherchant les synergies avec le Comité Bourgogne, pour éviter les doublons qui nuisaient à l’équilibre économique ». Venant de la Burgundy School of Business (BSB) Dijon, Édouard Mognetti sera nommé le 24 novembre directeur général délégué. Laurent Delaunay rappelait que le « péché originel des Cités fut de croire que notre institution (des vins de Bourgogne, N.D.L.R.) suffirait à faire venir les touristes alors que la compétition est grande avec beaucoup de lieux culturels ». Édouard Mognetti va donc s’attaquer à « un projet qui reste à écrire » mais visant à renforcer la dynamique commerciale, l’attractivité en France et à l’international et en modulant l’offre de services, à commencer par l’École des vins, « atout majeur » des Cités. 2026 s’annonce comme une année charnière, avec les Grands jours de Bourgogne (du 9 au 13 mars) et avant, l’assemblée générale qui sera couplée avec Vinosphère le 29 janvier.

 

Millésime 2025 : une mauvaise surprise

Le coprésident du pôle Technique et innovations, Frédéric Barnier ne cachait pas sa déception en cette fin de vendanges. « Ce fut une mauvaise surprise en volume. Les poids de grappe ont fondu, notamment en blancs, qui ont été vendangés en premier. C’est paradoxal car il y a eu de l’eau durant la campagne et on était persuadé que malgré la canicule, la vigne résisterait. Mais juillet a été sec et on a enchaîné avec la canicule et un vent séchant. Au final, on a perdu 10-15 % ». Autant dire que la campagne et le millésime 2025 ne font que renforcer l’obligation de trouver des réponses au changement climatique et à la « nécessité de réinventer la technique en Bourgogne à la vigne et en cave ». Pour pouvoir continuer à rester la référence des grands vins durables, le Comité Bourgogne avait en 2020 axé sur des projets de recherche visant à conserver la qualité, la diversité, et l’authenticité de chaque vin de Bourgogne ayant sa propre personnalité. Trois projets de recherche sont emblématiques de ce renforcement de la recherche technique : le projet Volta évaluant la longévité des vins blancs ; le projet Parsada visant à réduire les intrants et phytosanitaires « avec moins d’inoculum (de mildiou ou d'oïdium), plus de biocontrôles, plus de stimulation des défenses de la vigne, la vaccination des plants dits prémunis… » ou encore avec le projet CAP 2050. « Il faudra croiser les solutions telles que les densités de plantation, du matériel végétal différent et des pratiques sur un démonstrateur in situ sur le terrain dans le cadre d’une réelle production pour évaluer l’efficacité multifactorielle. »