Grande cultures
L’introduction d’un atelier élevage en sytème céréalier
Introduire un atelier d’élevage ovin dans un système grandes cultures : des ateliers complémentaires favorisant la rentabilité de l’exploitation. La polyculture élevage ferait-elle son retour dans le paysage agricole ?

Dans le paysage agricole, les récentes générations de paysans ont progressivement supprimé la partie «élevage» de «polyculture-élevage» pour diverses raisons : trop grande astreinte de l’élevage, manque d’intérêt, périodes de faible rentabilité… Pourtant, depuis peu, des ateliers d’élevages reviennent chez les céréaliers. La Cialyn, Alysé et la Chambre d’Agriculture ont lancé un plan de développement ovin l’hiver dernier, suite à plusieurs sollicitations de céréaliers souhaitant installer un troupeau de brebis chez eux et la demande existant dans la filière ovine. Jérôme Laviron, conseiller en élevage chez Alysé, explique l’origine du projet : «La filière est en déclin depuis 30 ans, avec des petites troupes qui sont abandonnées peu à peu, car elles présentent trop de contraintes… Mais le prix de l’agneau est remonté et s’est stabilisé depuis 4 ou 5 ans, alors que les céréaliers se posent de plus en plus de questions sur leurs rendements et remettent en cause la rotation classique colza-blé-orge, notamment sur les plateaux. En plus, aujourd’hui, il y a des contraintes liées aux bassins de captage, avec l’obligation de réintroduire de l’herbe dans la rotation, difficilement valorisable en système céréalier pur. On note aussi un retour de l’intérêt pour l’élevage. Dans l’éducation agricole, les jeunes qui ne juraient que par les tracteurs et les céréales il y a quelques années se tournent de plus en plus vers l’élevage».
Les organismes agricoles ont travaillé sur la thématique et communiquent auprès des céréaliers intéressés avec des arguments basés sur la rentabilité d’une telle association : «L’agneau… une nouvelle culture sur votre exploitation ! Sécuriser son revenu avec des brebis. La production ovine, une réponse adaptée aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux qui assurent la durabilité d’une exploitation».
Ce type de projet de diversification s’adresse, selon les spécialistes, aux céréaliers souhaitant «développer l’exploitation sans augmenter la surface, installer un jeune, embaucher ou conforter un salarié, ou encore optimiser les temps de travaux»(1).
«Une diversification bienvenue»
À Cruzy-le-Chatel, l’EARL des Herbues en est à sa cinquième génération d’agriculteurs. Jadis, il y avait un troupeau ovin, puis des vaches, puis… uniquement des cultures. 200 ha conduits aujourd’hui en semis direct et en première année de conversion bio. Sur ces sols argilo-calcaires de plateaux de Bourgogne sont cultivés : blé, orge de printemps et d’hiver, pois d’hiver et de printemps, trèfle porte-graine, fétuque, avoine de printemps, mélange orge et petit pois, lentilles, pois chiche, sorgho, luzerne et prairies temporaires et permanentes.
Quand Romain Bonenfant rejoint l’exploitation en 2011, il ne se voit rien faire d’autre que de l’élevage. «Et ça a été une diversification bienvenue !» raconte le jeune homme. «Après les trois dernières années compliquées en grandes cultures, heureusement pour le portefeuille de l’exploitation qu’il y avait les moutons !» Romain élève 400 brebis de race Romane et île de France, qu’il commercialise en coopérative sous deux Label Rouge. Il réalise trois périodes d’agnelages pour pouvoir commercialiser ses agneaux aux meilleurs moments de l’année (Noël et Pâques).
Complémentaires mon cher Watson !
Romain est satisfait de ce système, et se rend bien compte de la complémentarité du troupeau avec les grandes cultures. En plus de l’autonomie alimentaire des brebis grâce aux productions de la ferme, le fumier permet de fertiliser les sols. La luzerne, aux multiples avantages agronomiques, a pu être réintroduite dans la rotation. La culture en place pour trois ans permet d’apporter de l’azote au sol (et aux brebis !), de décompacter le sol et favorise l’implantation racinaire des cultures suivantes. Les couverts sont pâturés à partir de fin août jusqu’en octobre. Cela permet de casser les tiges, donc d’entamer la phase de destruction du couvert, mais aussi de nettoyer les parcelles tout en apportant de la fumure directe et d’alimenter les brebis avec une source d’azote «pas cher». Le tout nécessite seulement l’implantation de clôtures mobiles et la surveillance des pieds des brebis, qui peuvent être sujettes au piétin en conditions boueuses. Les deux ateliers sont totalement indépendants sur l’exploitation, mais s’apportent des bénéfices mutuels. Quand on lui demande s’il recommanderait l’installation d’un atelier ovin chez un céréalier, Romain répond «Oui, mais il faut quand même aimer l’élevage, il ne faut pas faire ça pour faire pâturer les couverts uniquement… Ils ne sont pas toujours adaptés aux brebis ! Sur le plan économique, c’est intéressant et ça nécessite peu d’investissements, une bergerie et un bâtiment de stockage, mon installation m’a coûté 200 000 €, bientôt amortis. Ici, pour le matériel de fenaison, il y a des Cuma de vaches laitières dans le village d’à côté. Je réfléchis à avoir quelques vaches en plus, pour valoriser l’ensilage le moins beau, des Highland cattle ou des Angus en extérieur».
Tout le monde dehors
Franck Baechler est céréalier à Crouy sur Cosson dans le Loir-et-Cher. Il a présenté son système et ses avantages au salon agricole Innov’Agri à Outarville (45). Fort de son expérience de conseiller sur le respect et l’amélioration de la qualité des sols, l’installation en agriculture de conservation a été une évidence pour Franck, qui cultive pommes de terre, blé, triticale, seigle, maïs, millet et orge. Pour compléter son système, il a choisi d’introduire deux types d’élevage en petits effectifs, dont la viande est commercialisée en direct : des vaches Angus et des brebis Solognote. La rusticité de ces deux races permet un système intégralement en extérieur, éliminant le besoin d’investissement dans les bâtiments. Franck fait du pâturage tournant dynamique tout l’été sur ses prairies, puis passe aux couverts végétaux et enfin au maïs à partir de septembre. L’investissement global a surtout été concentré dans les clôtures mobiles, la clé de la réussite étant pour l’agriculteur d’avoir la plus grande mobilité possible avec les bêtes : «aller là où il y a du vert». Pour lui, l’introduction de l’élevage a permis la valorisation des couverts végétaux, la sécurisation de l’outil de production, l’amélioration de la diversité biologique des sols, la baisse des intrants chimiques donc de l’IFT sur l’exploitation, et enfin la diminution des charges de mécanisation.
(1) Si vous êtes intéressé par la thématique, contactez Jérôme Laviron, Alysé au 03 86 92 36 35. La structure organisera prochainement des formations et des portes ouvertes.
Les organismes agricoles ont travaillé sur la thématique et communiquent auprès des céréaliers intéressés avec des arguments basés sur la rentabilité d’une telle association : «L’agneau… une nouvelle culture sur votre exploitation ! Sécuriser son revenu avec des brebis. La production ovine, une réponse adaptée aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux qui assurent la durabilité d’une exploitation».
Ce type de projet de diversification s’adresse, selon les spécialistes, aux céréaliers souhaitant «développer l’exploitation sans augmenter la surface, installer un jeune, embaucher ou conforter un salarié, ou encore optimiser les temps de travaux»(1).
«Une diversification bienvenue»
À Cruzy-le-Chatel, l’EARL des Herbues en est à sa cinquième génération d’agriculteurs. Jadis, il y avait un troupeau ovin, puis des vaches, puis… uniquement des cultures. 200 ha conduits aujourd’hui en semis direct et en première année de conversion bio. Sur ces sols argilo-calcaires de plateaux de Bourgogne sont cultivés : blé, orge de printemps et d’hiver, pois d’hiver et de printemps, trèfle porte-graine, fétuque, avoine de printemps, mélange orge et petit pois, lentilles, pois chiche, sorgho, luzerne et prairies temporaires et permanentes.
Quand Romain Bonenfant rejoint l’exploitation en 2011, il ne se voit rien faire d’autre que de l’élevage. «Et ça a été une diversification bienvenue !» raconte le jeune homme. «Après les trois dernières années compliquées en grandes cultures, heureusement pour le portefeuille de l’exploitation qu’il y avait les moutons !» Romain élève 400 brebis de race Romane et île de France, qu’il commercialise en coopérative sous deux Label Rouge. Il réalise trois périodes d’agnelages pour pouvoir commercialiser ses agneaux aux meilleurs moments de l’année (Noël et Pâques).
Complémentaires mon cher Watson !
Romain est satisfait de ce système, et se rend bien compte de la complémentarité du troupeau avec les grandes cultures. En plus de l’autonomie alimentaire des brebis grâce aux productions de la ferme, le fumier permet de fertiliser les sols. La luzerne, aux multiples avantages agronomiques, a pu être réintroduite dans la rotation. La culture en place pour trois ans permet d’apporter de l’azote au sol (et aux brebis !), de décompacter le sol et favorise l’implantation racinaire des cultures suivantes. Les couverts sont pâturés à partir de fin août jusqu’en octobre. Cela permet de casser les tiges, donc d’entamer la phase de destruction du couvert, mais aussi de nettoyer les parcelles tout en apportant de la fumure directe et d’alimenter les brebis avec une source d’azote «pas cher». Le tout nécessite seulement l’implantation de clôtures mobiles et la surveillance des pieds des brebis, qui peuvent être sujettes au piétin en conditions boueuses. Les deux ateliers sont totalement indépendants sur l’exploitation, mais s’apportent des bénéfices mutuels. Quand on lui demande s’il recommanderait l’installation d’un atelier ovin chez un céréalier, Romain répond «Oui, mais il faut quand même aimer l’élevage, il ne faut pas faire ça pour faire pâturer les couverts uniquement… Ils ne sont pas toujours adaptés aux brebis ! Sur le plan économique, c’est intéressant et ça nécessite peu d’investissements, une bergerie et un bâtiment de stockage, mon installation m’a coûté 200 000 €, bientôt amortis. Ici, pour le matériel de fenaison, il y a des Cuma de vaches laitières dans le village d’à côté. Je réfléchis à avoir quelques vaches en plus, pour valoriser l’ensilage le moins beau, des Highland cattle ou des Angus en extérieur».
Tout le monde dehors
Franck Baechler est céréalier à Crouy sur Cosson dans le Loir-et-Cher. Il a présenté son système et ses avantages au salon agricole Innov’Agri à Outarville (45). Fort de son expérience de conseiller sur le respect et l’amélioration de la qualité des sols, l’installation en agriculture de conservation a été une évidence pour Franck, qui cultive pommes de terre, blé, triticale, seigle, maïs, millet et orge. Pour compléter son système, il a choisi d’introduire deux types d’élevage en petits effectifs, dont la viande est commercialisée en direct : des vaches Angus et des brebis Solognote. La rusticité de ces deux races permet un système intégralement en extérieur, éliminant le besoin d’investissement dans les bâtiments. Franck fait du pâturage tournant dynamique tout l’été sur ses prairies, puis passe aux couverts végétaux et enfin au maïs à partir de septembre. L’investissement global a surtout été concentré dans les clôtures mobiles, la clé de la réussite étant pour l’agriculteur d’avoir la plus grande mobilité possible avec les bêtes : «aller là où il y a du vert». Pour lui, l’introduction de l’élevage a permis la valorisation des couverts végétaux, la sécurisation de l’outil de production, l’amélioration de la diversité biologique des sols, la baisse des intrants chimiques donc de l’IFT sur l’exploitation, et enfin la diminution des charges de mécanisation.
(1) Si vous êtes intéressé par la thématique, contactez Jérôme Laviron, Alysé au 03 86 92 36 35. La structure organisera prochainement des formations et des portes ouvertes.