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Syndicat Betteravier de l’Yonne

L’heure de l’après quotas a sonné

L’arrêt des quotas betteraviers au 1er octobre prochain soulève encore nombre d’interrogations et le sujet était au cœur des débats, lors de l’Assemblée générale du Syndicat Betteravier de l’Yonne, le 17 mai dernier, à Vallery.
Par Dominique Bernerd
L’heure de l’après quotas a sonné
Au micro, le président du Syndicat Betteravier de l’Yonne, Didier Renoux, entouré d’Emmanuel Pigeon, Directeur régional, Eric Lainé, Président de la CGB et Pierre-Emmanuel Bois, nouveau Directeur général.
Dans quelques mois, l’ensemble de la filière betteravière devra faire face à un scénario nouveau, avec la fin annoncée du régime des quotas. Instauré il y a une cinquantaine d’années, le mécanisme a eu pour effet de limiter la production de sucre au sein de l’Union Européenne, tout en garantissant un prix minimum aux producteurs. La fin du système ouvre une ère nouvelle, marquée par un marché désormais dérégulé, synonyme d’une plus grande concurrence et d’une plus grande volatilité. L’absence de garantie de prix multipliant les risques pour la filière, qui s’est fixée en réponse, une nouvelle stratégie basée sur deux axes principaux, dont la réduction des coûts de production, au travers notamment de l’utilisation de variétés plus performantes. Pour mémoire : le programme Aker mis en place par la filière, vise à doubler le rythme annuel d’augmentation de rendement de la betterave en sucre par ha et le faire passer à 4%. Dans le même temps, la stratégie des industriels d’augmenter leur production de 20% va faire augmenter les surfaces betteravières en conséquence, allongeant d’autant les campagnes à venir, pour diminuer les coûts de fabrication. L’autre axe visant à miser plus sur l’export, en se positionnant sur de nouveaux marchés, européens mais surtout mondiaux, comme l’Afrique subsaharienne ou le Moyen-Orient. Tout en affichant une certaine prudence, Didier Renoux, le président du Syndicat Betteravier de l’Yonne, fait toutefois montre d’optimisme, rappelant les opportunités offertes : «la libre production et l’accès à de nouveaux marchés, qui engendrent le développement des surfaces et donc une meilleure compétitivité de nos entreprises sucrières, coopératives et privées, font partie des raisons qui doivent nous donner espoir. Il convient cependant que nos groupes sucriers, qui seront par conséquent, plus forts en faisant des économies d’échelle, puissent nous renvoyer un juste retour de rémunération. Il ne faudrait pas voir des industriels avec des bilans comptables positifs et avoir en face des paysans qui ne gagnent pas leur vie. Trop d’exemples sont là, en agriculture, pour nous appeler à la plus grande vigilance…»  

Transparence et partage de la valeur ajoutée
L’augmentation de production prônée par les entreprises industrielles de la filière, a eu pour conséquence de voir les surfaces cultivées dans le département augmenter de plus de 700 ha et une soixantaine de nouveaux planteurs rejoindre les rangs du SBY. Une vingtaine dans le Sénonais, dépendant de la sucrerie de Souppes et une quarantaine autour de Brienon, pour le compte de la coopérative Cristal Union. Un clin d’œil à l’histoire betteravière icaunaise, qui avait vu en 1995, l’usine de Brienon fermer, après plus d’un siècle d’activité, entrainant la disparition des cultures du secteur, salué comme il se doit par le président Renoux : «votre retour à la production est une juste reconnaissance de votre compétitivité et savoir-faire…» L’assemblée générale aura été aussi l’occasion de revenir sur les chiffres de la dernière campagne betteravière dans le département. Une campagne pénalisée, à l’instar des autres cultures, par une succession d’aléas climatiques et qui n’a pas dépassé 75 jours en durée. Production totale : 112 000 tonnes, dont 17 400 t de pulpes supressées destinées à l’élevage, avec un rendement de 72 tonnes à 16°/ha, soit 63 t de racines à 17,8 de richesse (pour une moyenne quinquennale à 84,5 t). Le rendement en sucre blanc par hectare, ne dépassant pas la barre des 11,2 tonnes. Une bonne nouvelle toutefois, avec une sole sucrière départementale qui atteint 2 400 ha au premier semestre 2017, soit 16 ha en moyenne par exploitation. Qualifiant l’année écoulée de «catastrophique», Didier Renoux a rappelé combien la situation financière des exploitations était difficile et l’urgence à s’adapter : «nous devons au sein de nos exploitations, affiner nos itinéraires techniques et tenter, si cela est possible, de réduire nos charges de mécanisation notamment. Pour autant, les facteurs rendements et risques climatiques restent pour notre département, deux éléments de poids difficilement maîtrisables…» Réclamant de la transparence et un partage de la valeur ajoutée : «il est impératif que les fabricants tiennent bien compte que nous ne sommes pas capables de produire des betteraves à n’importe quel prix durablement. Il nous faut évidemment des justes prix, de la transparence et une nouvelle fois, un partage équitable du prix de vente pour les différents débouchés»

Une remise en cause des biocarburants de première génération
Présent à Vallery le président de la Confédération Générale des Planteurs Betteraviers, Éric Lainé, a bien sur évoqué lui aussi, la fin des quotas : «un régime qui a duré 50 ans et n’a pas sclérosé pour autant notre filière, bien au contraire. Nous en avons profité pour renforcer à la fois la compétitivité agricole comme de l’industrie et soyez certains que l’organisation exemplaire de cette filière, restera créatrice de valeurs pour l’amont comme pour l’aval…» Un changement de paradigme qui aura pour conséquence principale, d’accroitre la concurrence entre l’ensemble des opérateurs et imposer une plus grande volatilité des prix : «une volatilité parfois plus forte que celle du blé et avec la fin des prix minima, évidemment, nous perdons un élément majeur de stabilité de notre revenu.
Il faut donc réfléchir à de nouveaux filets de sécurité, indispensables à la pérennité de nos exploitations…» Autre sujet évoqué par Éric Lainé, celui des filières bioéthanol et biodiesel, à un moment où la Commission Européenne a remis en cause les biocarburants de 1ère génération, souhaitant ramener leur taux d’incorporation à 3,8% à l’horizon 2030, là où l’objectif initial était de 7% en 2020 : «au profit des biocarburants avancés, mais avec une équation économique faisant que cela ne pourra marcher que si on ne paie pas la matière première ! Qui acceptera ? En tous les cas, pas moi, je peux vous le dire… !» La CGB a mis en place un groupe de travail pour trouver des alliés européens et inverser cette tendance, avec le risque, souligne son président, «dans le cas où nous n’y parviendrions pas, d’anéantir tous les efforts entrepris dans le passé…»

Campagne betteravière nationale 2016/2017

Nombre de planteurs : 26 000 planteurs répartis dans 29 départements
Surfaces ensemencées : 400 467 ha, soit 2,2% des terres arables
Superficie moyenne par exploitation : 15,4 ha
CA de la vente de betteraves : 1 milliard € environ
Rendement en betteraves : 85,8 tonnes/ha à 16°
Rendement en sucre : 12,36 tonnes de sucre blanc/ha
Production : 34,4 millions de tonnes à 16° (dont 22,8 Mt pour le marché européen, 6,3 Mt pour l’alcool et l’éthanol, 2 Mt pour l’industrie chimique, 2,8Mt pour l’export mondial hors quota)
Production sucre alimentaire : 3,5 millions de tonnes, dont 1,4 Mt exportées sur l’UE. Consommation de sucre en France : 2,2 millions de tonnes. Production d’alcool et d’éthanol d’origine betteravière :
8 millions d’hectolitres (dont 1,7 million hl à partir de mélasse)
Nombre de sucreries et sucreries distilleries : 25. Nombre de distilleries : 2