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Guitares électriques Meloduende

L’excellence à six cordes

Loin des clichés qui voudraient que les campagnes soient reléguées au second plan de l’innovation et des compétences nouvelles, il existe des initiatives qui s’inscrivent dans l’excellence. C’est le cas de Jérémy et Bertrand qui ont su, au travers d’un parcours atypique et de ténacité, s’imposer dans le milieu très fermé des guitares électriques. En bousculant les codes établis, les deux Côte-d’Oriens proposent des instruments d’excellence réalisés en aluminium.
Par Frédéric Duclos
L’excellence à six cordes
Jérémy et Bertrand dans leur petit atelier situé au cœur de la campagne semuroise. C’est ici qu’ils donnent naissance aux guitares MeloDuende.
En découvrant ce garage situé au cœur d’un petit village de Côte d’Or, nous sommes loin d’imaginer la magie qui opère ici. Depuis 6 ans, les mains expertes de Bertrand et Jérémy s’affairent dans la plus grande discrétion pour proposer des guitares électrique d’un nouveau genre, qui séduisent de plus en plus d’artistes, au delà même de nos frontières.
Frères de cœur, Bertrand et Jérémy ont grandi ensemble dans ce petit bourg de 200 habitant situé entre Semur en Auxois et Montbard. A l’adolescence, comme bon nombre de leurs semblables, ces deux complices s’intéressent au rock et se lancent dans la musique. L’un à la guitare, l’autre à la basse, avec leurs copains de l’époque ils forment des groupes de musique qui enchaînent les “répèt’” endiablées. A l’âge où beaucoup s’acharnent à bricoler leurs mobylettes, les apprentis rockeurs se lance un tout autre défi. «Et si nous fabriquions nos propres guitares  ?». Bertrand et Jérémy imaginent alors toutes sortes de modèles plus originaux les uns que les autres. Mais rapidement, ils se tournent vers une conception nouvelle  : réaliser des guitares électriques en métal. «Mon papa avait une petite entreprise de mécanique de précision à Fain-lès-Montbard» souligne Jérémy. «Tour, fraiseuses, poste à souder... on avait tout sous la main pour faire nos premiers essais». En 1995, après plusieurs tentatives, de nombreux bricolages, un premier modèle est né de l’imagination des copains, soutenus par les compétences du père de Jérémy. Cette première guitare en inox, était surtout «un délire entre potes» s’amuse Bertrand. Un “délire“ certes, mais qui va déclencher beaucoup de choses par la suite.

Plusieurs cordes à …
Bertrand s’intéresse alors à la lutherie et souhaite s’orienter dans cette voie. Mais le “schéma“ d’orientation scolaire de l’époque ne l’entend pas de cette oreille... «A 17 ans, j’étais déjà trop vieux pour intégrer l’école nationale de lutherie de Mirecourt» ironise Bertrand. Bertrand c’est l’artisan, le “touche à tout“ de la bande. Sa curiosité, sa soif de connaissances, de maîtrise du geste, le poussent à construire lui même son parcours. Le haut lieu vosgien de la lutherie ne veut pas de lui  ? Qu’importe  ! Bertrand s’oriente vers l’ébénisterie. CAP et BEP en poche, il intègre l’école du bois de Mouchard, puis celle de Moirans-en-Montagne dans le Jura. Dans cette région, fleuron du bois, Bertrand obtient une Maîtrise en mobilier et construction bois, et un DESS en design industriel. Un cursus qui va l’amener à maîtriser parfaitement ce matériaux, pour finalement mieux s’en passer ...
De son côté, Jérémy s’oriente vers une formation commerciale. Bac économique et social en poche, il intègre un BTS action commerciale «comme je parlais tout le temps, on m’a mis là» s’amuse-t-il. Mais il faut «gagner sa vie». Jérémy arrête ses études, et enchaîne plusieurs emplois dans le domaine du commerce, du management et intègre le service de formation chez Renault.
L’idée des guitare en métal n’est pourtant pas totalement abandonnée. En 2006, Jérémy décide de «raccrocher le costard». Avec Bertrand, «son presque demi-frère», Cédric son cousin et Sébastien, ils ressortent les plans des tiroirs, dépoussièrent les premiers modèles et se lancent à fond dans l’aventure en créant la marque MeloDuende. L’inox est abandonné au profit de l’aluminium 6061. Cet alliage, utilisé notamment dans l’aéronautique, est plus délicat à souder mais offre la particularité d’être anti-magnétique, donc de ne pas créer de parasites. «Un vrai bonheur pour les techniciens du son qui n’ont pas à encaisser le souffle des amplis» souligne Jérémy. De plus, la densité de l’alu offre une résonance naturelle qui augmente le sustain de la note (durée de la note jouée sur la corde). Rapidement, la bande finalise quelques modèles. Il faut maintenant se faire connaître, se vendre auprès des magasins et surtout être reconnus par ses pairs. Mais le petit monde de la lutherie reste souvent très fermé. «On nous a pris pour des extra-terrestre. Finalement le monde du rock est assez “réac”» déplorent les “Meloboys”. Ils décident donc de «se faire juger par les musiciens professionnels». Jérémy commence alors un parcours du combattant. S’en suivent de longues heures d’attente à la sortie des concerts. «Une fois passée la barrière des gorilles de la sécurité, des assistants, j’allais à la rencontre des artistes. Quelque fois on me mettait dehors par la porte, je revenais par la fenêtre» plaisante Jérémy. Cette ténacité a fini par porter ses fruits lorsque que Serge Teyssot-Gay, ex guitariste du groupe Noir Désir tombe sous le charme de l’instrument et passe commande. Une première livraison qui fait “boule de neige“ dans le milieu du rock. Le club des processeurs de MeloDuende s’agrandit peu à peu. CC’ (Shaka Ponk), Skip the Use, Yodelice, Tryo, Indochine, Johnny Hallyday... Ces instruments de qualité rencontrent un certain succès en France et au même au delà. Avec l’acquisition d’une MeloDuende par Billy Gibons, guitariste du groupe ZZ Top, les guitares Made in Semur vont même chasser sur les terres des Fender et autres Gibson.

Guitares Meloduende

Les guitares Meloduende sont entièrement fabriquées à la main. Le corps de la guitare, creux, est constitué de deux plaques en aluminum de faible épaisseur, reliées par une éclisse (bande de métal formant la tranche de la guitare). Cette dernière est mise en forme autour d’une épure en bois, pour être pointée avant soudure définitive. La gamme MeloDuende est composée pour moitié de modèles “classiques“ reprenant les formes standards de guitare électrique, et pour l’autre moitié de formes propres à la marque. Les autres composants, comme les manches en palissandre, les micros, les chevalets, proviennent de fournisseurs US haut de gamme et contribuent à l’excellence des guitares. Les prix varient de 2000 euros, pour les entrée de gamme “standards“ et peuvent dépasser les 3500 euros pour les modèles custom entièrement personnalisés selon les demandes des musiciens. Formes, type de micro, position des potentiomètres... Jérémy et Bertrand ne disent jamais non aux demandes parfois farfelues des musiciens, mais toujours avec la finalité de fabriquer des guitares faites pour être jouées.