Accès au contenu
Coup de semonce du 8 octobre

L’énergie du désespoir

En Côte d’Or, à Pouilly et Til-Chatel, paysans et tracteurs, se sont mobilisés en nombre à l’appel de la FDSEA et des JA. Tous les départements de Bourgogne Franche-Comté ont connu une même affluence. Unis dans la dignité, les agriculteurs ont fait état de leur détresse et de leurs interrogations sur l’avenir de l’agriculture française.
Par Anne-Marie Klein
L’énergie du désespoir
L’importance de la participation des agriculteurs au coup de semonce porté à l’intention du Gouvernement et du Président de la République, montre combien le découragement a gagné les exploitations de nos campagnes. Agriculteurs et tracteurs ont convergé en nombre le 8 octobre aux entrées et sorties des autoroutes A6 à Pouilly-en-Auxois et A31 à Til-Chatel. En tout, près d’une centaine de tracteurs et deux fois plus de paysans, ont manifesté dans un silence pesant leur détermination à se faire entendre, mais plus encore leur découragement. Le malaise était palpable et plus d’un avouait penser à tout laisser tomber, tant le contexte de travail devenait de plus en plus stressant et incertain d’année en année. Les avanies du Ceta et du Mercosur, les prix qui ne décollent pas et cette sécheresse hors norme qui vient de les frapper encore, ont achevé de saper le moral des plus résistants. L’ambiance n’y était donc pas ce 8 octobre, mais le nombre montrait la détermination de ces derniers Mohicans à ce que les choses changent et pour une fois dans le bon sens.
Tout était dit au travers des pancartes et des banderoles, quelques slogans bien assénés valent mieux que tous les discours pour montrer la gravité de la situation. Des discours d’ailleurs, ils en ont assez entendu. Seuls des actes forts pourraient faire évoluer une situation en état de pourrissement avancé. Notre exception agricole française, maintes fois sacrifiée sur les autels du libéralisme le plus mercantile et d’une mondialisation qui mène dans le mur un monde qui marche à contresens, mérite qu’on la sauve. En tout cas lorsque l’on se retrouvera face au mur, on ne pourra pas dire que l’on n’avait pas été prévenu et que l’on ne savait pas. Il est minuit moins le quart avant le grand saut dans l’inconnu pour notre agriculture, c’est peu et c’est beaucoup à la fois si l’on veut éviter une catastrophe sociale, humaine et environnementale. Nos campagnes ne s’en remettraient pas, nos paysages non plus et quant aux hommes leur destin est indissolublement lié au nôtre, dans une ruralité que veut croire à son avenir. Si l’on n’y prend pas garde, le grand melting-pot de la mondialisation ne laissera que quelques poches de résistance faisant office de réserves d’Indiens. Ce n’est certes pas ce que la majorité des citoyens espère. Ils étaient bien plus que cent en Côte d’Or, mais ils étaient aussi des milliers sur le territoire national à interpeller ce 8 octobre «France veux-tu encore de tes paysans ?» Les jours et les semaines prochaines devront amener une réponse claire. Le coup de semonce de ce mardi pourrait appeler d’autres actions, portées par l’énergie d’un désespoir bien réel, que l’on perçoit sous la dignité des attitudes.