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Bilan moisson

L’agriculture de production en zone de turbulences

La Chambre d’agriculture, les instituts techniques, les organismes stockeurs et les représentants professionnels ont dressé le bilan de la moisson 2016. Un bilan en creux, au vu des données issues de l’enquête diffusée auprès des adhérents des groupes de développement de Côte d’Or. Le climat, plus favorable à l’expression des maladies  que du potentiel, aura imposé sa loi à la technique.
Par Anne-Marie Klein
L’agriculture de production en zone de turbulences
Bien rares sont les producteurs qui peuvent s’estimer satisfaits de cette moisson à l’image du climat de la campagne 2015-2016, atypique et à haut risque !
Sans lumière et sans eau pas de vie. Sans lumière et avec un trop plein d’eau... des productions en berne et un bilan moisson propre à dérouter plus d’un producteur et plus d’un ingénieur. Car cette campagne 2015-2016 ne ressemble à aucune autre, après un hiver atypique, sec et doux dans un premier temps et un début d’année humide mais toujours doux. Le printemps a été le tournant de l’année. La plaine comme les plateaux ont subi des épisodes toujours pluvieux et plus froid, accompagnés d’un fort déficit de lumière. D’avril à juin il a manqué l’équivalent de 25% de l’ensoleillement d’une année normale sur la plaine et de 30% sur les plateaux. La photosynthèse a pâti de ce bilan négatif et partant, les rendements. Ce manque de rayonnement et l’excès d’eau ont été fatals aux cultures, alors qu’en début de campagne le potentiel de rendement remontait le moral des producteurs de grandes cultures, déjà mis à mal par trois années difficiles.

Des rendements en chute libre
Au 10 octobre relève Arvalis Institut du Végétal, 80% des blés étaient en terre avec un stade 1 épi en avance d’une semaine. Seulement, en plaine montaison, le froid, les gelées et les pluies persistantes, sans un rayon de soleil pour réchauffer l’ensemble, ont provoqué un net ralentissement de la végétation. C’est à partir de l’épiaison que tout a basculé : le manque de photosynthèse a limité le remplissage des épis et la pression sanitaire s’est accentuée du fait de l’humidité. Au final les blés enregistrent des rendements décevants, avec un «PMG en perdition». En plaine comme sur les plateaux, le rendement s’avère très inférieur au potentiel.
«La forte expression des maladies a mis les variétés à l’épreuve» souligne Arvalis-Institut du Végétal qui relève que le climat a été partout plus fort que la technique. Mais les conditions étaient tellement particulières qu’il serait difficile d’en tirer des conclusions pour une prochaine campagne. La campagne blé s’est soldée par des teneurs en protéines élevées, ce qui pourrait constituer une bonne nouvelle, mais une qualité de protéines très éloignée des exigences de la meunerie... Des déclassements sont donc à prévoir et un important travail de tri a mener par les OS. Toutes zones,  la production de blé tendre d’hiver s’établit à un rendement moyen de 51,8 q, à 13% de protéines et pour un PS de 72. La moyenne des rendements étant plus faible sur les plateaux (45,8q contre 54,8q), avec un PS inférieur à la plaine (69 contre 73) et un taux de protéines supérieur (13,7 contre 12,8 dans la plaine). En terme de rendement, la Côte d’Or se situe au niveau de l’année 2003, soit -20% par rapport à une année normale et -30% par rapport à 2015. La tendance est identique en Bourgogne-Franche-Comté et la France devrait se contenter d’une production de 28 à 29 millions de tonnes de blé au lieu des 40 millions de tonnes enregistrés en 2015.

La qualité des productions fortement impactée
Même constat d’absence de qualité suffisante pour les orges d’hiver, qui accusent une perte de rendement de 20% par rapport à 2015 (une bonne année) et de -12% par rapport à la moyenne quinquennale. Ces orges ne satisferont pas dans leur ensemble aux exigences des brasseurs, du fait de taux de protéines souvent élevés (11,1% de moyenne). Et ce n’est pas le calibrage (65 de moyenne) et le PS là aussi en perdition (59 en moyenne) qui limiteront la casse. Le rendement s’avère donc très inférieur au potentiel initial, avec une qualité brassicole nettement mise à mal.
Les colzas ont pâti aussi du caractère atypique de cette campagne. La météo a imposé son propre rythme et a eu un fort impact sur l’état sanitaire des plantes. Au commencement, l’absence d’hiver a joué en faveur du développement de la culture. Sans véritable arrêt de la végétation, à la reprise les stades étaient très avancés et le colza avait «faim d’azote». Après tout s’est compliqué, de nombreux secteurs ont subi une forte pression des altises, sous forme de vols longs et fournis. Sur certaines parcelles on a pu observer une régression des plantes au profit des larves de grandes altises et de charançon du bourgeon terminal. Des maladies «oubliées» depuis 1980 ont fait leur réapparition, comme cylindrosporiose et sclerotinia, du fait pour cette dernière d’une floraison plus longue et de conditions humides. En terres profondes, les excès d’eau du printemps ont favorisé un dysfonctionnement racinaire et des pertes de pieds. Au contraire en terres séchantes et peu profondes, les colzas, pourtant très handicapés par les insectes, ont pu compenser en partie. Partout, c’est bien le défaut de rayonnement au printemps qui est à l’origine d’un PMG et d’une teneur en huile faibles.
Pour les autres protéagineux la situation oscille entre déception et franche catastrophe. Situation catastrophique pour les pois d’hiver, avec un caractère de gravité sans précédent. Un peu mieux mais très décevant quand même pour les pois de printemps dont les rendements se sont trouvés pénalisés par la situation sanitaire. Enfin les problèmes sanitaires se sont révélés «ingérables» sur les féveroles, avec là aussi des catastrophes par endroits et partout de très mauvais résultats.
Sur les cultures d’été, tournesol et soja, on enregistre un certain retard de végétation, mais un état général qui reste satisfaisant, en dépit d’une certaine hétérogénéité pour le tournesol.

Et maintenant...
Maintenant ce sont de nouveaux challenges qui attendent l’agriculture côte d’orienne : challenge économique pour les producteurs dont les trésoreries sont une nouvelle fois mises à mal ; challenge économique et technique pour les organismes collecteurs et les entreprises commerciales, qui vont devoir faire leur maximum pour optimiser la commercialisation de cette moisson atypique ; challenge politique enfin, car la potion amère de cette campagne ne passera pas sans que les responsables politiques et l’État ne s’activent, pour accompagner au mieux les productions végétales dans cette traversée du désert à haut risque. Président de la commission productions végétales, Jacques de Loisy attend maintenant une réponse à cette question largement partagée par le plus grand nombre : «Comment peut-on dans ces conditions difficiles maintenir une agriculture de production ?» et éviter que l’agriculture de Côte d’Or ne s’enfonce dans une certaine «paupérisation» préjudiciable à l’ensemble du tissu économique départemental et régional...
Sans attendre, la Chambre d’agriculture s’est attelée à la rédaction d’une motion qui sera proposée au vote de la prochaine session à la rentrée et, dans la perspective de la prochaine réunion du CAF de Côte d’Or, les OPA se mettent en ordre de marche pour trouver les solutions collectives et individuelles les mieux adaptées à la gravité de la situation des exploitations agricoles.

Ravageurs du colza Alerte aux résistances !

Terres Inovia a lancé à l’occasion de cette présentation une alerte. La Côte d’Or est concernée par les problèmes des résistances de l’altise d’hiver et du charançon du bourgeon terminal aux pyrèthres. Les premières résistances ont été observées en Côte d’Or et c’est un phénomène qui fait rapidement tâche d’huile depuis l’Aube et l’Yonne, qui sont particulièrement concernées aussi. La moutarde pourrait aussi en subir les effets avec des dégâts supplémentaires puisqu’elle compense moins bien que le colza face aux attaques. Ces produits ne fonctionnent plus sur GA et CBT . En l’absence d’alternative chimique, il s’agit de favoriser au plus la croissance du colza pour le rendre plus résistant aux attaques. La fertilisation devient l’arme essentielle pour contrer les attaques avant même d’être une constituante du rendement.