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Agroécologie

Innover pour performer

A Baudrières, Romuald Gros a repris l’exploitation familiale en 1997 où le maïs dominait (80 ha). Depuis, il a fait le choix de fortement diversifier ses rotations (soja, blé, pois, colza, orge d’hiver). Le tout en passant au non-labour et en semant au strip-till son maïs restant. Des choix agroécologiques qui abaissent ses coûts de production, qui le stabilisent face à la volatilité des cours et qui exaltent son intérêt pour l’observation de ses parcelles. Et bien plus encore…
Par Cédric Michelin
Innover pour performer
En blé, si le précédent soja est «vraiment propre», Romuald ne traite pas. Sinon, là encore un «coup de glypho». «C’est un problème car on a du mal à sortir du glyphosate», analyse Romuald qui réfléchit à faire plus de travail du sol (déchaumage). Même pr
Romuald Gros le reconnaît, il «n’est pas “fan” des heures passées dans le tracteur». Il préfère même éviter. Il aime observer ses cultures et ses sols. Il exploite seul 109 ha de grandes cultures, dont 60 ha de limons battants, 25 ha de sols sableux et 24 ha d’alluvions argileux inondables. En 1997 lorsqu’il s’est installé, son «objectif était alors de maitriser l’eau avec l’irrigation et le drainage», se souvient-il. Ce qu’il a fait depuis. Un temps inscrit dans un CTE (contrat territorial d’exploitation), il abandonne : ses parcelles se «salissant trop». Il investit dans un séchoir à maïs mais la “sécheresse” de 2005 vient lui rappeler qu’il ne faut «pas en faire trop». Et la monoculture entraîne des difficultés techniques côté désherbage. La volatilité des cours et les primes Pac 2010 finiront de le convaincre de diversifier ses assolements. Surtout avec la fin des haricots (D’Aucy).

Casser les cycles des mauvaises herbes
Il commence «petit à petit» à semer des soja, pois, colza. Ses raisons sont avant tout liées aux opportunités économiques. Sur ses limons battants, il alterne maïs-soja-blé. Sur ses alluvions, pois-colza-maïs-blé. Et dans ses terrains inondables, il ne sème que du maïs et parfois du sorgho ou du soja.

Le blé et le colza, deux cultures rémunératrices, ont donc été réintroduits pour rompre aussi le cycle de la flore adventice du maïs. «Mon premier but était d’introduire un blé pour casser le cycle des panics, digitaires et autres chénopodes». Les cultures d’hiver couvrent en effet le sol pendant la période préférentielle de levée des adventices du maïs. Ce “couvert” «super développé» étouffe ces mauvaises herbes. Par contre, Romuald reconnaît qu’il «ne prend pas forcément le temps entre maïs et soja, ni entre soja et blé», le temps lui manquant entre la période de la récolte et celle du semis.

Colza jamais sans pois
La culture du soja a démarré lorsqu’une prime était proposée dans les années 2000. Elle n’a pas duré et la culture a été abandonnée. Depuis, les prix de vente se sont fortement améliorés et le soja permet aujourd’hui de bénéficier d’un excellent précédent pour le blé (état du sol à la récolte en surface et en profondeur, reliquat azoté) grâce à son système racinaire et à sa capacité à fixer l’azote atmosphérique. «Et puis, j’ai toujours aimé cette culture», complète Romuald.

Le colza est aussi une plante qui valorise extrêmement bien l’azote à l’automne. C’est pourquoi il est cultivé derrière un pois, qui laisse un important reliquat. Romuald économise ainsi environ 50 % d’engrais azotés par rapport à un autre précédent. «Je ne fais pas une grosse marge économique sur le pois –qu’il vend en partie à son voisin éleveur car il n’y a pas encore de filière locale– mais je m’y retrouve sur les coûts de production en colza», résume-il. Ainsi, si le pois n’est pas très rentable en lui-même, il l’est à l’échelle de la rotation. «Si j’arrêtais le pois, j’arrêterais le colza».

«Je me suis pris des gamelles»
En vue de supprimer sur son exploitation la herse rotative -«qui remue pour rien», selon lui- Romuald fait le pari de semer son maïs avec un Strip Till puisque «le semis direct dans nos régions n’est pas top». En soja, il revient également à un travail du sol simplifié et ne fait «pas vraiment» de semis direct. En effet, il décompacte le sol avant, histoire de se «rassurer». Le non-labour des parcelles entraîne néanmoins des difficultés au niveau de la gestion des adventices. En 2008, Romuald a suivi une formation pour réaliser des traitements à «bas volumes». Car son «challenge» est bien d’innover dans l’objectif de sécuriser toujours plus sa marge. «J’ai réussi en fongicide mais c’est moins facile de réduire en herbicides. Je me suis pris des gamelles», reconnaît-il humblement. Idem pour désherber mécaniquement, «pas convaincu» par le travail du sol, Romuald préfère opter pour des stratégies de rattrapage chimique. Il introduit des couverts végétaux dans ses systèmes (voir encadré). L’objectif est avant tout de couvrir le sol pour limiter la battance et l’érosion.

Moins de «pics» de travail
Cependant, d’autres bénéfices en sont tirés comme le piégeage d’éléments nutritifs et une contribution au maintien de la structure des sols. Ils fournissent également des ressources nutritives aux êtres vivants. «On observe beaucoup de galeries de vers de terre», montrait Martine Despreaux-Robelin de la chambre d’agriculture, dans le profil de sol ouvert. Ces derniers sont responsables de processus comme l’enfouissement et le recyclage de la matière organique et participent au maintien de la porosité. Sans semelle compacte, les racines des maïs descendaient à 60 cm de profondeur déjà.
Ce qui faisait dire à Romuald en guise de conclusion : «je commence à voir tous les bénéfices. Je suis même épaté sur les mauvaises herbes. Je pense que ce système est plus durable car mon taux de matière organique s’améliore dans mes sols. La même logique est mise en œuvre du côté des pollutions des eaux. Le fait de faire beaucoup de cultures différentes fait que je ne suis jamais débordé, sans pic de travail. Par contre, je suis occupé toute l’année et je n’ai plus de période creuse».

Intercultures : «je ne sais plus ce que c’est les chenilles»

«Avant, j’utilisais mes semences de ferme traitées. Maintenant, je prends tout ce qui traîne : trèfle, vesce, tournesol, sorgho fourrager, avoine, seigle, phacélie… Le radis me plaît bien. Le tout est d’avoir des plantes qui poussent très vite pour étouffer les mauvaises herbes et d’autres plus lentes pour faire de la matière organique. Mon objectif est de mettre une dizaine de plantes différentes à chaque fois car il y en a toujours une qui domine les autres ainsi en fonction du climat de l’année», explique Romuald Gros. Il utilise un semoir pour semis simplifiés Unidrill, parfois avec un déchaumage. La destruction est réalisée avec un passage de glyphosate après un broyage et/ou un roulage (6 m de large en Cuma). «Il reste quand même des mauvaises herbes», ce qui l’oblige à faire le traitement au glyphosate, voir un deuxième après un printemps pluvieux. Le tout avant le passage du strip-till. «Grosso modo, le couvert remplace ainsi le travail du sol. Sol qui se structure. Je ne sais plus ce que c’est les chenilles», sourit-il.
Des couverts végétaux qui séduisent également la faune, avec ce gîte et ce “couvert” tout au long de l’année. Pour cela, des mélanges de variétés ont été spécialement composés avec la coopérative Bourgogne du Sud pour proposer des couverts «pas trop épais». La Fédération des chasseurs, par la voix de Thierry Peyrton mettait simplement en garde de ne pas les «détruire trop vite» pour laisser le temps à la faune de s’enfuir.