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Production laitière

Grandir et ne rien laisser en route

Dans l’idéal, l’agrandissement d’un troupeau ne doit pas détériorer la qualité du lait, ni même le travail et la vie de l’éleveur. Un Côte d’orien témoigne.
Par Aurélien Genest
Grandir et ne rien laisser en route
Le Gaec de la Goule a investi dans une salle rotative 24 places, permettant à un homme seul de traire et laver 140 vaches en seulement 1h30.
Turcey, canton de Saint-Saine-l’Abbaye. Florian Lamarche reçoit les participants de l’assemblée générale du syndicat départemental Prim’Hostein. Cette visite est l’occasion de découvrir une exploitation qui a doublé sa production en dix ans. Ce Gaec à trois associés atteint désormais 1,125 millions de litres avec ses 140 vaches Prim’Hostein, Brunes et Montbéliardes. «Le prix du lait ne va pas en augmentant» indique Florian Lamarche, «pour avancer, nous avons réalisé des économies d’échelle et décidé de produire davantage. Comme beaucoup de monde, on est marié, on a des enfants, on aime notre boulot mais on aime aussi avoir notre temps à nous. Le confort du travail était une de nos priorités». Une salle de traite rotative 24 postes succède à une salle 2x8 depuis deux ans. «Le but était de pouvoir traire seul, vite et dans de très bonnes conditions» relève l’exploitant de 33 ans, jugeant cet investissement «nécessaire» et comme le «plus adapté» à son système : «on peut traire nos 140 vaches en 1h30, lavage compris. Cet équipement coûte un peu plus cher qu’un robot mais dans notre cas, il aurait fallu deux voire trois robots... Et si demain nous décidons de traire 20 vaches en plus, seulement 10 minutes supplémentaires à la traite seront nécessaires, sans aucun investissement».

Cellules modérées
La visite du bâtiment se poursuit. Le Gaec de la Goule présente ses logettes paillées, dispositif choisi pour le confort des vaches et celui des éleveurs. «Les animaux sont propres grâce à ces logettes, les mammites et infections mammaires se font rares. Les vaches effectuent des mouvements libres et évoluent dans un environnement sain. En cellules, nous sommes à moins de 300 000, nous n’avons donc pas de pénalités. Nous travaillons pour descendre en dessous des 250 000» relève Florian Lamarche. Jean-François Dessolin, technicien à Côte d’Or Conseil Élevage, rappelle que ce taux cellulaire est encore très élevé dans le département, même si une certaine stabilité a été enregistrée l’an passé : «C’est une problématique nationale, liée notamment à l’agrandissement des troupeaux. En Côte d’Or, toutes les races sont concernées et la Prim’Hostein n’est pas une exception. De très importantes disparités sont constatées entre exploitations de mêmes tailles. Des taux extrêmement élevés sont recensés dans plusieurs fermes, alors que d’autres sont à moins de 300 000 comme ici à Turcey. Certaines font même moins que 150 000 :  on ne peut pas parler de fatalité, on peut y arriver».

Attention sur les veaux
Florian Lamarche reçoit les visiteurs dans sa nurserie isolée avec ventilation dynamique. Au Gaec de la Goule, une bonne santé des veaux est constamment recherchée. Une grande attention est portée à chacun de ces jeunes animaux et les résultats sont au rendez-vous avec seulement deux animaux morts sur l’année écoulée. La mortalité des veaux est une problématique grandissante en élevages laitiers : en moyenne, 15% d’entre eux meurent dans une exploitation avant l’âge de 60 jours. «Ces pertes concerne davantage les mâles que les femelles, l’attention qui leur est portée est sans doute moindre» note Jean-François Dessolin. Guy Buntz, le président du syndicat Prim’Holstein, se montre très satisfait d’une présentation assurée le matin même par les laboratoires MSD, lors de l’assemblée générale: «Les questions des éleveurs ont été nombreuses dans la salle, cet exposé a été bénéfique. Un protocole rigoureux est bien à suivre et à respecter. L’apport du colostrum dans les toutes premières heures est essentielle, même lorsqu’une vache vêle tard dans la nuit. Il y a aussi l’aspect hygiène : il ne faut pas hésiter à isoler le veau, parfois jusqu’à trois semaines».

Prudent, le président

Guy Buntz a fait passer plusieurs messages lors de l’assemblée générale: «Une baisse du prix du lait de 25€/1000l est annoncée sur 2015, je pense qu’on en sera loin, et plus proche des  -50€/1000l. Sur les quatre premiers mois de l’année, nous sommes déjà à -80€/1000l... J’entends dire que les prix de l’an passé étaient élevés : je préciserai juste qu’ils étaient au niveau qu’ils devaient être, par rapport à tout le travail fourni par les éleveurs. Quand le prix du lait est à ce niveau, il fait marcher tous les secteurs autour de l’agriculture. Concernant la production, oui, elle se maintient malgré la baisse du nombre de producteurs, mais jusqu’à quand ? L’humain arrive encore à s’adapter mais il atteindra forcément un jour ses limites. La traite robotisée apporte bien des solutions dans nos systèmes modernes mais il faut rester prudent sur les investissements réalisés, surtout quand on voit les fluctuations des prix. En plus, cette robotisation ne remplacera jamais l’œil et le savoir-faire de l’éleveur. Plus spécifiquement à notre syndicat, je souhaiterais encourager les jeunes à s’impliquer encore plus dans nos actions, cela est essentiel pour le devenir de notre organisme».