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Innov’ Action

Gagnants avec un sol vivant

Dans le cadre des journées sur l’agro-écologie en Bourgogne, visite de la SEP de Bord, à Bligny, dont les associés ont témoigné de leur engagement pour le semis direct sous couvert. Bel exemple d’aventure humaine et de performance environnementale
Par Dominique Bernerd
Gagnants avec un sol vivant
Chercheur pédologue à l’Institut de Recherche et Développement, Vincent Chaplot a animé un atelier pour démontrer, expérience à l’appui, toute l’importance à améliorer la symbiose entre les plantes et la faune du sol, pour en améliorer les productions
Thierry, Yves, Jean, Stéphane, Pierre... Ils sont cinq à s’être lancés en 2008 dans la création d’une SEP (Société en Participation), avec pour objectif un assolement commun et des techniques culturales à fort potentiel environnemental. Une aventure qui n’était pas dictée à l’origine par des nécessités économiques, comme le souligne Thierry Desvaux, l’un des associés de la SEP : «à l’époque, le blé valait 250 €/tonne et nous avons souhaité avant tout mettre en avant la notion de valeur humaine, caractéristique première de notre projet. Avec pour objectif commun de travailler ensemble et produire mieux…»
Mais pour autant, le volet économique n’a pas été oublié : «qui dit réunification d’exploitations, entraine inévitablement des baisses de charge de mécanisation…» Regroupant quatre exploitations, dont deux à Bligny et les deux autres, sur la commune voisine de Paroy en Othe, la SEP totalise aujourd’hui plus de 580 ha d’assolement : 340 ha de céréales, 135 ha de colza, 100 ha de légumineuses et 7 ha de sarrasin. Un parcellaire globalement bien regroupé, qui a pour particularité de compter 10 % de ses surfaces en zone Bassin d’Alimentation de Captage : «une pression supplémentaire autour des enjeux de l’eau, bien présente sur nos exploitations…» Pour une nature de sols majoritairement limono argileux, sur une tranche mère calcaire, avec des pH toujours supérieurs à 7,5

Un engrais vert considéré comme une véritable culture
L’agriculture dite «de conservation», (ou agriculture sur sol vivant), pratiquée par les associés de la SEP de Bord, s’appuie sur trois piliers : couverture du sol, rotation diversifiée, absence du travail du sol : «pour nous, il est primordial de nourrir le sol car il est vivant et il faut le protéger. Améliorer sa structure favorise d’autant la rétention d’eau et supprime l’érosion, tout en augmentant la vie biologique, la matière organique et la biodiversité…» Ici, l’engrais vert est considéré comme une culture à part entière et le choix des espèces est important : «en général, des légumineuses : féveroles, pois fourragers, auxquelles on rajoute un peu de phacélie. On a essayé aussi de la moutarde et du tournesol et cette année, du sorgho fourrager…» Bien conduit, avec un été favorable comme l’an passé, un mélange à partir de pois fourragers, féveroles, phacélie et moutarde, a permis de récolter 40 t de matières vertes, soit plus de 5 t de matière sèche : «en théorie, un couvert de ce volume, peut restituer 93 unités d’azote à la culture suivante, ainsi que beaucoup de potasse. Très peu de phosphore en revanche…»
La rotation pois/colza/orge/blé, pratiquée ici est quelque peu atypique : «le colza permet de valoriser au mieux les reliquats azotés qu’on trouve dans les pois. Et derrière lui, on peut même enrichir les repousses avec un sur semis de féveroles. Le fait de récolter l’orge fin juin, permettant de semer un engrais vert de bonne heure et dans de bonnes conditions…» Un outil adapté permettant de semer simultanément le colza avec une autre semence : pois, lentille, féverole, voire luzerne

Un sol vivant pour des plantes saines
Troisième pilier cultural, le semis direct : «en fait, on s’aperçoit que lorsqu’on arrête le travail du sol, on passe d’une structuration mécanique de type horizontale due à la charrue et aux outils de déchaumage, à une structuration plus verticale où une grande partie du travail se fait par les vers de terre, mais aussi les racines des couverts…» Avec pour résultat une portance et une porosité améliorées. On dénombre ainsi jusqu’à 4 t de vers/ha, pouvant brasser 800 kg de terre/jour : «il paraît qu’en une dizaine d’années, la totalité de la surface arable est brassée, sans mécanique et sans fioul, alors qu’en donnant un coup de charrue, il faut entre quatre et cinq ans aux lombrics, pour reconstituer leurs galeries… Et je ne vous parle même pas de la herse étrille !» Si l’esprit dans lequel se situe l’agriculture de conservation passe par une triple performance, la notion de résilience y est également très présente : «faire en sorte que notre agriculture ait la capacité de résister aux différents aléas, voire, à s’adapter au changement climatique…»

Agriculteurs, lycéens de La Brosse, enseignants, organismes stockeurs… Ils ont été plus d’une centaine de visiteurs à participer ainsi aux différents ateliers mis en place pour l’occasion dans le cadre des journées Innov’Action. Avec en toile de fond ce rappel de Thierry Desvaux, dans sa présentation de l’exploitation : «quand on a un sol vivant, on a un sol qui est sain. Quand on a un sol sain, on a des plantes qui sont saines…»