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DNC

Faire avec les contraintes et s'adapter en permanence

Qu'il s'agisse des élevages ou des structures de commercialisation des animaux, le « gel » décrété par le ministère de l'Agriculture le 17 octobre face aux foyers de DNC pose de nombreux défis, économiques et organisationnels. Même sans être en zone régulée, les acteurs du secteur doivent faire preuve d'agilité dans un contexte qui peut changer d'une heure à l'autre. Exemples en Côte-d'Or et dans la Nièvre.

Par Propos recueillis par Berty Robert
Faire avec les contraintes et s'adapter en permanence
Photo d'archive
Eleveurs et marchés sont dans l'expectative. Le 22 octobre, normalement, plus de 1300 animaux auraient dû être proposés à la vente à Moulins-Engilbert.

Martial Tardivon, chef des ventes de la Sicafome, à Moulins-Engilbert, dans la Nièvre :

« Les cours de la viande ne vont pas baisser. En revanche, je vois un risque de perturbation des tarifs au niveau des animaux de type broutards parce que, au-delà de la DNC, la période qui va du 20 octobre au 20 novembre est traditionnellement la plus compliquée à gérer pour tenir les cours. C'est une période où il sort toujours beaucoup d'animaux. C'est le moment où le mauvais temps s'installe, donc, les éleveurs qui n'ont pas la place de rentrer tous les animaux en bâtiment attendent pour optimiser la valeur de ces animaux et ils les vendent au dernier moment. Il y a aussi les broutards sevrés qui sont déjà en stabulation et qui sont complémentés pour être alourdis afin que l'éleveur en tire le meilleur prix. Ces stabulations, il va falloir les libérer pour laisser rentrer les vaches dans quelques jours, lorsque le mauvais temps va s'installer. Ces mouvements sont toujours très prononcés sur cette période 20 octobre-20 novembre. C'est une période qui reste gérable mais dans un contexte normal. Là, on a une convergence qui rend les choses un peu plus compliquées par la décision de « gel » du commerce d'animaux, pour l'instant jusqu'au 5 novembre. On n'était pas très inquiets pour cette année, puisqu'on avait, a priori, moins d'animaux à commercialiser, mais la paralysie de grandes régions d'élevage qui s'impose à nous à cause de la DNC, risque de générer un « entonnoir ». On va se retrouver avec une quantité de bêtes relativement importante qui n'auront pas pu sortir toutes les semaines et qui vont sortir presque toutes en même temps. On fera le nécessaire pour que tout se passe bien, dans l'intérêt de nos adhérents, mais clairement, la décision de « gel » actuelle ne nous facilite pas la tâche. »

Des leviers d'action possibles

« Face à cela, nous avons quelques leviers d'action possibles :

– Nous sommes équipés de systèmes de vente vidéo à distance pour les vendeurs comme pour les acheteurs, s'il faut qu'on y ait recours, on le fera, mais à la condition que nous ayons ensuite le droit de livrer les animaux.

– Il faudra peut-être organiser des ventes à terme pour éviter un engorgement.

– Peut-être que nous organiserons plusieurs jours de marché la semaine où nous pourrons rouvrir (en fonctionnement normal, les ventes de bovins ont lieu le mardi matin au marché de Moulins-Engilbert. Normalement, ce mardi 22 octobre, 1 340 bêtes auraient dû être commercialisées…)

On ne peut nier les raisons sanitaires qui justifient cela, mais tout le monde a pris cette décision du 17 octobre en pleine face, sans aucune concertation des professionnels au préalable. Je trouve que c'est pour le moins maladroit.

Tous les centres de rassemblement sont dans la même situation : ils ont le droit de rassembler des bêtes pour faire du direct abattoir, en revanche personne n'a le droit de rassembler des animaux pour les dispatcher ensuite dans les fermes. Dans notre fonctionnement habituel nous notifions tous nos mouvements d'animaux sous 48 ou 72 heures. Lorsqu’il y a eu le foyer de DNC dans le Rhône le 18 septembre, nous avons eu un contrôle de la Direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) de la Nièvre le 25 septembre. Tous les mouvements d'animaux des 30 jours précédents ont été contrôlés, soit les entrées et sorties de 4 000 bovins et aucune anomalie n'a été constatée. »

Christophe Léchenault, éleveur dans l'Auxois et président du pôle Élevage de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or.

« Il y a des éleveurs qui doivent conserver des animaux qui étaient, pour certains, vendus, quant aux broutards qui sont à vendre, on ne les vend pas. On attend la date du 5 novembre sans savoir si elle correspondra à la réouverture du commerce. La grosse inquiétude est que si jamais il y a un nouveau foyer de DNC qui se déclare, cette période de « gel » serait prolongée. Nos animaux, actuellement, on les laisse dans les prés ou dans les bâtiments. Plutôt en bâtiments d'ailleurs puisque nous craignons de changer de zone : actuellement, dans l'Auxois, nous sommes en zone blanche, on peut donc encore véhiculer les animaux, mais tout va tellement vite… j'ai des voisins qui commencent à rentrer les vaches qui sont prêtes à vêler en novembre parce qu'ils craignent d'être bloqués si on venait à changer de zone. »

Nourrir alors qu'il y a de l'herbe

« Le pire c'est qu'on fait le choix de rentrer les animaux en bâtiments alors qu'il y a de l'herbe dans les prés et qu'en rentrant les animaux, cela va entraîner des surcoûts alimentaires qui n'étaient pas prévus, et pour lesquels on ne sera pas indemnisés. Une telle situation, c'est une première pour moi, qui suis installé depuis 1989. Je n'avais jamais connu ça. C'est anxiogène, en plus nous avions de bons cours, tous les signaux étaient au vert pour l'élevage et là, on passe du rêve au cauchemar. On sait, néanmoins, que les Italiens ont besoin d'animaux pour remplir leurs ateliers d'engraissement. Donc, pas trop d'inquiétude sur une éventuelle déstabilisation du marché, une fois que les choses redeviendront normales. La décision prise par la ministre de l'Agriculture, le 17 octobre, révèle, à mon avis, que la France était dans le collimateur de l'Europe sur l'augmentation des foyers de DNC et qu'il fallait donner des gages, sinon l'Europe aurait pu sanctionner la France et interdire tout commerce d'animaux pour plusieurs mois, ce qui aurait été beaucoup plus grave. Il fallait rassurer l'UE. On peut toujours critiquer sa décision mais nous sommes confrontés à une situation inédite. »

Réunion en préfecture à Dijon

Jacques de Loisy, président de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or, a participé, le 17 octobre à Dijon, à une réunion en préfecture consacrée à la DNC, qui rassemblait par ailleurs des représentants du Groupement de défense sanitaire (GDS) de Côte-d'Or, des syndicats agricoles et de la Mutualité sociale agricole (MSA) : « Il faut rappeler, souligne-t-il, que, pour le moment, la Côte-d'Or n'est pas en zone rouge. Il n'y a aucun foyer de DNC. 104 communes au sud-est du département sont en zone verte mais 80 % de la Côte-d'Or est en zone blanche. Les éleveurs en zone verte vont être contactés directement par leur vétérinaire. Ces derniers ont été pourvus cette semaine des doses de vaccins nécessaires. Il ne faudra pas hésiter à jouer la solidarité entre agriculteurs pour donner un coup de main à la vaccination. La Chambre d'agriculture jouera aussi son rôle dans ce domaine. À l’issue de la période de vaccination, s'il ne se passe rien pendant 45 jours, la zone verte repassera en blanc. Les services de l'État vont mener une étude intensive sur les conséquences possibles de cette situation sur les taux de chargement des animaux et sur l'épandage des effluents et, par extension, sur le fonctionnement des exploitations. Sur la zone blanche de Côte-d'Or, mis à part le commerce et les rassemblements d'animaux, le fonctionnement des exploitations n'est pas altéré. Il faut rappeler qu'à la différence de la tuberculose, où généralement, on abattait tout le troupeau, en cas de détection de la DNC, ce n'est pas l'intégralité du troupeau d'une exploitation qui serait concerné par les mesures d'abattage, mais le lot d'animaux (par exemple un animal détecté malade dans un lot en stabulation entraînerait l'abattage des autres animaux de la stabulation, mais pas celui d'autres animaux de l'exploitation qui seraient, eux, dans des pâtures extérieures et n'auraient pas été en contact avec la bête infectée). » La situation génère beaucoup de stress. En cas de besoin n'hésitez pas à joindre la cellule « Faire face ensemble » au 06 70 78 36 85.