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Syndicat Betteravier Yonne

Faiblesse des marchés et chute des cours

L’Assemblée Générale du Syndicat Betteravier de l’Yonne est chaque année un moment privilégié d’échanges et de rencontres avec les adhérents. Particulièrement cette année, dans le contexte difficile que vit la filière, suite à la faiblesse des marchés et à l’effondrement des cours du sucre.
Par Dominique Bernerd
Faiblesse des marchés et chute des cours
Toujours beaucoup de monde pour assister à l’AG de l’instance syndicale départementale.
Comme à l’habitude, les planteurs icaunais sont venus nombreux à l’Assemblée générale du Syndicat Betteravier de l’Yonne qui s’est déroulée cette année à Véron, le 22 mai dernier et à laquelle participaient notamment, Eric Lainé, Président de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves et Pierre Raye, Directeur général. L’occasion au travers de multiples échanges avec la salle, de revenir longuement sur ce qui fait aujourd’hui l’actualité de la filière, à savoir la faiblesse des marchés, la chute des cours du sucre ou l’interdiction annoncée des néocotinoides.
En préambule, le président du Syndicat betteravier de l’Yonne, Didier Renoux est revenu sur les résultats du dernier exercice. Avec une collecte de 228 000 tonnes de betteraves à 16° pour un rendement moyen de 95 t/ha, la campagne 2017 s’est démarquée des piètres résultats enregistrés en 2016. Démarrée la dernière semaine de septembre, elle s’est achevée fin décembre, rallongée pour l’occasion de 3 semaines supplémentaires, afin de répondre au souhait des coopératives sucrières, d’augmenter les volumes réceptionnés. Qualifiés de «globalement bons», les chiffres masquent toutefois certaines hétérogénéités, souligne Didier Renoux : «il n’y a pas de secteurs plus prolifiques que d’autres et les résultats sont un peu partout disparates, avec des rendements pouvant atteindre 110t/ha, là où d’autres ne dépasseront pas la barre des 75 tonnes». Des résultats impactés cette année encore par des maladies du feuillage, notamment la cercosporiose : «certaines parcelles au 15 octobre ressemblaient à des feuilles de tabac ! Pas une parcelle indemne, avec des effets divers selon les secteurs». Au 31 décembre dernier, le département totalisait 157 planteurs, dont 111 affiliés à l’instance syndicale. Un chiffre que Didier Renoux souhaiterait voir amélioré : «71% du nombre total de planteurs, c’est bien, mais ça ne me satisfait pas ! A l’époque où nous étions moins nombreux, on arrivait à 98% de cotisants. Plus les temps sont durs, plus nous avons besoin d’un syndicalisme fort face aux attaques de toutes parts. La campagne 2016, on ne l’a pas encore digérée et les trésoreries des exploitations sont au calme plat, dans cette période mouvementée que nous vivons, il nous faut être plus que jamais, être rassemblés».

Une interdiction qui ne passe pas
S’il est un sujet qui fait polémique dans le monde betteravier, c’est bien l’interdiction annoncée d’utiliser les molécules néocotinoides, en usage dans la profession depuis 1992 et concernant 98,4% des surfaces semées en France (sources CGB). Seules protections efficaces à ce jour, selon les instances syndicales, contre le puceron vert, vecteur de la jaunisse virale sur betterave. Avec le risque d’une perte de rendement, en cas d’interdiction, «estimée en moyenne à 12%, mais pouvant aller jusqu’à 50% dans certaines régions, fragilisant toute notre filière, avec des risques en cascade sur les sites industriels et les emplois afférents». Et ce, en contradiction avec les propos du Président de la République, que ce soit dans son discours de clôture des Etats Généraux de l’Alimentation, le 11 octobre dernier à Rungis ou lors du dernier Salon de l’agriculture, lorsqu’Emmanuel Macron se disait «opposé à la disparition prématurée des intrants conventionnels dépourvus d’une alternative durable crédible». Une décision d’interdiction qui laisse la filière betteravière française dans l’impasse, faute de traitement alternatif, avec le risque d’affaiblir sa compétitivité, face à une concurrence mondiale aux règles de production bien plus souples. D’autant, rappelle Vincent Laudinat, directeur de l’Institut Technique de la Betterave (ITB), «que la betterave, contrairement au colza, n’attire pas les abeilles ou tout autre pollinisateur, la récolte se faisant systématiquement avant floraison. Et quand bien même, c’est une plante sans nectar, sans aucune attractivité et il nous parait normal de demander une dérogation pour continuer à pouvoir l’utiliser pendant 2 ans encore, sachant qu’au niveau français, une interdiction totale équivaudrait à une véritable distorsion de concurrence». Un discours relayé par le Syndicat betteravier de l’Yonne, qui le 15 mai dernier, a alerté les parlementaires et le préfet du département, en rappelant la crainte de voir certains planteurs se détourner de cette culture, faute de rentabilité suffisante. Premier à répondre, le député André Villiers s’est dit pour sa part, «attaché à défendre ce dossier à l’Assemblée départementale et à sensibiliser le gouvernement sur la nécessité d’accorder des dérogations, pour laisser le temps aux professionnels d’étudier des solutions alternatives». Face aux menaces de déstabilisation que feraient peser les accords Mercosur sur la filière éthanol, Didier Renoux a interpelé le Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, Jean-Baptiste Lemoyne sur le sujet : «il suit le dossier de près et je considère que c’est un atout pour le département».

Un marché à terme bénéfique pour les planteurs ?
Autre sujet d’inquiétude en cette première année après la suppression des quotas : la faiblesse des marchés et la baisse spectaculaire des cours du sucre, mettant à mal la contractualisation en cours. Les prix européens se connectent aux prix mondiaux en fonction d’une parité à l’exportation et la situation est certainement là pour durer, rappelle Eric Lainé : «nous sommes une filière avec une spécificité forte, articulée autour d’un outil industriel lourd et soumis à une volatilité qui est sans doute l’une des plus fortes de tous les produits de matières premières, avec des cours ayant baissé quasiment de moitié en 1 an».

De fait, les cours du sucre ont connu une chute de l’ordre de 30 à 40%, avec un marché mondial évoluant désormais dans des fourchettes de prix allant de 200 à 600€ ! Comment affronter une telle volatilité ?

Un certain nombre de mécanismes sont à l’étude, comme la création de marchés à terme pour bâtir des prix minima, fixes pour l’agriculteur, tout en permettant à l’industriel de gérer son risque de marge, explique le président de la CGB : «la sortie des quotas nous impose un autre regard, d’où l’importance quand cela est possible, de travailler sur des outils de gestion de risque comme le marché à terme. Un mode de commerce qui va prendre de l’ampleur. Dans le colza, dans le blé, il a mis 10 ans à se mettre en place. Plus personne de ferait machine arrière aujourd’hui car chacun gère son prix au moment où il le souhaite. Je ne dis pas qu’on vendra tout le sucre comme ça, car toute la partie «sucre de bouche» peut difficilement en faire partie, mais il y a sans doute une proportion beaucoup plus importante qui pourra passer par les marchés financiers et sécuriser à la fois le vendeur et l’acheteur».