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FDSEA 89

Du sanglier au menu

Devant la pression des dégâts de gibier et notamment de sangliers, la FDSEA de l’Yonne a invité la Fédération départementale des Chasseurs à échanger avec ses adhérents le 30 mars dernier à Maligny.
Par Dominique Bernerd
Du sanglier au menu
Agriculteurs et chasseurs sont venus en nombre à la réunion organisée par la FDSEA de l’Yonne.
Les dégâts de gibier n’en finissent pas d’enflammer les débats entre chasseurs et agriculteurs. Si la réunion commune entre la FDSEA et la Fédération Départementale des Chasseurs de l’Yonne a donné lieu parfois à des échanges un peu vifs, elle aura permis dans le même temps de dresser un état des lieux de la situation, avec en toile de fond cette question : comment trouver des solutions concrètes à mettre en œuvre dans le département, en collaboration avec les sociétés de chasse, pour diminuer l’impact des dégâts sur les cultures ? Pour Gilles Robillard, Secrétaire général de la FDSEA de l’Yonne, «la relation chasseurs agriculteurs est toujours un sujet passionnel, débouchant sur certaines incompréhensions, tant au niveau des chasseurs que de la fédération de chasse ou des agriculteurs. Il est vrai que dans certaines zones, la pression des dégâts gibier commence vraiment à devenir importante, avec l’impression parfois, que les indemnisations ne sont pas à la hauteur de ce que l’on pourrait espérer». Pour Olivier Lecas, président de la Fédération Départementale des Chasseurs de l’Yonne, un impératif : «tout dégât doit être déclaré sans délai et de manière systématique, les dossiers qui nous sont remontés nous servant d’indicateurs sur certaines zones». Rappelant qu’en la matière, les règles d’indemnisation relevaient du Code de l’environnement et que les estimateurs appelés à constater les dégâts dans les parcelles, dépendaient d’une Commission Départementale de la chasse et la faune sauvage, composée de façon paritaire entre agriculteurs, chasseurs, représentants d’association de protection de la nature et administration. En cas de dégâts supérieurs à 10 ha pour ce qui est des céréales et grandes cultures et 18 ha en ce qui concerne les prairies, un expert national est mandaté en parallèle. Le ministère de l’environnement imposant des cultures sur pied pour déclencher le processus d’indemnisation, d’où cette remarque d’un agriculteur présent : «en maïs ensilage, le plus souvent, on ne voit pas tous les dégâts occasionnés au départ et l’ensilage venu, on ne peut plus rien faire».

200 chasseurs en moins chaque année
Les dégâts de gibier à l’échelle départementale représentent chaque année entre 1 000 et 1 200 dossiers, pour un montant par campagne d’indemnisation pouvant dépasser le million d’euros. Occasionnés pour 95% d’entre eux, par des sangliers, le reste par des chevreuils et cervidés. Se pose le problème des blaireaux, «chassable», mais non indemnisé par la Fédération, rappelle Olivier Lecas : «avec des dates réglementées par des arrêtés préfectoraux, nous supprimant la possibilité de chasser en complément, du 15 mai au 17 septembre, période pourtant la plus propice à déterrer le blaireau». Avec là encore, l’importance à faire remonter toute information sur les dégâts occasionnés, insiste un agriculteur également chasseur : «chacun d’entre nous reçoit de la Chambre d’agriculture chaque année un dossier à remplir concernant les blaireaux. Trop peu remontent, alors que si tout le monde jouait le jeu, le préfet serait, à mon avis, dans l’obligation de revenir sur ces arrêtés. C’est à chacun de mettre un peu du sien». La politique de la fédération de chasse est claire, explique son président : «elle n’est pas de favoriser l’extension des populations de sangliers, mais bien de les réguler et donner les moyens aux chasseurs pour cela». Avec pour problème majeur, un nombre de chasseurs diminuant chaque année : «de 1 à 2 %, soit l’équivalent de 200 chasseurs et autant d’argent en moins pour l’indemnisation des dégâts». En légère régression le total de surfaces détruites dans le département, lors de la dernière campagne, avoisine néanmoins 1 200 ha.

La pose de clôtures, du ressort des chasseurs
Pour cet autre agriculteur passionné de chasse présent dans la salle, ce constat amer : «au niveau des sangliers, certaines sociétés de chasse ne jouent pas le jeu et pratiquent une gestion bonne pour eux mais pas pour nous. Même moi, en tant que chasseur, je dis que ce n’est pas de la gestion, mais que ça relève plus de l’élevage porcin et c’est inadmissible !» Pour cet autre, l’important n’est pas le nombre d’animaux prélevés, mais leur poids : «tant qu’ils tueront des petits sangliers, il y aura des dégâts ! Aujourd’hui, il faut imposer d’en tuer un certain nombre de gros, comme cela se fait ailleurs». Le nouveau plan cynégétique mis en place par la fédération de chasse, a fixé le prix du bracelet à 25 €, en baisse de 10 € par rapport à l’année dernière. Une incitation financière à tuer plus de sangliers, qui se conjugue avec un nouveau mode de calcul de la participation territoriale, rappelle son président : «plus vous avez d’animaux tués ou attribués sur votre territoire, plus vous paierez cher». Des mesures jugées insuffisantes, pour cet éleveur qui ne décolère pas, peu convaincu par la soixantaine de sangliers abattus sur son secteur : «nous sommes entourés de deux sociétés de chasse qui ne font pas leur boulot, on a sur la commune, une rivière bordée d’épines qui sert de dortoir et pendant ce temps-là, on doit mettre des clôtures partout ! Pour nous, ce n’est pas un plaisir, la chasse en est un!» Concernant les clôtures, le discours du président Lecas est sans ambiguïté : «je vais être très clair : la pose des clôtures et leur entretien incombent aux chasseurs, pas aux agriculteurs. Après, il n’y a pas d’obligation à clôturer et ce sont les relations humaines entre tous qui font que».
Autre sujet évoqué par Olivier Lecas, l’agrainage : «un moyen supplémentaire de limiter la sortie des animaux dans les cultures. Et je ne parle en aucun cas de nourrissage, mais bien d’agrainage de dispersion en ligne». Autorisé du 15 février au 1er décembre, il est régi par des règles strictes : pas de postes fixes ni distributeurs automatiques, distances minimales à respecter, 50 kg maximum aux 100 ha une fois par semaine, etc. : «dans l’Yonne, si un sanglier ne trouve pas à manger dans le bois, que ce soit des glands ou du maïs apporté, il va faire 500 mètres et va trouver dans vos champs de la nourriture riche. Et à partir du moment où il en a toute l’année, il fera forcément des petits».
Concernant le piégeage, un agrément est nécessaire et des formations sont assurées par la Fédération des Chasseurs de l’Yonne : «elles se déroulent sur 2 jours à Sacy, moyennant 40 €, repas compris». Reste à savoir s’il y aura du sanglier au menu…