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Moissons

Du jamais vu dans la plaine

La récolte de blé semble pire que celle de l’orge. Deux agriculteurs de Magny-lès-Aubigny témoignent.
Par Aurélien Genest
Du jamais vu dans la plaine
Philippe et Vivien Lévêque vont terminer sur une moyenne de blé ne dépassant pas 45q/ha.
Grande désillusion pour les exploitants de la plaine dijonnaise. S’ils s’attendaient à des rendements décevants compte-tenu des aléas climatiques du printemps, de tels niveaux de récoltes ne pouvaient être que très difficilement imaginés. Le blé fauché la semaine dernière chez Philippe et Vivien Lévêque affiche d’emblée la tendance : «Il nous reste quatre hectares à récolter et la moyenne ne devrait malheureusement pas bouger. Nous allons rester autour de 45q/ha... C’est du jamais vu ici» déplore Vivien Lévêque, pointant du doigt l’excès d’eau des derniers mois, le manque d’ensoleillement et le développement de maladies de fin de cycle telles que la fusariose. La récolte de blé avait pourtant commencé sur de «meilleures» impressions. «La moissonneuse avait du mal à avancer tellement le peuplement était important. Il y avait beaucoup d’épis mais finalement, il n’y avait rien dedans. La première parcelle de Musik a terminé à 59q/ha, c’est notre meilleur résultat cette année» indique Philippe Lévêque. Apache, Rubisco, Arezzo : les autres variétés de l’assolement donnent des résultats encore plus médiocres et ce, quel que soit le type de sol. «La moyenne de PS est aux alentours de 70. En rendement, la palme revient à une parcelle de six hectares en Rubisco, qui a décroché à 41q/ha dans un secteur où nous avons déjà eu la chance de monter à 90q/ha dans le passé» poursuit le Côte d’orien de 59 ans.

Une tendance générale
«La récolte semble très mauvaise partout» relate Vivien Lévêque. Avec une moyenne de 45q/ha, son exploitation établit un triste record. Cette sombre récolte de blé se termine quelques jours après celle de l’orge d’hiver, elle aussi d’un très bas niveau. «Nous avons terminé à 60q/ha, avec des PS et des calibrages très décevants sur Étincel, notre unique variété. C’est également notre plus mauvais résultat jamais enregistré. Même mon grand-père n’avait jamais vu ça depuis l’arrivée des produits phytosanitaires il y a plusieurs décennies» commente Vivien Lévêque. La culture ayant le moins décroché est finalement le colza avec une moyenne de 35q/ha. La moutarde, quatrième et dernière culture de l’exploitation basée à Magny-lès-Aubigny devrait également être des plus décevante : «ce sera catastrophique là aussi, deux premiers champs fauchés dans mon secteur approchent difficilement les 15q/ha» lance le jeune agriculteur de 31 ans.

Coup dur pour les jeunes
Membre du conseil d’administration et trésorier de JA21, en charge des dossiers fonciers, Vivien Lévêque ne cache pas son inquiétude sur l’installation des jeunes : «Nous n’avions vraiment pas besoin d’une année comme celle-ci. Les difficultés vont être nombreuses chez tout le monde, surtout pour les jeunes récemment installés. Les récoltes sont très mauvaises et les prix le sont tout autant. De bonnes récoltes sont annoncées aux États-Unis, en Ukraine et en Russie, la remontée des prix n’est peut-être pas pour demain. Je ne pense pas que les mauvaises moissons en France aient les moyens d’inverser la tendance sur l’offre et la demande car nous ne représentons pas grand chose au niveau mondial. Pas de rendement, pas de qualité et pas de prix: le moral est vraiment dans les chaussettes. Avant même de penser à rembourser les emprunts et à se dégager un salaire, les moissons ne vont même pas payer les engrais et les produits phytosanitaires. Dans notre cas, il va nous manquer 400 à 500 euros à l’hectare. Nous avons travaillé pendant un an pour perdre de l’argent, c’est difficile de se dire cela. Plaine ou plateau, tout le monde semble être au diapason en Côte d’Or. D’énormes difficultés vont se faire ressentir dans les exploitations. Je ne sais pas comment nous allons continuer d’installer des jeunes dans des fermes où les capitaux sont importants mais où la rentabilité est inexistante».