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FDSEA 89

«Du jamais vu…!»

Retour sur la journée de mobilisation du 5 novembre dernier qui a réuni plus d’un millier d’agriculteurs à Dijon, avec Francis Letellier, président de la FDSEA 89 et de la FRSEA Bourgogne.
Par Propos recueillis par Dominique bernerd
«Du jamais vu…!»
Francis Letellier, président de la FDSEA 89 et de la FRSEA Bourgogne, le 5 novembre dernier, à Dijon
- TDB : Satisfait de la mobilisation ?
Francis Letellier : «Cela a même été du jamais vu ! La dernière fois que nous étions descendus de l’Yonne jusqu’à Dijon pour manifester, on avait deux bus, contre quatre cette fois ci, plus les voitures particulières… C’est bien la signification d’un souci global, touchant désormais toutes les filières. La preuve également du ras le bol ressenti face à ce climat de suspicion générale qu’on fait peser sur l’agriculture et les agriculteurs. Tout juste si on ne revient pas sur leur capacité à exercer leur métier et ça, c’est très mal vécu dans les fermes… On ne supporte plus ces inspecteurs des travaux finis qui viennent nous contrôler, sous le prétexte qu’on traiterait mal nos animaux ou enregistrerait mal nos données. J’ai l’habitude de dire qu’on choisit ce métier car il comporte une part de liberté, en étant sur son exploitation et son propre patron, en faisant ses propres choix, et aujourd’hui, tout ça est remis en cause. On ne supporte plus d’être à la fois commandé par Bruxelles et Paris. C’est ce que j’ai rappelé, aussi bien aux élus présents sur l’espace agricole de la Saint-Martin dimanche dernier, qu’à la Conseillère du Premier ministre, qui nous a reçus vendredi dernier en préfecture».

- Et sur le déroulé de la manifestation ?
«Très satisfaits là aussi, car en tant que responsables régionaux, avec Samuel Legrand, mon homologue aux JA, nous avions quelques craintes, ayant pris des engagements auprès de la préfecture et ils ont tous été respectés. On ne devait pas toucher au tram, c’est ce qu’on a fait. Pas de dégâts non plus… Nous avons envahi le Conseil régional, mais là aussi, tout s’est bien passé, même si au final, il n’est rien ressorti des discussions que nous avons eu avec le président Patriat, si ce n’est qu’elles continuent…»

- Au final, cette mobilisation a été payante ?
«La pression exercée ce mercredi, avec l’ensemble des manifestants dans toute la France a permis de convaincre le ministre d’entamer des discussions à l’échelle européenne, avec les autres états membres pour dire : on ne prendra pas sur la Pac pour compenser les effets de l’embargo. Ce n’est pas encore acté, mais on devrait gagner sur ce plan. Concernant l’obtention du paiement anticipé des aides et contrairement à ce que certains prétendent, rien n’était acquis car chaque année, c’est conditionné à une autorisation européenne et là encore, nous avons obtenu ce que nous souhaitions. Sur l’assouplissement des règles de contrôle, il nous faut aujourd’hui des faits concrets sur le terrain : il ne faut plus qu’un gars soit contrôlé plusieurs fois par an ou deux années de suite ! Pas plus qu’il le soit un lundi matin, notamment en élevage, où l’on rattrape bien souvent le travail du dimanche. J’appelle à un rapport de force plus équilibré, avec un contrôleur par paysan et non deux comme cela se fait. Aujourd’hui, aucun droit à l’erreur n’est autorisé, au premier couac, c’est tout de suite le coup de bâton ! Ré instituons cette règle qui donnait du temps à l’agriculteur, une fois l’erreur constatée, de la réparer derrière…»

- Et sur la Directive nitrates ?
«Nous avons obtenu une révision des zonages, avec un enjeu précis : on ne va pas mettre une zone sur une commune non concernée par un bassin versant ! Mais les discussions se poursuivent, notamment au plan national, à la FNSEA, sur le sujet. Concernant les pentes, ne seraient concernées aujourd’hui que celles avec des cours d’eau. C’est là que dans l’Yonne, nous avons un peu d’avance, car cette carte des cours d’eau existe, dressée en son temps avec les services de l’Etat. Peut-être à la rigueur, faudrait-il la toiletter un peu et l’on pourrait pour cela, faire appel à notre réseau, dans chaque canton, comme cela avait été fait à l’époque. On pourrait par la même occasion exiger qu’en cas de pentes avec cours d’eau, une bande tampon de 3 mètres soit autorisée, comme en Allemagne, là où en France, on nous impose une bande de 5 mètres…»

- On ressent aujourd’hui dans le monde agricole, particulièrement chez les jeunes, un sentiment d’impatience
«Il y a, c’est vrai, une tension plus exacerbée, notamment chez les JA, du fait qu’ils ne démarrent pas leur carrière dans les meilleures conditions. Nous à leur âge, on avait l’avantage des prix garantis, d’un environnement plus sécurisé, on savait que l’État était là pour nous soutenir. Alors qu’aujourd’hui, un jeune qui démarre est confronté sur son exploitation à l’effet mondialisation et le système économique existant, fait que nous ne sommes pas près à subir ça ! Le système qui nous protégeait a explosé au nom du libre échange, alors que dans le même temps, les charges dans les exploitations continuent à augmenter. En 10 ans, on a pris 150 € de charges en plus par ha, pour sortir 1 ha de blé ! Et ça ne baisse toujours pas…»