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Les cerf-volants effaroucheurs de Chevannes-Changy (58)

Dieu éole contre les oiseaux affamés de semences

Le seul fabricant français -et l’un des rares européens- de cerf-volants effaroucheurs d’oiseaux est installé à Chevannes-Changy, dans la Nièvre. Baroudeur, créatif, passionné, Henry Prat, qui vend sous la marque Aerea58, a déjà fourni 4000 cerf-volants aux agriculteurs de tout le continent depuis 4 ans. Et pas que...
Par Emmanuel Coulombeix
Dieu éole contre les oiseaux affamés de semences
Plus chers que les modèles importés de Chine, les cerf-volants effaroucheurs d’Henry Prat revendiquent aussi une qualité et un service après-vente «made in France», comme témoigne l’étiquette fixée sur chacun des modèles.
De ses études d’architecture, de son emploi de graphiste dans une agence de publicité parisienne, et de ses voyages en Amérique latine, où il s’est marié puis a divorcé d’avec une Colombienne, Henry Prat a ramené, outre ses deux jeunes filles, une passion non seulement pour la pratique mais aussi pour la création et la fabrication de cerf-volants. A 49 ans -il en a aujourd’hui 54- ce passionné baroudeur a décidé de concilier son loisir de 10 ans avec sa vie professionnelle, chose exceptionnelle dans ce domaine. En 2010, alors qu’il est venu s’installer du côté de Brinon-sur-Beuvron, il a eu l’idée de créer «un cerf-volant monofil en forme d’oiseau», de rapace très exactement. Et alors qu’il venait d’initier un voisin agriculteur, Didier Beaumier, aux joies du vol, il s’est très vite mis en tête de répondre au problème des «oiseaux qui coûtent très chers en semences et en gas oil aux agriculteurs». «Faire voler des cerf-volants, c’est une chose, avoir la possibilité de concevoir, dessiner et construire des formes et pas seulement acheter des cerf-volants made in China, çà m’a tout de suite plu» résume la quinquagénaire. Sitôt dit, sitôt partagé : Henry Prat crée un site internet (aerea58.com), met en ligne son premier modèle, l’Espanto (de l’espagnol espantar  : faire peur), une structure très simple à monter, très résistante et très légère, de couleur chair, à base de toile de nylon (qu’on utilise en voile), de fibre de verre et doté d’un émerillon qui permet d’éviter que la ficelle ne se torsade. Suivront les modèles Espanto 2 et Espanto 3. «L’avantage, c’est le comportement en vol, qui s’apparente à un vrai oiseau, dont le mimétisme avec les rapaces lui permet de piquer, remonter, battre des ailes ou de rester en stationnaire au gré des courants du vent» explique l’auto-entrepreneur. Les moineaux, étourneaux, pigeons et autres petits oiseaux n’ont plus qu’à bien se tenir et surtout à éviter de venir picorer la graine, une fois que la tige de la semence est sortie du germe. «Il suffit d’un vent à 2 km/h pour que le cerf-volant s’envole, au bout d’une canne de 5 m et d’une ficelle de 4 m. La protection est idéale, pour 2 ha de terre, à condition de changer le dispositif de place tous les huit jours, parce que les oiseaux testent, s’accoutument et finissent par se rapprocher du succédané de faucon». Le test, avec son voisin, s’est montré concluant. Les commandes ont afflué. Henry Prat a à ce jour commercialisé plus de 4 000 effaroucheurs (des 3 modèles) via sa plateforme en ligne.

Fournisseurs à La Rochelle et en Pologne
S’il a cessé l’Espanto 2, plus grand que le 1 mais tout noir, l’entrepreneur s’est développé autour d’un troisième cerf-volant, l’Espanto 3, «emplumé» et plus tourné vers une clientèle de professionnels. Des petits miroirs à la place des yeux, des plumes sérigraphiées sur la toile par un spécialiste polonais, des voiles découpées au laser par un prestataire de La Rochelle, viennent parachever la solution proposée par aerea58. Désormais, le site commercialise le 1er rapace «plutôt à des particuliers jardiniers ou arboriculteurs» pour 27,50 euros et son haut-de-gamme pour 38,50 euros. Il est plus cher que les grandes séries de cerf-volants fabriqués en Chine (autour de 5 euros pièce), mais «les miens durent plusieurs saisons et ne sont pas hors-service au bout de quelques mois». La qualité française est un argument pleinement revendiqué. «Le seul bémol, c’est sur les silos ou stabulations, là où les endroits sont moins dégagés, où il y a moins de vent, car le cerf-volant, qui pèse 20 g, s’accommode moins bien des turbulences quand le vent tourne» concède Henry Prat. Ce qui ne l’empêche pas de connaître un certain succès auprès d’autres clients que les agriculteurs. Des curés l’ont contacté pour leurs églises. La mairie de Nevers lui a passé commande de câbles sur lesquels seront installés 4 à 5 Espanto, entre deux immeubles d’habitation, afin d’effaroucher les corbeaux qui font leur nids vers la fin-février. Henry Prat vise le marché européen en agriculture, arboriculture, jardinage, mais aussi viticulture et il a même été contacté par des aéroports (Marseille) et par des ports (Barcelone) «pour offrir une solution économique en faveur de la sécurité des avions» ou «pour la propreté des blazers des propriétaires de yachts» s’amuse-t-il. En voie de se diversifier, aerea58 est même en pourparler avec le Paris Saint Germain pour ses nouveaux modèles publicitaires en forme de maillots à personnaliser mais aussi avec des clubs de foot et de rugby. Il a même conçu deux autres cerf-volants, de loisir cette fois, «un monofil, statique, catégorie que les amateurs appellent contemplatif, jusqu’à une envergure de 3,50m», l’INTI et dont il est très fier.
Et un autre modèle, coloré et sérigraphié de figures mayas, qui rentre dans la catégorie des cerf-volants de combat, une discipline sportive très prisée en Amérique latine et en Asie, avec ses clubs et ses compétitions, et dont il a ramené des modèles en papier fin et bambous «collectors». Avec aerea58, la Nièvre est devenue l’autre pays du cerf-volant, qui rayonne sur les terres au gré du vent...