Des voies communes
Dans un contexte général qui peut parfois lourdement faire souffrir le monde agricole, une quête a été lancée pour renouer avec une écoute un peu particulière.
« Nous devons activer tous les moyens que nous pouvons afin d'offrir aux exploitants un lieu d'écoute en cas de besoin, d'autant plus qu'ils sont souvent taiseux » insiste Cyrille Forest, président de la Chambre d'agriculture de la Nièvre, lors d'une journée d'échanges et de visite organisée en partenariat avec la FDSEA 58 et le diocèse de Nevers, le 16 septembre. Il explique : « jadis, l'Église catholique était très présente dans les cantons et même encore aujourd'hui nous trouvons des réminiscences de ce lien étroit notamment au travers des messes célébrées lors des comices agricole par exemple. Dans un moment où l'on se sent abandonné par l'État pour de nombreux sujets, il semble indispensable de montrer que d'autres personnes sont là pour écouter. Mais pour ce faire il faut faire découvrir notre quotidien ».
In situ
Pour mettre en évidence cela auprès de l'Évêque de Nevers, Monseigneur Grégoire Drouot, en présence notamment d'Olivier Laporte, vice-président de la FDSEA 58 et en charge du dossier prédation pour le syndicat, une visite du marché au cadran de Moulins-Engilbert, par Benoît Blandin (président de la Sicafome) afin de prouver l'importance du lieu en ce qui concerne le lien social entre tous, avec projection d'un film de présentation des activités. Ensuite, la délégation prit la direction de l'exploitation de Bertrand Larue (Pain, Achun) où, outre ce dernier, Monseigneur fut accueilli par Madame Dominique Joyeux, maire de la commune ainsi que Sylvain Bonnodot, président cantonal de la FDSEA 58, qui introduit : « il ne faut pas oublier que derrière chaque agriculteur, il y a une famille. Si le premier souffre, le second aussi ». Puis, les échanges se poursuivirent à bâtons rompus autour des problématiques que connaît Bertrand Larue : la prédation, les changements de réglementation phytosanitaire ou encore les pressions d'organismes « de la protection animale ou de l'écologie » précise-t-il. Bertrand Larue insiste auprès de Monseigneur Drouot, de Cyrille Forest ou encore d'Olivier Laporte : « nous vivons dans un monde où le reste de la population ne sait pas comment nous travaillons et qui connaît encore moins nos problèmes, qui sont nombreux ! ». Pour illustrer un peu plus son propos, il développe : « nous avons des problèmes sanitaires à l'image de la FCO – qui nous a beaucoup touchés ici -, les prix des céréales indexés sur les cours internationaux ou encore tout le volet administratif qui pèse tous les jours sur nos exploitations. Rien qu'hier j'ai passé une demi-journée pour faire appel sur les prix des indemnisations des agneaux morts suite à des attaques chez moi. En effet, on me les indemnise 145 euros alors que ceux encore en vie j'ai pu les vendre 250 euros… Nous vivons un peu de nos productions, mais qu'adviendra-t-il de nos enfants ? De ce fait, je suis persuadé qu'il est temps de revenir aux fondamentaux, car manifestement personne ne nous entend ». Pour rappel Bertrand Larue a été victime de 12 attaques de prédation dans son exploitation, certaines à quelques mètres des maisons…
Des liens étroits
De son côté, Dominique Joyeux pointe que « recevoir un représentant religieux est très intéressant, car les liens étaient étroits avec le territoire et les administrés ». Monseigneur Grégoire Drouot réagit : « ma présence est aussi une manière d'éveiller les consciences. D'ailleurs, je suis engagé dans un travail de rencontres, pour comprendre les problématiques de notre terroir afin de recréer ce lien ». Ainsi, il détaille que durant 5 jours il part résider dans une paroisse différente : « J'ai déjà été à Brinon, Tannay, Corbigny et Lormes. À chaque fois j'ai à cœur de découvrir une exploitation car il est certain que le monde agricole et le diocèse ont une histoire liée ». Pour terminer la rencontre en prouvant cette croisée des chemins, Olivier Laporte convia Monseigneur, Cyrille Forest et Bertrand Larue à visiter la chapelle de Saint Donat à Abon, bien familial depuis 1791 (famille Pelletier puis Laporte en 1869 lors du mariage d'Élisa Pelletier à Alexandre Laporte). Monseigneur souligne alors : « il y a un véritable attachement aux églises dans les milieux ruraux, à nous de trouver des moyens de les rouvrir, cela peut passer par des événements religieux mais également culturels… En tout cas, merci infiniment d'avoir mis en lumière votre quotidien ». Cyrille Forest conclut la matinée : « Nous recherchons tout simplement un peu d'apaisement et peut-être que vous pouvez en apporter ». Finalement, cette demi-journée semble faire écho à la doctrine sociale de l'Église qui s'articule autour de grands principes tels que la dignité humaine, la justice sociale ou la solidarité ; des piliers qui se retrouvaient aussi dans certains slogans des manifestations agricoles de 2024…