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Arboriculture

Des noisettes pour l’hiver

Depuis une quarantaine d’années, Patrick Barbotin produit des noisettes sur les hauteurs de Jussy, au sud d’Auxerre. Un fruit qui à l’instar des autres productions arboricoles du secteur, a souffert du gel cette année
Par Dominique Bernerd
Des noisettes pour l’hiver
Le « paradis » des écureuils… !
N’eut été un ancien vétérinaire originaire de Jussy, à avoir passé sa vie dans les colonies, le village n’aurait sans doute jamais connu de plantations de noisetiers sur son territoire, raconte Patrick Barbotin, producteur et maire de la commune : « de retour au pays, il a planté ses premiers vergers entre 1949 et 1954, écumant pour cela tous les pépiniéristes du coin. Moyennant quoi, il avait presque réussi à en faire un verger conservatoire. Quand j’ai repris ses vergers, les gens de l’INRA en avaient comptabilisé jusqu’à 18 variétés différentes… » Il en subsiste aujourd’hui une douzaine, répartis sur 6 ha en production. C’est au milieu des années 70 que Patrick barbotin s’est installé producteur de noisettes : « quand on est arrivé, les 7,5 ha de vergers représentaient à l’époque, jusqu’à 30 % de la production française. Il n’y avait pratiquement pas de vergers en France, si ce n’était dans les Pyrénées Orientales et un peu en Corse. » C’est après un long travail de l’INRA que s’est développée la culture, essentiellement en Aquitaine : « leurs sols profonds s’y prêtaient bien. Et en plus, ils avaient de l’eau. Tout ce qu’on n’a pas ici ! » Principales variétés produites à Jussy : « la « Fertile de Coutard », une variété classique associée à de la « Merveille de Bollwiller » que l’on trouvait beaucoup dans les vergers américains… »

Une récolte pénalisée par le gel
Sans doute l’une des plus vieilles plantations françaises, la noisette est rustique, même s’il lui faut de bonnes conditions d’implantation : « le noisetier doit s’installer rapidement, pour une entrée en production à partir de la 6e ou 7e année… » Pour des rendements maximums de 2,5 tonnes/ha, sur des vergers de 10 à 12 ans, en pleine maturité. Bien loin des attentes du producteur icaunais : « ici, compte tenu des conditions de production, il ne faut pas espérer dépasser les 1,5 t/ha, d’où la nécessité de vendre en direct » Un chiffre qui ne sera pas atteint cette année, le gel est passé par là : « les gelées en avril sur les plateaux ont fait du mal, le fruit était alors en lait et très sensible au froid car riche en eau… » Avec pour conséquence des rendements qui ne devraient pas excéder 500 kg à l’hectare. Car si la fleur femelle résiste à des températures jusqu’à - 25°C et la fleur mâle un peu moins, la fécondation réelle a lieu au printemps et gare aux mauvaises conditions climatiques !  Principal prédateur de la noisette : le balanin. Un charançon répandu dans toute l’Europe, dont la larve est responsable des noisettes véreuses. C’est au printemps, après une période d’hibernation, que les adultes sortent de leur cachette et s’attaquent aux jeunes fruits. Fin mai, début juin, la femelle creuse un trou dans la noisette verte et y pond. Reste ensuite aux larves à s’y développer et se nourrir de l’amande. C’est sur une parcelle prêtée pour l’occasion par Patrick barbotin à l’INRA, que des essais furent menés de 1975 à 1980 pour tenter de trouver des moyens de lutte contre le fléau.  

Une coopérative pour 98% de la production française
Si la Turquie reste au niveau mondial le premier producteur de noisettes, elle est suivie en Europe de l’Italie et de l’Espagne, la France se classant en 7e position. Les cours mondiaux étant déterminés par le pays leader qu’est la Turquie : « en cas de mauvaise récolte là bas, les prix peuvent doubler, voire tripler. L’an passé, ils n’ont pas dépassé les 4 € au kg… » Aujourd’hui, 98 % de la production française sont trustés par la seule coopérative Unicoque, installée dans le sud-ouest, qui s’est fixée pour objectif de tripler sa production annuelle de 10 000 tonnes dans les vingt prochaines années. La demande est énorme, notamment en provenance du groupe italien Ferrero, principal metteur en marché, suffisamment puissant pour peser sur les cours. Patrick barbotin a fait le choix de commercialiser sa production sans passer par la coopérative : « tout ce qui est petit et moyen calibre part à l’industrie, pour l’huile ou la chocolaterie, les plus grosses, je les vends en direct, pour la consommation de bouche… » Le ramassage mécanique s’effectue à l’aide d’une machine aspirante : « un vieux modèle, mais qui a fait ses preuves. On fait un andin que l’on aspire, tout ce qui est plus petit ou plus gros que la noisette tombe en dehors, les feuilles pouvant subsister, étant évacuées par un ventilateur latéral. » Les fruits sont ensuite calibrés, avant pour les plus petits calibres, d’être séchés sur claies et pour les plus gros, au moyen d’un séchoir.  Signe des temps, Patrick Barbotin reçoit de plus en plus d’appels téléphoniques d’exploitants en recherche de diversification : « on voit naitre un intérêt, mais il faut rester prudent et je rappelle à chaque fois toute l’importance à ne pas travailler dans les conditions qui furent les miennes. Je considère qu’une unité autonome aujourd’hui, pour amortir le matériel de récolte notamment, doit compter au moins une vingtaine d’hectares… »