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Fiscalité

Des évolutions agricoles à prendre en compte

Alors que nous sommes en plein remplissage de nos déclarations de revenus, nous vous proposons de faire un focus sur des évolutions récentes concernant la fiscalité agricole. Pour cela, le regard de Guillaume Rigollot, expert-comptable dijonnais, est précieux.

Par Propos recueillis par Berty Robert
Des évolutions agricoles à prendre en compte
La fiscalité agricole connaît cette année des évolutions importantes qui méritent qu'on y accorde de l'attention.

La fiscalité agricole connaît des évolutions importantes, en écho au mouvement de protestation nationale de début 2024, à travers lequel de nombreuses revendications s'étaient exprimées sur ce thème. La loi de finances et loi de financement de 2025 a acté l'adoption définitive de mesures fiscales et sociales en faveur de l'agriculture, défendues par la FNSEA. Concernant les promesses fiscales, afin que les exploitants agricoles ne soient pas pénalisés par le contexte politique et législatif instable que traverse notre pays, certaines nouvelles mesures se révèlent applicables dès l'année 2024. C'est le cas pour la provision sociale et fiscale de soutien à l'élevage bovin, l'exonération de 30 % en cas de réintégration de la Dotation pour épargne de précaution (DEP), le rehaussement du seuil micro-BA pour les Gaec ou encore les mesures fiscales sur les régimes d'exonération des plus-values professionnelles en cas de cession ou de départ en retraite. Pour comprendre de quoi il s'agit précisément, nous avons fait appel à Guillaume Rigollot, expert-comptable et commissaire aux comptes indépendant à Dijon (Cabine SECC) et spécialistes des questions agricoles et viticoles. Pour chacun des points soulevés ici, il importe un éclairage précieux : 

Provision sociale et fiscale de soutien à l'élevage bovin : 

« Ce n'est pas un système inédit. La loi de finances 2024 avait déjà instauré un système similaire mais moins intéressant parce qu'il comportait plus de conditions. Il fallait que la valeur du stock ait augmenté d'au moins 10 % entre le début et la fin de l'exercice pour pouvoir activer la provision. La provision était également plafonnée à 150 euros par vache laitière ou allaitante. Cela ne concernait que la partie fiscale mais n'avait pas d'impact à la baisse sur les cotisations MSA. Ce dispositif, au final, n'a pas été très utilisé par les exploitations et n'a pas eu les effets escomptés. C'est pourquoi la loi de finances 2025 est porteuse d'un nouveau système. Sa principale innovation, c'est qu'il n'y a plus de minimum d'augmentation du stock pour activer la provision. À partir du moment où ce stock augmente, dans n'importe quelle proportion, on peut l'activer. De plus, la provision fait baisser le résultat fiscal mais aussi le résultat social, ce qui a un impact sur la MSA. Il y a, néanmoins, un plafond à 15 000 euros maximum de provision. Ce plafond baissera en 2025, 2026 et 2027 pour les exploitations qui ne sont pas engagées dans une démarche de contractualisation pluriannuelle. Le but est d'encourager à la contractualisation mais cela ajoute une complexité dans le dispositif puisque ce sont deux notions qui, de mon point de vue, n'ont rien à voir. Le système, plus généralement est déjà assez compliqué, il réclame un suivi extra-comptable sur plusieurs années, avec un suivi du cheptel. Dans la pratique, je crains que cette complexité freine la capacité des exploitants à utiliser ce système, plus que le précédent. Cette provision peut néanmoins s'appliquer avec effet rétroactif à compter des exercices clos au 1er janvier 2024, un caractère rétroactif suffisamment rare pour être souligné, mais cela implique de refaire, potentiellement, certaines liasses fiscales déjà posées, afin de tenir compte de cette provision et faire ça dans les jours qui viennent puisque la limite pour les déclarations fiscales intervient fin mai… »

Exonération de 30 % en cas de réintégration de la DEP :

« Jusqu'à présent, ce mécanisme d'exonération n'existait pas lorsqu'on réintégrait, alors qu'il existait auparavant avec la Déduction fiscale pour investissement (DPI). Cet ancien système, très intéressant, avait été perdu avec la DEP. Là, on revient à un système plus hybride où l'on peut réintégrer, dans certains cas, des pertes de récoltes pour les céréaliers ou les viticulteurs, ou, pour les éleveurs, des pertes d'animaux en raison de maladie, par exemple. Avec ces cas qui deviennent de moins en moins exceptionnels, on va pouvoir réintégrer la DEP et être exonéré à hauteur de 30 %. De mon point de vue, c'est l'une des nouveautés les plus intéressantes dans la fiscalité agricole cette année. »

Rehaussement du seuil micro-BA pour les Gaec :

« En 2024 déjà les seuils du micro-BA classiques (hors Gaec) avaient déjà été augmentés. La nouveauté, ici, c'est qu'on aligne les Gaec sur les formes d'entreprises individuelles, c'est une injustice qui a été résorbée. Pour deux associés, on peut avoir jusqu'à 240 000 euros de chiffre d'affaires et rester au micro-BA, pour trois associés c'est 360 000 euros et à partir de quatre associés, c'est 480 000 euros. »

Mesures fiscales sur les régimes d'exonération des plus-values professionnelles en cas de cession ou de départ en retraite :

« Pour les agriculteurs qui sont au bénéfice agricole, il y a l'exonération de plus-value qui ressort de l'art 151 septies du Code général des impôts. C'est une exonération de plus-value calculée en fonction du chiffre d'affaires de l'exploitation. Cette exonération, ainsi que quelques autres, voit leur seuil majoré lorsqu'on est dans la situation où un exploitant veut vendre sa ferme à un ou plusieurs jeunes agriculteurs. C'est une mesure destinée à atténuer le coût fiscal de la vente de l'exploitation. C'est évidemment intéressant pour les exploitants vendeurs, mais j'estime qu'en l'espèce, on ne prend pas le problème par le bon bout : l'agriculteur qui vend sa ferme a les liquidités, même s'il est soumis à un peu de fiscalité, il la paiera, en revanche, le jeune agriculteur n'est pas directement concerné par ce dispositif fiscal favorable au vendeur. Au bout du compte, on peut s'interroger sur le fait que ce dispositif favorise vraiment l'installation de personne surtout si elles ne viennent pas du milieu agricole. C'est une mesure évidemment positive pour les vendeurs, mais qui, sur le fond, ne résout pas le problème des transmissions d'exploitations. »