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Appellation d’origine protégée Époisses

Des élevages un peu plus sereins

Nicolas Maugey, éleveur laitier près de Pouilly-en-Auxois, évoque son adhésion à l’AOP Époisses.
Par Aurélien Genest
Des élevages un peu plus sereins
Le jeune Côte-d’orien trait en moyenne 55 Montbéliardes sur l’année.
La crise agricole est une réalité, mais peut-être un peu moins en AOP. En 2016, les éleveurs laitiers en Époisses ont bénéficié de prix plus rémunérateurs que la moyenne. Nicolas Maugey, dans le petit village de Blancey, relève un prix moyen de 38 centimes le litre de lait sur l’année. «L’AOP nous a permis d’être mieux rémunérés qu’en conventionnel. Nous sommes passés proches de la prime d’été, qui nous aurait peut-être permis d’atteindre 40 centimes. Ces plus-values sont vraiment les bienvenues, surtout quand une crise laitière est forte et continue dans le temps» reconnaît le jeune homme de 26 ans,  qui travaille avec ses parents.

Changements en 2013
Un concours de circonstances a permis au Gaec Maugey de rentrer dans l’AOP il y a un peu plus de trois ans : «dans une discussion avec d’autres éleveurs, nous avons appris que la filière Époisses recherchait de nouveaux producteurs. Nous nous sommes renseignés, il ne fallait pas changer grand chose dans notre système pour remplir le cahier des charges, c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous lancer. Nous avons saisi l’opportunité qui se présentait à nous et une chose est sûre, nous ne le regrettons pas aujourd’hui» indique Nicolas Maugey. Les adaptations du Gaec se résument en quelques points «mineurs», comme l’indique le jeune éleveur  : «nous avions trois Prim’Hostein qui ont été remplacées par des génisses Montbéliardes. En effet, seules les races Simmental Française, Montbéliarde et Brune peuvent rentrer dans le dispositif. Pour être aux normes au niveau de la traçabilité, nous avons dû ajuster le niveau de concentrés dans les rations. Cela s’est fait assez facilement. Pour le reste, nous étions dans les clous en ce qui concerne le pâturage et l’hygiène de traite».

Maîtrise des coûts de production
Cette entrée dans l’AOP Époisses a coïncidé avec l’installation de Nicolas Maugey, qui a permis à la ferme familiale de gagner en surface et en production laitière : «nous sommes passés de 45 à 55 Montbéliardes, pour un volume annuel de 450 000 litres. Avec mon installation, nous avons aussi transformé l’ancienne stabulation libre en logettes : cela a permis de diviser par deux le nombre de cellules. Nous avons gagné quelques places dans le bâtiment par la même occasion». Si les prix sont plus rémunérateurs en AOP, la maîtrise des coûts de production est restée bien ancrée dans l’esprit des associés du Gaec Maugey : «les charges, fort heureusement, représentent un domaine dans lequel nous avons encore un rôle moteur. Celles-ci attirent toujours notre attention et nous raisonnons constamment nos dépenses, notamment dans nos cultures qui ont de faibles potentiels dans notre secteur».

Un avenir en rose ?
Passionné par son métier, Nicolas Maugey voit de l’avenir dans la filière Époisses : «cette production peut assurément intéresser les jeunes. Avec l’AOP, nous avons davantage de lisibilité. Elle reste une petite filière mais mériterait d’être davantage connue et reconnue. Malgré ces avantages certains, le travail du producteur reste le même et la traite des vaches, c’est toujours matin et soir ! Alors il faut aimer le métier, tout en respectant le cahier des charges. Dans mon cas, une fois que mes parents partiront en retraite, je garderai bien sûr l’élevage laitier mais je devrai faire une croix sur la quarantaine de Charolaises qu’il nous reste sur l’exploitation. Pour l’évolution de notre système de traite, un 2x5 en épis, je reconnais ne pas y avoir encore pensé. L’avenir de l’exploitation passera peut-être par l’embauche d’un salarié».

Un rôle de protection

Le syndicat de défense de l’Époisses était réuni en assemblée générale le 15 mai à la fromagerie Gaugry à Brochon. L’AOP a «pleinement joué son rôle de protection» en 2016, comme l’a souligné le président Jean-Louis Lachot : «Le prix moyen du lait payé à nos producteurs arrive aux alentours de 399€/1000 litres pour l’année écoulée. Cela représente environ 100€/1000 litres supplémentaires par rapport au lait standard. C’est une grande satisfaction, même si nous restons alarmés quant à la situation de nos collègues qui peinent à dépasser les 300€/1000 litres. L’AOP a assuré, encore une fois, un effet amortisseur en temps de crise. L’AOP protège les acteurs de la filière mais aussi les consommateurs par rapport à l’origine des produits». Une telle différence de prix payé au producteur -variable selon les années- s’explique par un prix de base beaucoup plus élevé avec la prise en compte d’un cahier des charges rigoureux intégrant plusieurs critères de qualité. Lors de cette assemblée, Jean-Louis Lachot est également revenu sur une étude menée depuis 2010 sur les coûts de productions : «cette étude s’appuie sur 33 des 44 comptabilités de notre AOP. Notre schéma est bien calé avec le centre de gestion et prend en compte l’intégralité de nos charges et produits. Nous arrivons à calculer un prix de revient entre 390 et 400€/1000 litres, celui-ci inclut une rémunération de l’éleveur sur la base d’1,5 Smic et une rémunération du capital à hauteur de 2%». Cette réunion s’est ensuite penchée sur l’avenir des producteurs laitiers en AOP Époisses, aujourd’hui représentée par 44 producteurs et une production totale avoinant les 19 millions de litres : «Si l’approvisionnement de notre lait ne devait pas connaître de problème particulier à court terme, la donne pourrait sérieusement changer à l’horizon cinq ans, avec une pyramide des âges particulièrement vieillissante. La question de la transmission/installation va devenir très importante» commente Jean-Louis Lachot.