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Portrait

Des céréales aux bovins, il n’y a parfois qu’un pas

Céréalier à Egriselles-le-Bocage, Christian Deschamps a pris un tournant dans sa vie d’agriculteur en 2013, lorsqu’il a décidé de réintroduire de l’élevage de bovins sur son exploitation. Des bêtes qu’il engraisse lui-même avec des aliments entièrement produits sur ses terres.
Par Christopher Levé
Des céréales aux bovins, il n’y a parfois qu’un pas
Christian Deschamps, ici avec sa femme Nicole, a réintroduit l’élevage bovin sur son exploitation en 2013.
Entouré de sa femme Nicole et de son frère Daniel, Christian Deschamps prend le temps d’une visite de son exploitation, de raconter son histoire, entre les murs de sa ferme d’époque, au charme de l’ancien. Une ferme qu’il a reprise il y a maintenant 30 ans. «En 1990. C’était une ferme céréalière où il y avait une petite activité de génisse», confie-t-il.
À 55 ans, Christian Deschamps est un homme épanoui. Maire de sa commune où il est né, Egriselles-le-Bocage, vice-président de la communauté de commune du Gâtinais en Bourgogne, cet ingénieur agricole de formation (il a fait ses études à Beauvais, à l’équivalent d’UniLaSalle aujourd’hui), connaît un tournant professionnel en 2013.
Si, pendant 23 ans, Christian Deschamps se concentre sur son activité de céréalier, bien qu’il fasse également de la pension de chevaux, ce dernier décide de relancer l’activité d’élevage bovin sur son exploitation. «Dans une vieille stabulation qui existait déjà lorsque j’ai repris la ferme il y a trente ans», ajoute-t-il. «Je fais tout sur herbe paillée intégrale. Pour que ce soit plus simple et plus économique. Seules des barrières ont été installées».

Un troupeau parti de zéro
Aujourd’hui, Christian Deschamps possède 103 bêtes sur son exploitation. Que des Salers pures à l’exception de trois charolaises et de cinq croisées (Salers et Charolais). Cependant, l’agriculteur est parti de zéro pour créer le troupeau. « J’ai acheté sept génisses et cinq vaches avec des veaux la première année », lance-t-il. « J’ai eu la chance d’avoir un ami éleveur qui connaissait très bien le secteur qui m’a aidé à démarrer. Au départ, quand on ne connaît pas, acheter des bêtes n’est pas évident. Ça m’a beaucoup facilité les choses. C’est lui qui m’a trouvé les bêtes, qui m’a trouvé le taureau ».
Un ami qui l’a également aidé sur la partie technique. « Même si j’ai choisi une race qui vêle facilement, il peut toujours y avoir un vêlage qui est plus difficile que l’autre. Mon ami a été un véritable atout pour moi ».
Christian Deschamps se charge également d’engraisser lui-même ses animaux, « avec ce qui est produit sur l’exploitation. C’est-à-dire de la luzerne pour les protéines, du foin et du blé ainsi que de l’orge pour les concentrés », précise-t-il. «Avec ma pension de chevaux, j’étais déjà équipé pour la récolte du foin. Au début, j’ai commencé petit à petit. Puis, au fil du temps, j’ai développé les fenaisons. Pour moi, mais aussi pour vendre à d’autres éleveurs ».
Un procédé qui selon lui « est la preuve que l’on peut faire, sans aller acheter du soja au Brésil. On a de vrais atouts pour faire de l’élevage dans le secteur. On peut aller jusqu’à l’engraissement, contrairement à des régions très herbagères. Ici, on a les céréales, la paille, les surfaces et les produits pour l’engraissement. Il fallait juste introduire de la luzerne », développe Christian Deschamps. «On oublie que la luzerne est la plante qui produit le plus de protéines à l’hectare et qui est valorisée par les ruminants. Il y a une vraie question à se poser autour de la luzerne, surtout lorsque l’on voit toutes les conversions bios qu’il y a aux alentours. Aussi, c’est intéressant de faire de la luzerne chez soi car on a les aides PAC, pour la production de légumineuses fourragères».
Seule ombre au tableau que pointe l’agriculteur : le manque de vétérinaires. « On est dans une région où il n’y a plus de vétérinaires ruraux. Je suis obligé d’aller dans le Loiret, de faire 35 km pour en avoir un », assure-t-il.

Une affaire de famille
Christian Deschamps travaille depuis 2004 avec son frère Daniel. « Il y a deux exploitations qui travaillent totalement ensemble, avec le même matériel, mais qui sont d’origines diverses ». La première, l’Earl des Fourneaux, où se trouve l’activité élevage, qui fait 180 ha, que son frère a rejoint il y a deux ans. Et la seconde, uniquement céréalière, la Scea Deschamps, aux 117 ha. « Sur cette exploitation, je travaillais avec quelqu’un jusqu’en 2004. Puis, à son départ à la retraite, c’est mon frère qui a repris sa part pour s’associer avec moi ».
Pour rendre plus fonctionnel son activité d’élevage, Christian Deschamps a lancé la construction d’un nouveau bâtiment, en bois, pour ses animaux. « Maintenant que j’ai franchi le cap de créer le troupeau, je commence à être un peu limité en place. Les animaux sont dans des vieux bâtiments, dispatchés sur trois sites dans la commune. Alors j’essaie de créer quelque chose de plus rationnel ». Un bâtiment de 1 100 m2, construit par l’entreprise La Forêt d’Othe à Turny, avec un projet de photovoltaïque sur toit de 600 m2, qui devrait sortir de terre courant mars. « L’idée est que mes vaches soient dedans l’hiver prochain ».
L’autre objectif pour Christian Deschamps est de développer la vente directe. « Pour le moment, les bêtes sont abattues et découpés à Migennes par Sicarev Coop », indique-t-il.
Pour l’agriculteur d’Egriselles-le-Bocage, l’élevage dans le secteur est une aubaine. «Je pense que dans le nord de l’Yonne, on a l’avantage d’avoir un secteur qui se développe. On a une population qui augmente, des gens qui cherchent de nouveaux produits en circuit court. Avoir une activité d’élevage est un atout. D’autant plus que dans notre département, il y a tous les outils nécessaires à la transformation. L’élevage permet aussi de valoriser nos céréales qui ne sont pas vendues très cher et qui nous permettent de nourrir nos bêtes à faible coût », conclut Christian Deschamps.