Dépendance à l'export de bovins
Chaque année, la France expédie plusieurs centaines de milliers de bovins vivants vers ses voisins européens. La fermeture des frontières pour raison sanitaire met en évidence la forte dépendance des filières d’élevage vis-à-vis de l'exportation.
En 2024, selon l’Institut de l’élevage, 940 000 broutards de quatre à quinze mois et 356 000 veaux laitiers de moins de deux mois ont pris la route, principalement en direction de l’Espagne et de l’Italie, où ils sont engraissés jusqu’à l’abattage. À cela s’ajoute un autre pan : l’exportation d’animaux reproducteurs (génisses de races laitières, reproducteurs allaitants) et de génétique sous forme d’embryons et de semences, qui participe fortement au rayonnement de l’élevage français et à un retour de devises précieuses pour la balance commerciale. Le volume exact de ces exportations varie selon les races et les marchés, mais cela représente plusieurs milliers de femelles par an pour des races comme la Montbéliarde ou la Prim’Holstein.
Production de taurillons délaissée
Pour de nombreuses exploitations allaitantes, l’export constitue une source directe et immédiate de trésorerie, au même titre que la vente de veaux laitiers dans les élevages spécialisés. À l’inverse, la production de jeunes bovins sur le sol français s’est contractée. L’engraissement s’est en grande partie déplacé hors des frontières nationales. Depuis une vingtaine d’années, l’Espagne s’est imposée comme un acteur industriel majeur de l’engraissement. Avant la flambée des cours mondiaux liée à la guerre en Ukraine, le prix de l’aliment y était plus avantageux qu’en France, grâce aux importations massives de matières premières. L’Espagne ne se contente pas de finir les animaux pour son propre marché : elle les retransforme et les réexporte.
Flux tendu
Ce système à flux tendu fonctionne… tant que les frontières restent ouvertes, et que les acteurs économiques appliquent rigoureusement les règles de bio-sécurité. L’épizootie DNC vient en rappeler la fragilité. Les premières restrictions décidées mi-octobre sur les mouvements de bovins vivants font peser un risque de saturation des élevages français. En cas de suspension prolongée des exportations, les broutards et veaux promis au départ doivent être replacés en urgence sur le marché intérieur, avec à la clé une pression baissière rapide sur les cours, des coûts logistiques et sanitaires alourdis (passeports, examens vétérinaires, vide sanitaire), et une tension sur la trésorerie des éleveurs les plus dépendants à l’export. La DNC met en lumière une forte dépendance stratégique : malgré la décapitalisation récente d’une partie du cheptel bovin, la France reste un gros naisseur de veaux à l’échelle de l’UE, mais a externalisé l’engraissement et une partie de la valorisation de ces animaux. Cette spécialisation, économiquement rationnelle en temps normal, devient un risque majeur dès qu’un évènement sanitaire survient.