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Moissons

Déception pour le Tonnerrois

Une douzaine d’agriculteurs céréaliers du Tonnerrois étaient réunis jeudi 3 août pour faire le point sur la récolte 2017. Après les difficultés de 2016, les rendements sont meilleurs mais ne rassurent pas.
Par Hugo Albandea
Déception pour le Tonnerrois
Damien Brayotel, président de la FDSEA 89, est venu de Saint-Julien-Du-Sault pour écouter les agriculteurs du Tonnerrois.
La FDSEA de l’Yonne organisait jeudi 3 août une réunion avec les producteurs céréaliers du Tonnerrois. À la suite d’une année 2016 très difficile, l’objectif était de dresser un premier bilan pour 2017. Damien Brayotel, le président de la fédération, était présent, accompagné de Gilles Robillard, président du canton FDSEA de Ligny-le-Châtel, et de Marianne Ranque, animatrice. En début de réunion, le président donne le ton : «On voulait avoir un retour du terrain cette année encore. On sait que 2016 a laissé des traces que 2017 ne va pas forcément effacer.» La douzaine d’agriculteurs présents dans le hangar de la ferme de la forêt Bréault, chez Frank Ménard, ne lui donnent pas tort. Pour eux, la moisson n’est pas satisfaisante.
Si les rendements dans l’Yonne sont dans la moyenne nationale, ceux du Tonnerrois sont en-dessous. Ceci dit, ils restent corrects au regard de la moyenne de ce secteur, dont les sols sont difficiles à cultiver. Les colzas, habituellement peu productifs, sont plutôt une bonne surprise avec 30 q/ha en moyenne, malgré une hétérogénéité importante. Les blés et les orges de printemps ont donné autour de 60 q/ha et 50 q/ha respectivement, des chiffres inférieurs à la moyenne du département (70 q/ha pour les blés, 63 q/ha pour les orges et 36 q/ha pour les colzas). Les céréaliers du secteur ne masquent pas leur déception. Ils estiment que la zone des plateaux est particulièrement exposée aux risques. Damien Brayotel précise d’ailleurs que pour d’autres secteurs du département, les rendements de blé peuvent atteindre 80 à 100 q/ha. Les plateaux du Tonnerrois en sont loin. En cause : le gel d’avril, mais aussi le sec et les insectes.

Une qualité décevante
Au-delà des rendements, c’est surtout la qualité qui laisse à désirer. Les poids spécifiques sont en baisse, en particulier pour les blés, avec une perte de l’ordre de -14 PS. Le temps de chute de Hagberg n’est pas très bon non plus, ce qui laisse présager des ventes moyennes, d’autant plus que les prix sur le marché mondial des céréales restent peu élevés, car les stocks sont importants. Dans la région de Tonnerre, les exploitants disent manquer de 50 à 100 € à l’hectare pour pouvoir dégager des marges correctes. Les résultats de 2017 devraient juste permettre d’équilibrer leur budget annuel. Pas de quoi compenser les déficits des années passées. «On ne gagne pas avec le blé, ni avec l’orge, ni avec le colza. On va produire à perte sans arrêt. Il va falloir trouver quelque chose, on a besoin de dégager une marge», désespère un céréalier du secteur. En 2015 et 2016, ses comptes étaient dans le rouge. «Je n’ai plus de trésorerie. Avec les résultats de cette année, je ne boucherai pas les trous.»

Quelles perspectives ?
Les problèmes de sécheresse dissuadent les exploitants de semer du maïs ou du tournesol. Ils estiment en outre que les protéagineux seraient menacés par les insectes, très résistants sur leurs parcelles. Le choix des cultures est donc restreint. De plus, malgré les nombreuses contraintes météorologiques du secteur, impossible de compter sur l’assurance aléas climatiques, dont les seuils n’ont pas été franchis. «En plus, cette assurance ne prend pas en compte les problèmes de qualité», précise Damien Brayotel, qui entend bien le désarroi de l’assistance. «Les seuils des assurances ont beaucoup baissé ces dernières années, ils deviennent de plus en plus difficiles à déclencher, ajoute un agriculteur. De toute façon, les assurances sont plus chères pour les zones à risques comme la nôtre.»

Mieux rémunérer les agriculteurs
Les inquiétudes des céréaliers pour leur avenir s’accompagnent, pour plusieurs, de la revendication d’un meilleur prix. Les exploitants cherchent avant tout à vendre à un prix rémunérateur, car ils estiment que la valeur ajoutée leur échappe. À cela s’ajoute le problème d’insincérité budgétaire du gouvernement dont pâtiront les agriculteurs. Ce sujet, abordé par l’animatrice Marianne Ranque, aura bien un impact sur les trésoreries, puisque le ministère de l’agriculture a fait part de son intention de transférer 4,2 % des crédits du premier pilier de la PAC, celui des aides à l’hectare, au deuxième pilier, consacré aux aides ciblées. Une mesure qui affaiblit le montant perçu par le plus grand nombre, et en particulier par les agriculteurs du Tonnerrois.

«Voler les paysans pour donner aux paysans»

L’annonce du ministre de l’Agriculture Stéphane Travert passe mal. Dès 2018, 4,2 % des crédits du premier pilier de la PAC seront transférés au deuxième pilier… auquel il manque 853 millions d’euros. Cette somme, destinée à l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), n’avait simplement pas été budgétisée par le gouvernement. Pourtant, elle fait partie de ses engagements pour soutenir l’agriculture.  Le problème, c’est que pour combler ce trou dans le budget, le gouvernement a choisi de prendre dans les aides à l’hectare, le premier pilier de la PAC. Ces crédits, destinés à tous les agriculteurs, seront reversés aux aides ciblées. «C’est un vrai scandale», s’indigne Marianne Ranque, animatrice FDSEA 89, «on vole les paysans pour donner aux paysans». La baisse des crédits du premier pilier devrait en effet avoir un impact sur le plus grand nombre des agriculteurs.