Accès au contenu
Vendanges

Dans la joie et la bonne humeur !

Dans tout le vignoble de l’Auxerrois, la cueillette des raisins destinés à l’élaboration de crémants bat son plein. Reportage en immersion chez William et Nathalie Charriat, un couple de viticulteurs d’Irancy à la bonne humeur contagieuse.

Par Dominique Bernerd
Dans la joie et la bonne humeur !
Dernières consignes avant de commencer.

«Bon ! Combien vous êtes… ? Ben on va compter les oreilles et diviser par deux, c’est pas compliqué !» D’emblée, le ton est donné. Place à la bonne humeur, Willy est en piste, les cartes Vitale vérifiées pour l’enregistrement, les vendanges peuvent commencer ! Héritier d’une famille de vignerons dont le nom se conjugue depuis la nuit des temps avec l’histoire d’Irancy, William Charriat et son épouse Nathalie exploitent 18 ha de vignes sur les coteaux ceinturant le village, dont 2,8 ha destinés aux crémants. Une première pour ce tout nouvel adhérent aux Caves Bailly-Lapierre. Nous sommes pour l’heure, une petite vingtaine de cueilleurs, à attendre les ordres du «patron»: «chacun prend un seau et une vendangette et attention ! Elles valent cher celles là, vous les perdez pas… !» Il est 8 h en ce jeudi matin, le bal des vendanges 2014 vient de commencer. Pour certains, il durera trois semaines, pour d’autres une… matinée !

«Allez, on vide… !»

Jeunes retraités, étudiants, demandeurs d’emploi..., ils viennent de tous les horizons. Certains sont des habitués de la maison, pour d’autres, c’est une première et les dos au bout d’une heure commencent à souffrir ! «Allez on vide… !» A peine le temps de relever la tête que la noria des seaux remplis à ras bord de lourdes grappes entame la ronde au dessus des treilles pour être vidés dans les bacs qui les attendent sur la remorque. Une fois chargée, elle prendra la direction des caves Bailly-Lapierre, à quelques lieux d’ici, pour écrire une page du «grand livre» du crémant. Plus de trente ans que l’auteur de ces lignes n’avait pas touché à un sécateur, mais c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas! Le mal de reins lui non plus ne s’oublie pas… ! «Allez, on vide!» Chouette ! Quelques minutes de pause. Et cette foutue treille qui semble reculer au fur et à mesure qu’on descend…

Il est 9h30, l’heure salutaire du casse-croûte ! Les vendanges au Domaine Charriat se font à «l’ancienne», manuellement et avec toutes les attentions d’usage: «les vendangeurs, c’est pas du bétail ! Moi j’ai besoin de main d’œuvre et de bras pour rentrer ma vendange, mais ce sont des femmes et des hommes avant tout…» Et il faut croire que la maison est renommée car cette année encore, on a refusé du monde : plus de 60 appels téléphoniques pour une quarantaine de places. Un petit quart d’heure de pause, le temps de croquer un peu de saucisson, fromage ou chocolat et de repeindre son verre couleur passetoutgrain : «elles en ont vu ces timbales ! Elles datent de l’époque du grand-père. Mais pour certaines, faut faire vite à boire car elles fuient un peu… !»

 

«A table… !»

Bientôt midi. Déjà 72 bacs partis à Bailly et une deuxième remorque bientôt pleine. Willy est rassuré «c’est sur qu’au début, on ne sait jamais comment ça va se passer et on stresse un peu mais pour une première, ça se passe pas mal…» Les vendanges sont une affaire familiale chez les Charriat: son épouse Nathalie gère l’administratif et aide sa belle-mère aux fourneaux. Pas de tout repos de nourrir un troupeau de vendangeurs affamés ! Au menu ce midi : crudités, rôti de porc haricots verts, fromage et tarte maison. Et comme ici la civilité a tous ses droits, le patron «paie sa tournée» avant de passer à table. Couleur rosée cette fois-ci. L’heure pour Monsieur Charriat père de donner un petit coup de main, lui qui est privé de vendanges depuis deux ans : «je suis l’intermittent du spec-tacle… !» Une pause déjeuner où l’on évoque l’Irancy d’antan: «à l’époque, le grand père avait un poulailler, quelques vaches, une quinzaine d’hectares, des cochons, des cerisiers, à peine 3 ha de vignes… Et tout le monde dans le village était comme ça…» Willy se souvient d’une photo de Chablis de 1957, «où les Grands Crus étaient des près ! A l’époque, ils faisaient à peine plus de 500 hl à l’année… Guère plus que moi aujourd’hui».

Allez ! Une p’tite goutte de marc pour habiller le café et on repart… «Ah ben dis donc ! Ça r’met l’facteur sur le vélo ça… ! » Et pour éviter de se faire sermonner par Nathalie, Willy fera l’appel cette fois-ci. Le stress aidant, il avait oublié ce matin. A propos: c’est quoi un bon vendangeur ? «Un bénévole !» répond dans un éclat de rire Nathalie, avant que William n’intervienne: «c’est quelqu’un qui coupe vite, mais pas seulement. Qui respecte la vigne, qui aide son voisin, qui a une bonne mentalité et qui aime bien aussi boire un p’tit canon, qui est humain quoi… !» Et l’humain justement, il y a longtemps qu’on le récolte du côté d’Irancy et ce n’est pas près de s’arrêter…