Accès au contenu
Rencontre

Danaé, profession : moiss « battante »

Du haut de ses 19 ans, Danaé Honnet mène la moissonneuse d’une main de maître. Faisant fi des remarques d’un autre temps qui lui sont pourtant encore rétorquées, la jeune femme avale avec sa machine, quelque 400 hectares de récolte.

Par Émeline Durand. Revue Agricole de l'Aube
Danaé, profession : moiss « battante »
E. Durand
Derrière la New Holland la CX 6. 90 jaune, Danaé Honnet récolte deux hectares à l’heure. Pour l’exploitation familiale mais aussi pour le compte d’autres agriculteurs.

15 h 30, en bord de rivière sur le secteur de Crésantignes. La coupe de six mètres de large de la New Holland agrippe les brins dans une parcelle d’avoine. Le prénom placardé tout en haut de la vitre de la moissonneuse, en lettres noires, ne laisse aucune place au doute : Danaé Honnet est aux commandes. Sa silhouette est à peine visible depuis le chemin. C’est que son gabarit tranche avec les carrures masculines plus habituelles dans ce genre d’habitacle. Voyez-vous, un petit bout de femme d’1,64 mètre, ça détonne dans le paysage des conducteurs de moiss bat. Ça ne manque d’ailleurs pas d’alimenter conversations et commentaires, comme on dit « dans la plaine ».

Depuis ses 17 ans

Il faut dire que Danaé Honnet est jeune - très jeune : elle a 19 ans. Et elle est plutôt jolie. Derrière le volant, rapproché au maximum de son siège pour manipuler sa moiss’ bat avec plus d’aisance, la conductrice, cheveux tirés par une pince en forme de fleur de tiaré, affiche même un sourire réjoui. Et alors ? Alors rien. La jeune femme mène sa batteuse d’une main de fer. Concentrée sur la coupe, elle jette un œil aux écrans de la machine. Progresse dans le champ. Observe les bruits, suspecte une odeur, contrôle l’arrière de la machine pour anticiper un éventuel départ de feu… Comme le ferait n’importe quel autre conducteur.

C’est qu’elle n’en est pas à sa première moisson, Danaé. « Je conduis les moiss’ bat depuis mes 17 ans et demi, c’est ma troisième récolte à ce poste », confirme-t-elle. Avec elle, la CX 6.90 jaune récolte deux hectares à l’heure. Pour l’exploitation familiale mais aussi pour d’autres agriculteurs. Danaé Honnet fait de la prestation avec son père sur 800 hectares au total. Une entreprise qu’il a créée il y a plus de 20 ans. La seconde moissonneuse, il l’a achetée pour que Danaé la conduise. « Pas parce que je suis la fille de… , se défend la jeune agricultrice. Mais parce que c’est ce que j’ai toujours voulu faire ».

« Pour mes arrière-grands-parents »

Danaé vient d’obtenir son BTS Analyse, Conduite et Stratégie de l’Entreprise. Un cursus qu‘elle a suivi au lycée agricole de Saint-Pouange, dans l'Aube. Agricultrice, c’est le métier qu’elle a choisi d’embrasser. Pour quelles raisons ? « Pour mes arrière-grands-parents qui ont créé l’exploitation, parce que, petite, je piquais des colères quand je ne pouvais pas monter dans le tracteur, pour ce que procure la sensation de produire pour nourrir, à partir de la terre, pour le plaisir de voir la plante évoluer… »
Danaé Honnet égraine une à une ses motivations. Comme un devoir de se justifier. Parce qu’elle a dû en passer par là. Parce qu’en 2025, les clichés ont la dent dure. Oui, une femme derrière un volant de moissonneuse, ça doit encore rendre des comptes. « La première année, ça n’était pas bien perçu qu’une fille, de mon âge 
en plus, conduise la batteuse. Je me sentais observée, certains me voyaient comme incapable, sans expérience ». Des paroles parfois blessantes, que Danaé Honnet a vite balayées.
« Je me suis rendu compte que nos clients appréciaient mon travail. Je suis très soigneuse, je vais à mon rythme mais je garde toute ma concentration. Oui, il a fallu s’approprier la machine au début, mais mon père m’a fait confiance. Oui, parfois je manque de force, j’ai du mal à changer les pièces lourdes. Faire tourner le convoyeur à la main n’est pas simple ou fermer le capot, car je suis petite. Mais je me faufile pour nettoyer la moissonneuse, tacle l’agricultrice dans un regard malicieux. Ce n’est pas parce qu’on est une fille qu’on ne peut pas faire l’agriculture ».

E. Durand
Le prénom placardé tout en haut de la vitre ne laisse aucune place au doute : Danaé Honnet est aux commandes.