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Après-moissons

Comment franchir le cap ?

Le président de la FDSEA dresse un bilan alarmant des récoltes et décide de réunir un conseil de l’agriculture dès la fin du mois.
Par Propos recueillis par Aurélien Genest
Comment franchir le cap ?
Fabrice Faivre attend des mesures exceptionnelles, pour une année qui l’est tout autant.
- Quel est l’état des lieux des moissons dans le département ?
«Le constat est catastrophique pour la majorité des exploitants, c’est tout simplement du jamais vu. Les pluies pendant la floraison ont été dévastatrices. Elles ont été couplées à un important manque de luminosité. Les maladies ont elles aussi été nombreuses. Au final, seules quelques zones plus tardives arrivent à tirer leur épingle du jeu, mais cela ne représente que deux voire trois cantons sur l’ensemble du département. La moyenne Côte d’Or en blé sera très probablement inférieure à 50q/ha, c’est dire le niveau de cette campagne. C’est sans précédent. La récolte d’orges d’hiver est mauvaise à très moyenne et varie selon les secteurs. La moutarde accuse des baisses de rendements de l’ordre de 30%. Le colza semble la culture qui s’en sort le mieux à l’échelle du département, mais il est très mauvais sur la majorité du plateau et dans le Châtillonnais. La qualité de la récolte est également très médiocre : en blé, nous avons des PS très bas, en dessous de 70 voire même de 68. Cela va engendrer de nombreuses difficultés pour la commercialisation. Du blé va être classé en fourrager».

- Quelles sont les conséquences sur le plan économique ?
«Avec les prix très moyens que nous avons, la majorité des agriculteurs vont se retrouver dans des situations extrêmement difficiles, notamment en matière de trésorerie. Pour beaucoup d’exploitants, il manquera 500 euros à l’hectare en blé. En chiffres d’affaires, il va manquer 50 000€, 100 000€ voire plus dans certains cas. Beaucoup d’exploitations ne vont réaliser qu’une demi-année. C’est un véritable séisme. Le plus dur, c’est qu’il va falloir déjà penser à la prochaine campagne... Je ne m’attends pas à une remontée rapide des cours car la récolte mondiale est une nouvelle fois abondante. Ce qu’il va manquer en France, les Russes l’ont chez déjà eux... Le cap va être difficile à passer. Les agriculteurs assurés vont être compensés en partie de leurs pertes. Dans le meilleur des cas, ils toucheront la moitié de ce qui leur manque. Le plus dur à vivre est pour ceux qui ne sont pas assurés et qui cumulent les mauvaises années. Cette récole ne permettra pas de payer les approvisionnements et ils seront encore plus endettés. Ce sera très compliqué».

- Quelles sont les pistes pour s’en sortir ?
«Chaque exploitation est unique et nécessite une analyse spécifique. Les banques se sont engagées à contacter tous leurs clients, un par un, pour faire le point de leur situation. Des exploitations auront besoin de l’année blanche, de crédits courts termes, d’autres voudront réaménager leurs dettes. Nous voulons bénéficier du fonds d’allégements de charges d’intérêts et de l’exonération de l’impôt foncier sur le non bâti. Nos demandes ont été formulées par écrit. En terme de réglementation, nous demandons des allégements sur les Cipan car il n’est pas possible de dépenser 50€/ha dans une telle situation. Il faut que les repousses de céréales soient prises en compte cette année. Même type de demande pour le brûlage de la paille : les exploitants l’ont fauchée haute car elle était encore verte, nous voulons pouvoir la brûler, ce qui permettrait également de nettoyer les champs de toutes les mauvaises herbes qui se sont accumulées cette année. À année exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Je vais également réunir tous les acteurs de l’agriculture, à savoir les banques, les assurances, la MSA, les organismes stockeurs, le centre de gestion, la Chambre d’agriculture et bien entendu la FDSEA et le JA pour faire un point plus global, lors d’un conseil d’agriculture qui se tiendra à la fin du mois. Il va nous falloir un plan d’une ampleur jamais atteinte si l’on veut arriver à passer le cap. J’attends un signal fort de l’État. Ce qu’a annoncé Le Foll la semaine dernière pourrait aller dans le bon sens mais j’attends encore des précisions».

- Quels enseignements tirer de cette année ?
«Il peut tout nous arriver, voilà ce que je tire de 2016... A ce titre, j’en profite pour aborder notre système d’assurance récolte. Nous devons trouver une assurance qui réponde pleinement aux exigences de la profession. Pour cela, il faut que l’adhésion soit maximale. Si 90% des agriculteurs s’assuraient, nous aurions un système beaucoup plus performant. L’assurance récolte est aujourd’hui un fusil à un seul coup : elle marche bien quand il y a un seul aléa. Dès lors que les mauvaises années se succèdent, les références baissent et le système ne fonctionne plus. Nous devons aussi nous interroger sur notre modèle agricole. Nos concurrents céréaliers que sont les Russes, les Ukrainiens et les Roumains réalisent de bonnes années neuf fois sur dix et s’apprêtent à produire de plus en plus dans le futur. Face à cette concurrence, nous devons arriver à amortir nos charges de structure. Il va falloir s’organiser autrement : ce sera l’un de nos chantiers de cet automne et cet hiver. Cette réflexion est obligatoire pour notre métier de céréalier, même si les perspectives d’accroissement de la population laissent penser que le marché remontera ces prochaines années. Ce type de réflexion est à mener dans tous nos systèmes car toutes nos productions sont dans le rouge cette année. Personne n’est malheureusement épargné».