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Retrofit

Comment convertir un tracteur diesel à électrique ?

L’adaptation d’un groupe motopropulseur électrique sur un tracteur à moteur thermique présente des avantages environnementaux et économiques. Les sociétés Hydrokit et In Situ Experts hydrauliciens, appartenant à Vensys Group, ont mené, à titre expérimental, cette opération sur un John Deere 6330 actuellement en phase de tests.

Par Ulysse Dubroeucq
Comment convertir un tracteur diesel à électrique ?
S. Bourgeois
Le John Deere 6330 rétrofité est actuellement en phase de tests dans la ferme expérimentale de polyculture élevage de Derval (Loire-Atlantique).

Le rétrofit d’un véhicule thermique vers une motorisation électrique est assez courant dans l’automobile et plusieurs sociétés proposent d’ailleurs cette prestation. Dans l’agricole, ce type d’opération reste encore au stade expérimental. Pourtant, la conversion du diesel vers l’électrique permettrait de diminuer l'empreinte carbone du secteur. Cette solution, utilisant un tracteur existant, offre une alternative moins coûteuse que l'achat d'un modèle électrique neuf. Elle permet en plus de conserver les principales caractéristiques du tracteur d'origine.

Les fonctionnalités d’origine conservées

Un tracteur rétrofité en électrique peut délivrer un couple plus élevé à bas régime, ce qui permet d'effectuer les travaux avec moins de puissance et d'énergie. Avec ses sociétés Hydrokit et In Situ Experts hydrauliciens, Vensys Group s’est lancé dans la conversion d’un John Deere 6330 de 77 kW (105 ch), en partenariat avec EDF, la Chambre d'agriculture Pays de la Loire et le concessionnaire BPM Agri. Soutenu par France 2030, ce projet baptisé Tractofit’Elec comprend plusieurs étapes. En premier lieu, une étude a évalué les contraintes techniques : le tracteur rétrofit se doit d’être le plus possible similaire à la version diesel d’origine, afin de ne pas perturber les habitudes de l’agriculteur. Le poids total de l’engin ne doit pas présenter un écart de plus de 20 % entre la version électrique et thermique. Par ailleurs, aucune modification ne doit être effectuée sur le châssis du tracteur. De même, la transmission, le système hydraulique, la prise de force, les systèmes de sécurité (direction assistée et freinage), les performances de visibilité du conducteur, ainsi que les équipements en cabine doivent tous être repris.

De 57 à 115 ch avec le boost

La seconde étape a consisté à démonter le moteur diesel avec ses composants associés, tels que le système de refroidissement, l’échappement et le réservoir de carburant. Le moteur électrique n'entraînant pas d'auxiliaires mécaniques comme le ventilateur de refroidissement ou l'alternateur, sa conception se voit beaucoup plus compacte. Il reprend toutefois les points de fixation déjà existants, minimisant les modifications structurelles. Il développe une puissance continue de 42,5 kW (57,8 ch) avec un boost pouvant fournir jusqu’à 85 kW (115,6 ch). De plus, ce moteur est directement couplé à la transmission existante du tracteur. Parallèlement, il alimente une génératrice fournissant l’énergie nécessaire pour les auxiliaires hydrauliques déjà présents. Sa conception compacte laisse place sur le châssis à l’installation des batteries d’une capacité totale de 42,5 kWh et des autres composants électriques nécessaires au fonctionnement du tracteur rétrofité. Le poids total du modèle rétrofité est seulement supérieur de 200 kg vis-à-vis du tracteur diesel de référence. Le système de refroidissement, quant à lui, moins imposant que celui du moteur diesel, assure le maintien d’une faible différence entre la température optimale de fonctionnement et celle ambiante.

Un réseau électrique chiadé

Le processus de rétrofit implique l’ajout de composants électriques essentiels pour assurer la conversion, la distribution et la gestion de l'énergie du tracteur. Cela comprend l'intégration de l'onduleur AC/DC (conversion du courant continu fourni par les batteries en alternatif pour le moteur), du convertisseur DC/DC (baisse de la tension du courant continu pour l’alimentation des éclairages, de l’électronique de bord…), de l'unité de distribution d'énergie aux différents composants du tracteur, du chargeur de batterie via la prise de type T2 et du câblage haute tension pour les batteries, l’onduleur et le moteur.

Quatre saisons de tests

La dernière étape du processus de rétrofit repose sur une série de tests répartis sur quatre saisons pour vérifier la bonne conformité. Le tracteur électrique est évalué sur sa performance générale à haute et basse vitesses, sa consommation d'énergie, la robustesse de son système électrique (dans les milieux poussiéreux et boueux), le confort de l'utilisateur (bruit et vibrations) et sur l’impact de la recharge de la batterie sur le travail quotidien de l’agriculteur. Ces données pourront également définir une estimation de l’autonomie d’utilisation du tracteur selon les activités qu’il réalisera. Le John Deere 6330 rétrofité est en service, depuis septembre 2024, dans la ferme expérimentale de polyculture élevage de Derval (Loire-Atlantique), afin d’appliquer les tests fonctionnels de la dernière étape. Il réalise quotidiennement des ateliers d’alimentation du bétail, de paillage, de balayage et de nettoyage, ainsi que des travaux de traction ou des tâches nécessitant l’utilisation de la prise de force. Des certifications supplémentaires devraient être mises en place, augmentant la durée du projet de 4 à 6 mois. L’analyse des premiers résultats est attendue pour la fin de l’année 2025. Par ailleurs, la phase d’homologation du tracteur rétrofité ayant été entamée, à l’issue de ce processus, le concepteur du projet, Tractofit’Elec, sera capable de proposer une offre commerciale.

Les énergies alternatives peu développées sur les tracteurs standards

Les énergies alternatives peu développées sur les tracteurs standards
Steyr
Le Steyr Fctrac, basé sur le châssis du 4140 Expert CVT, est un concept équipé d'une pile à combustible à hydrogène et d'une batterie alimentant un moteur électrique.

La disponibilité sur le marché de tracteurs électriques standards reste encore limitée. Aujourd’hui, les modèles commercialisés en France restent plutôt destinés à un usage viticole ou arboricole, comme le Monarch MK-V ou le Rigitrac SKE. New Holland communique sur le T4 Electric Power et Case IH sur le Farmall 75C Electric. Ces deux modèles, qui partagent une plateforme commune, délivrent une puissance en continu de 74 ch et un couple de 320 Nm. Fendt commercialise le modèle e100 V Vario développant une puissance maximale de 66 kW (90 ch) avec une autonomie de 4 à 7 heures. Ce tracteur est pour le moment commercialisé en version étroite d’appellation. La start-up bretonne Seederal a lancé en 2022 l’élaboration d’un prototype électrique. Ce dernier, conçu sur une base d’un châssis JCB Fastrac, est annoncé pour une puissance de 160 ch et entre 8 et 12 heures d’autonomie.

Des prototypes hydrogènes

Parallèlement, les tracteurs standards hybrides à pile à combustible sont à ce jour en phase de développement ou de prototype. Le Steyr Fctrac, basé sur le châssis du 4140 Expert CVT, est un concept équipé d'une pile à combustible hydrogène de 100 kW et d'une batterie de 14 kWh de capacité alimentant un moteur de 90 kW (122 ch). Le Bavarois Fendt, à travers le projet H2Agrar, donne également naissance au tracteur hydrogène Helios. Ce dernier repose sur une base d’un Fendt 714 Vario Gen6 accueillant une pile à combustible de 100 kW et une batterie de 25 kWh alimentant un moteur électrique de 134 ch. Son autonomie est annoncée à 5 heures lors de chantiers de moyenne intensité.