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Soirée élevage de la FDSEA 58 à Châtillon-en-Bazois

Choix individuels et combat syndical pour une qualité valorisée

La soirée élevage de la FDSEA 58, qui s’est tenue traditionnellement à Châtillon-en-Bazois, jeudi 12 novembre, a donné la parole à Christian Bourge, conseiller économique de la Chambre d’agriculture et Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB).
Par Emmanuel Coulombeix
Choix individuels et combat  syndical pour une qualité valorisée
Jean-Pierre Fleury, l’éleveur côte-d’orien président de la FNB, s’en est pris aux pratiques «industrielles» du groupe Bigard et a exhorté ses collègues à résister.
Stéphane Aurousseau, le président de la FDSEA58, avait annoncé la couleur, en introduisant la soirée, devant plus de 170 éleveurs, à Châtillon en Bazois : «nous allons prendre de la hauteur..., de la hauteur par rapport au monde de l’élevage, avec Christian Bourge, de la Chambre d’agriculture, qui réfléchit à la cohérence de nos systèmes en faisant le tour des fermes, pas en lisant des livres, et qui met en évidence les différences entre les différents modes d’élevage ; de la hauteur de vue nationale, avec Jean-Pierre Fleury, le président de la FNB, qui exposera une vision nationale du marché du broutard et des éclairages sur ce qui passe en Italie alors que nous connaissons chaque semaine de nouvelles déceptions ; et enfin de la hauteur en montant ensemble à Château-Chinon où certains de nos adhérents ont aujourd’hui déchargé des broutards devant la sous-préfecture et où nous iront dialoguer avec le représentant de l’État».

De fait, la soirée élevage du 12 novembre, devenue le rendez-vous incontournable des professionnels adhérents ou non de la FDSEA 58, a fait le plein: plus de 170 éleveurs sont venus s’imprégner des réflexions des responsables de l’élevage avec une stratégie de communication inédite : «face à la crise, mon système d’exploitation, mes marges de manoeuvre» était le thème choisi des débats, laissant la place à des interprétations individuelles autour des chiffres et des leviers que chacun, dans le contexte troublé, peut s’approprier pour s’adapter. Avec une nécessaire remise en cause, au-delà des «points de détresse» -qu’ils ne maîtrisent pas- qu’ont essuyé les éleveurs depuis plusieurs années...

Remise en question individuelle
De la façon la plus sobre, la plus argumentée et détaillée par des statistiques départementales, la plus mûrie aussi, Christian Bourge s’est essayé à dévoiler la situation de l’économie globale de l’exploitation dans la Nièvre. Il a balayé, diaporama à l’appui, les trois forces en mouvement : l’efficacité du système de production, l’efficacité du travail ou la productivité et l’efficacité de la levée de capitaux, la part la plus angoissante. Sans rentrer dans les détails chiffrés, nombreux et précis, les éleveurs ont écouté avec beaucoup d’attention les éléments fournis par le conseiller de la Chambre d’agriculture.

Si le gain de kilos ou de quintaux constitue bien la meilleure marque de l’efficacité du système, la façon d’y arriver est diverse dans le département et la productivité n’est pas extensible. La ligne de fracture se situe «autour de 85 vêlages», à partir de laquelle les fonctions d’administration, d’information, de formation, de relations peuvent être vite négligées au profit de la production. Ce qui ne constitue pas une solution idéale pour les éleveurs à qui l’on demande tant et qui doivent pouvoir souffler pour avancer. Des solutions sont parfois adoptées pour accroître la productivité, plus coûteuses en capitaux, ce qui leur fait parfois mettre le doigt dans un engrenage dangereux : augmenter la productivité par plus d’investissements dans un contexte économique déprimé et peu lisible à terme qui fragilise leur capacité d’arbitrer. Christian Bourge a évoqué, parmi tous les chiffres dévoilés, un pourcentage qu’il présente comme de «confort», celui de l’EBE sur le produit, qui devrait atteindre au moins les 35%, en jouant sur les différents leviers techniques et économiques de l’exploitation, pour assurer un peu de sécurité économique. Le conseiller a indiqué que «l’économie d’une ferme, c’est l’aboutissement de son fonctionnement». Pour des vaches mises à l’herbe, les leviers reposent sur les structures de la reproduction, le fonctionnement du troupeau sur 12 mois, la qualité du cheptel, le prix de vente et la préparation à la vente... Pas seulement sur le prix de vente qui ne doit pas faire oublier la responsabilité des arbitrages individuels... Et l’importance des choix technico-économiques, notamment pour les plus jeunes, en début de carrière...

Le prix du minerai industrialisé
Si les options technico-économiques ne sont pas anodines, une ferme doit pouvoir vendre sa production à un prix suffisant pour couvrir -à tout le moins- ses coûts de production et permettre aux éleveurs d’en vivre... Jean-Pierre Fleury, saluant à plusieurs reprises le travail de Christian Bourge, n’en a pas moins, en tant que représentant de la base, voulu insister sur ce paramètre vital, qui monopolise une grande partie de son action syndicale. «La FNB est là pour dire ce que vous pensez» a-t-il lancé au cours des trois quarts d’heure de son intervention ciselée et vigoureuse. Ciselée lorsqu’il rappelle que «depuis 20 ans, les prix à la consommation ont augmenté de 62% alors que ceux à la production n’ont augmenté que de 18%. On culpabilise les éleveurs en leur expliquant que les consommateurs n’achèteraient plus si les prix augmentaient. C’est faux ! Une hausse de 50 centimes payés aux producteurs, cela aurait un impact de 1,70 euros par mois sur le ticket du consommateur. Une tasse de café !». Vigoureuse aussi quand Jean-Pierre Fleury évoque la répartition des marges dans la filière, «sujet n°1 depuis le 17 juin», et les stratégies marketing des transformateurs qui se contentent de logiques industrielles : «Pour montrer que vous ne faites pas du minerai, n’empilez plus de vaches en plus ! C’est l’inverse que l’on veut : passer du plus et du moins bien à du moins et du mieux» ! Le président de la FNB a remis en cause fermement la stratégie qui consiste à priver le charolais de segmentation du marché, autour de productions de qualité valorisées par les éleveurs, monopolisées par des enseignes comme Bigard qui veulent créer leur propre segmentations dans la distribution, en confisquant la relation entre les producteurs et les consommateurs... Jean-Pierre Fleury s’est enfin montré intraitable : «Bigard veut du muscle. Il y a un écart de 50 centimes avec la Limousine. C’est inadmissible ! A qualité égale, au nom de quoi ? Nous ne pouvons pas laisser faire ça» !