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Concours de taille de vigne

«Champion du monde !»

Dominique Wignanitz vit à Tracy-sur-Loire dans la Nièvre et occupe les fonctions de chef de culture du Domaine Lucien Crochet, qui produit des Sancerre de toutes les couleurs à Bué (18). Il y a trois semaines, à Albi, il s'est classé premier d'un concours international de taille de vigne, réunissant 184 participants du monde entier, lors des Rencontres internationales des salariés agricoles, organisées par les Asavpa.
Par Emmanuel Coulombeix
«Champion du monde !»
Dominique Wignanitz a remporté avec brio le sécateur d'or 2011, lors des Rencontres internationales des salariés agricoles (RISA) d'Albi-Gaillac, les 5 et 6 mars dernier. Pour la photo, il a accepté de poser avec son précieux instrument sur un pied du Dom
De retour sur l'exploitation de Bué, Dominique Wignanitz analyse sobrement et dans un discours empli d'humilité sa performance du début du mois. [I]«D'autres que moi auraient pu gagner. Dès le lundi, j'étais dans les vignes avec mes gars»[i]. Ce quinquagénaire n'est pas homme à fanfaronner. Tout juste reconnaît-il qu'il n'a pas pu s'empêcher de pleurer lorsque la récompense albigeoise -un sécateur d'or- lui a été remise des mains du jury. Les émotions l'ont submergé. Pour Dominique, comme pour Franck, l'un de ses frères qui s'est classé 3ème de la compétition, cette victoire sonne comme une consécration, [I]«un aboutissement»[i], après de multiples participations à ce concours qui a lieu une fois tous les quatre ans. [I]«Ce sécateur d'or, c'est une partie de ma vie, de ma carrière, après des débuts qui ont été difficiles»[i] analyse simplement l'heureux lauréat qui, sans trop s'épancher, ne gâte pas sa joie.

[INTER]Père décédé à 16 ans[inter]
C'est sans doute aussi une certaine revanche sur la vie pour celui qui a perdu son père à l'âge de 16 ans. Avec quatre autres frères et quatre sœurs, Dominique a été obligé de rentrer très tôt dans la vie active. Et c'est si précocement que le métier de tailleur de vigne s'est imposé à lui. [I]«Mon père avait eu le temps de m'apprendre les premières bases de la taille avant de disparaître»[i] explique Dominique qui dès 1977, donc, a pris le chemin de l'exploitation de Denis Gaudry à Tracy-sur-Loire, dans la Nièvre : [I]«là, c'est Didier Daguenenau qui m'€™a donné le goût du travail»[i] se souvient-il. Jusqu'en 1993, Dominique apprendra et peaufinera son savoir-faire de ce côté-ci, nivernais, de la Loire. C'est à cette date que Lucien Crochet, à Bué, à quelques kilomètres à peine de Sancerre, le remarque et lui demande de devenir son chef de cultures. Aujourd'hui, Dominique Wignanitz y est toujours responsable d'une équipe de dix personnes, dix tailleurs de vigne à qui il transmet à son tour son goût du travail bien fait.

[INTER]Les mêmes valeurs[inter]
La vigne et le vin est une affaire de famille chez les Wignanitz. Père de deux enfants, Dominique est marié à une épouse d'origine hollandaise qui est aussi responsable export du Domaine Lucien Crochet. Et Franck, son frère arrivé 3ème, travaille chez André Dezat à Sancerre. Aussi Dominique croit-il nécessaire d'invoquer [I]«un certain nombre de mêmes valeurs»[i] lorsqu'on lui demande ce que doit être un bon tailleur de vigne : [I]«le goût du travail bien fait -je me sens comme chez moi sur le domaine-, la précision, le respect de ses collègues. Une vigne bien taillée, c'est comme un labour, comme une préparation du sol avant de semer du blé. La vigne vous le rend après»[i] témoigne-t-il. Aucun doute que ce métier, dans l'esprit de Dominique, prend toutes ses lettres de noblesse viticole, la taille étant, à défaut de la seule (il y a aussi [I]«le climat, la vinification et le beau raisin»[i]), une étape indispensable à l'élaboration d'un bon vin. [I]«C'est un travail fastidieux qui n'est pas toujours reconnu à sa juste valeur»[i] déplore le professionnel qui dit ne plus faire trop attention au jugement des autres sur son métier.

[INTER]209 points sur 210 en épreuve pratique[inter]
Sans compter qu'il sait pouvoir compter sur la confiance de son patron, le fils de Lucien Crochet qui a repris le domaine. «Même si ce n'est pas mon métier, j'ai des connaissances en vinification, j'appartiens à une véritable entreprise qui m'implique dans l'aventure du vin» souligne Dominique Wignanitz. Le chef de culture n'est pas qu'un salarié, c'est un vrai maillon de responsabilité dans l'entreprise. Dès l'entrée dans la cave, cette complicité se remarque au premier coup d'œil. Les Crochet ne tarissent pas d'éloge sur leur recrue et n'oublient pas de le féliciter longuement devant les journalistes qui se pressent après l'événement. Toute cette expérience accumulée a sans doute facilité son accession au sommet de la taille de vigne mondiale. Si Dominique n'a remporté «que» 69 points sur 75 en épreuve théorique (15 questions sur la viticulture et l'œnologie et 15 questions sur la santé et la sécurité au travail), il a fait le carton plein en pratique: 209 points sur 210. [I]«En une demi-heure, nous avions à tailler 20 souches en taille guyot simple sur deux bars à réaliser»[i]. La taille guyot simple est très proche de celle que réalisent les vignerons ligériens au quotidien, ce qui a peut-être avantagé la délégation de Nivernais qui a participé au concours. L'Asavpa de la Nièvre avait rempli un bus de participants aux Rencontres internationales d'Albi, même si tous n'ont pas concouru. [I]«Trente minutes, c'est très court et on veut bien figurer. Il faut se dépêcher, ce qui ajoute de la pression au stress»[i] rappelle Dominique. La notation se faisait sur la charge (nombre de bourgeons), la formation de la souche (courçon et rappel) et la propreté. A ce jeu-là, le Nivernais de Bué a été le meilleur. Le jury de tailleurs salariés et de techniciens viticoles en a fait, pour quatre ans, une sorte de champion du monde.