Accès au contenu
Lutter contre le gel

Ces viticulteurs qui se lèvent la nuit

Lors des quinze derniers jours, les viticulteurs du département se sont levés la nuit pour allumer leurs dispositifs de protection contre le gel et tenter de préserver les bourgeons des dégâts. S’ils sont importants cette année à cause des températures négatives, certains systèmes, comme l’aspersion ou les fils chauffants ont limité la casse. Mais comment cela fonctionne-t-il ? Explication.
Par Christopher Levé
Ces viticulteurs qui se lèvent la nuit
L’aspersion est le système de protection qui a obtenu les meilleurs résultats cette année.
Nous avons tous vu ces images des vignes, de nuit, illuminées par les bougies, ou au matin, recouvertes d’une pellicule de glace, résultat de l’aspersion. Si la vision est spectaculaire, voire magnifique pour certains, elle résume le travail ardu effectué par les viticulteurs, chaque nuit en période de fortes gelées, pour tenter de préserver au mieux, les bourgeons.
Si les dégâts sont extrêmes cette année (lire par ailleurs et édition numéro 1625), plusieurs systèmes de protection existent et sont mis en place par les vignerons dans la lutte contre le gel. À commencer par les bougies et les cheminées (aussi appelées brenntags). À Chichée, Quentin Maurice, cogérant du domaine du Maupa, les utilise. « Lors des nuits de gel, nous avons une alarme qui se déclenche à 0,5 °C. Nous nous rendons alors dans les vignes pour vérifier la température. Si elle continue de descendre, nous décidons d’allumer les bougies et les cheminées. Puis nous surveillons toute la nuit », indique-t-il.
Cependant, les nuits sont très longues. « La première nuit (le 5 avril), nous avons allumé de minuit et demi à 9 heures du matin. La deuxième, dès 23 heures jusqu’au lendemain. Ensuite, le matin il faut faire le changement de bougies pour préparer la nuit suivante ».
Pour autant, l’utilisation des bougies et cheminées a montré ses limites cette année avec des températures descendant à -7 voire -8 °C.

L’aspersion a fait ses preuves
À Maligny, Pierrick Laroche, du domaine des Hâtes, utilise un autre système de protection, celui de l’aspersion. « Le principe est simple : il faut allumer au moment où la température est proche de 0 °C. À partir du moment où la température passe en négatif, l’eau aspergée sur les vignes va geler. En gelant, elle libère des calories à l’intérieur de la coque de glace, ce qui réchauffe l’intérieur des bourgeons et évite qu’ils gèlent », explique-t-il.
Il est important d’asperger continuellement de l’eau jusqu’à la fonte de la glace formée durant la nuit. « Si nous arrêtons d’arroser, il n’y a plus de libération de calories. Et la glace fait geler le bourgeon ». Ce système est aujourd’hui jugé le plus efficace de tous par les vignerons. Pour le domaine des Hâtes, les dégâts sur les bourgeons ont été « limités » entre 10 et 15 % il y a deux semaines, là où beaucoup approchaient les 100 % de dégâts. Il est néanmoins nécessaire d’avoir une source d’approvisionnement en eau à proximité. Ce système arrose l’équivalent de 5 mm d’eau à l’heure, pendant 10 à 15 heures de suite.

Les câbles chauffants, l’autre réussite
Toujours à Maligny, Jean-François Bordet, du domaine Séguinot-Bordet, utilise, quant à lui, encore un autre système : le câble chauffant. Déroulé sur le fil à baisser, où est attachée la baguette composée des bourgeons, le câble chauffe à une température allant de 12 à 16 °C. « Il permet d’assécher l’humidité autour de la baguette. Et surtout de permettre la circulation de sève », détaille Jean-François Bordet. « Le phénomène de gel, c’est l’arrêt de la circulation de sève. C’est ce qui dessèche le bourgeon ».
Alors, quand doit-on mettre en fonctionnement les câbles ? « Plus la vigne est poussée, plus il faut les allumer tôt. Nous allumons généralement à 2 °C », répond-il « Il faut allumer lorsque la température est positive pour que les câbles aient le temps de chauffer et surtout que la sève n’ait pas eu le temps de trop redescendre ».
Là aussi, les résultats sont là. « Nous sommes à 85 % d’efficacité cette année. Certains arrivent même à 90 voire 95 % d’efficacité. Les années précédentes (il utilise ce système depuis quatre ans), j’étais à quasiment 100 % d’efficacité ».
Un moyen de lutte contre le gel qui a permis à certains viticulteurs de limiter la casse. Même si la très grande majorité des vignerons n’ont pu, malheureusement, que constater les dégâts extrêmement importants cette année.

Le point sur les dégâts

Quinze jours après les premières gelées, Guillaume Morvan, conseiller en viticulture à la Chambre d’agriculture de l’Yonne, dresse un nouveau constat des dégâts (celui-ci est amené à évoluer, certains résultats n’étant encore pas apparus). « Sur les plateaux, j’estime les dégâts entre 60 et 100 %. Sur les coteaux, notamment sur les pinots, cela va de 20 à 80 % de dégâts sur les bourgeons. C’est très variable. L’Auxerrois s’en est un peu mieux sorti que le Chablisien », affirme-t-il. « Le pinot, qui était un peu plus tardif, a globalement été un peu moins touché par le gel, même s’il y a de grandes disparités. Cela va de 2 ou 4 % de dégâts sur les bourgeons à 80 % ».
Comment expliquer ces variabilités ? « Il y a des parcelles qui ont été taillées plus ou moins tard. Cela y fait beaucoup. Celles taillées plus tard ont mieux résisté au gel car elles n’étaient pas encore au stade de très grande sensibilité. Aussi, le nord Chablisien a été dans l’ensemble moins impacté, sans forcément avoir d’explication. Sur Lignorelles et Villy, on trouve des parcelles touchées seulement à 15 ou 20 % », conclut Guillaume Morvan.