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Assemblée générale de Feder

Bien-être animal, bien-être de l’éleveur: même combat

L’Union de Coopératives Feder a tenu son assemblée générale à Beaune. Au menu des réflexions : le bien-être animal et les conditions d’une meilleure valorisation de la viande issue du troupeau allaitant. Sans langue de bois et chiffres à l’appui, Christiane Lambert présidente de la FNSEA et Olivier Mevel, consultant, ont ouvert de nouvelles voies aux éleveurs qui veulent reprendre l’initiative dans les combats sociétaux et économiques en cours.
Par Anne-Marie Klein
Bien-être animal, bien-être de l’éleveur: même combat
Comment valoriser économiquement une exigence éthique portée par le consommateur et mise en oeuvre au quotidien dans les élevages ? Le débat est resté ouvert, mais les résultats d’une étude consommateur sont plutôt encourageants.
«Trajectoire positive, investissements raisonnés, alliances intelligentes» c’est la recette déclinée par Michel Millot, directeur général de Feder dans sa présentation du bilan de l’activité de l’Union de coopératives. Le «modeste» mais bien réel résultat positif de 2016 représente un tour de force vue la conjoncture et les difficultés de mises en marché, à l’export notamment, que le directeur général ne s’est pas privé de dénoncer ; l’administration française en charge du sanitaire semblant jouer constamment contre son camp entre pression sanitaire et exigence économique... Solde pour l’Union de coopératives, une ponction fiscale supplémentaire de 80 000 euros, qui ampute d’autant le résultat et la compétitivité de la structure.
La compétitivité c’est pourtant «une nécessité» à tous les niveaux de la chaîne de production. Côté Feder elle se traduit par une hausse globale de toutes les activités : +4% en bovins viande, +5% en bovins maigres, une production de JB en augmentation,  +1,5% en ovins, dont 80% en agneaux gras. Le moteur de la compétitivité et du résultat, c’est «le choix de la valorisation optimale» ce qui suppose un accompagnement de la production par Feder et le développement des signes de qualité (15 643 bovins produits sous signe de qualité). Feder a redistribué à ses adhérents éleveurs une plus value qualité de 550 673 euros. Parmi les best off aussi, le contrat de confiance et le coeur de gamme qui commence à produire ses fruits pour les éleveurs.
L’activité bovins s’exerce au deux tiers sur les broutards avec un marché italien qui reste prédominant (84%). Viennent ensuite l’Algérie, le Liban, la Grèce ; la Lituanie. Marché en fort développement, le bio nécessite d’investir en renforçant les moyens humains et techniques.

Retrouver du «bonheur dans le pré»
Dans son rapport moral, Yves Largy, président de Feder, constate la difficulté croissante pour les éleveurs «à trouver le bonheur dans le pré», du fait d’une conjoncture défavorable. Les problèmes sont bien réels, mais c’est aux agriculteurs de reprendre leur destin en main : «positiver, innover, proposer des alternatives, réinventer l’agriculture et l’élevage de demain, et demain c’est aujourdhui !» La réalité d’aujourd’hui, c’est la nécessite permanente de correspondre aux attentes du marché et de s’adapter en conséquence, à tous les niveaux de la chaîne. Sur le terrain de l’amont à l’aval cela suppose «des flux poussés plutôt que tirés» et un accompagnement adapté aux contraintes de la commercialisation. Les marchés à l’export sont diversifiés, il faut être capable de répondre à toutes les demandes et donc de produire en conséquence. Sur le marché français aussi les segments de consommation évoluent, portés par un consommateur tiraillé entre sa défiance face à la transformation industrielle et sa confiance réaffirmée à la production locale et à l’éleveur.
La réponse de Feder s’organise entre renforcement de l’accompagnement technique et relookage des boucheries de l’Union sous le signe Coop Amour. Au-delà de l’identité visuelle il s’agit bien de marier éthique et proximité, entre l’éleveur et le consommateur, au travers du vecteur «boucher» professionnel. L’autre tendance qu’il ne faut pas négliger, ce sont les attentes (et les doutes) qui s’expriment en matière de bien-être animal. C’était le fil conducteur de cette assemblée générale, car c’est aussi une tendance sociétale forte, comme l’identifie Olivier Mevel, consultant intervenant sur le sujet.

Côté image, l’élevage allaitant «a tout pour bien faire»
Confort, sécurité, pratiques adaptées, opérations de communication, souci de la transparence... Bien faire ne suffit pas, encore faut-il maîtriser les techniques pour le faire savoir.  C’était l’objet d’une première table ronde et du propos d’Olivier Mevel appelé à décrypter les conditions d’une meilleure valorisation de la viande bovine issue du troupeau allaitant. On en parle, mais les choses avancent peu, car les blocages restent solides , «la marge ne se partage pas», cela aussi c’est une tendance lourde dans la grande distribution et chez les industriels. En revanche la filière élevage a tout à gagner à s’appuyer sur le consommateur, en mal de confiance et de réassurance sur ses achats.
Le boucher et l’éleveur restent des éléments clés de cette confiance qui soutient l’acte d’achat, l’éleveur étant le maillon essentiel et le pivot de la relation client.
En dépit des pressions des lobbies anti-viande, la viande conserve l’image positive d’un aliment qui allie santé et plaisir. Les facteurs de qualité identifiés par les consommateurs (essentiellement des consommatrices) c’est le «local», la proximité, mais une «proximité» plus relationnelle que géographique et le prescripteur, le media privilégié c’est l’éleveur. Les GMS l’ont bien compris qui utilisent à leur avantage cette image. A la profession d’investir ce territoire de communication et de ne pas se laisser déposséder conseille le consultant.
Les éleveurs français ont tout pour faire, car pour le consommateur français, le bien-être animal est indissociable d’un élevage en plein air, avec une nourriture adaptée à base d’herbe, des pratiques «bienveillantes»... le tout sans souffrance, du début à la fin de la vie.  Pour les consommateurs ces valeurs éthiques sont porteuses de sens et le bien fondé de leur valeur ajoutée économique est admise. Ces valeurs intrinsèques à l’élevage allaitant notamment, ont été gommées par «l’anonymat des viandes instaurées par la grande distributions et les industriels du secteur». Tout se paye et le différentiel de prix jugé comme acceptable par le consommateur en regard de ces conditions importantes
à ses yeux, se situe entre 1€ et 1,5 €. Le bien-être animal est donc une composante essentielle d’une communication basée sur une éthique partagée, il concoure par voie de conséquence au bien-être de l’éleveur et pas seulement sur le plan économique.

Un «avant» et un «après» Findus
Invitée également à s’exprimer sur ce thème, Christiane Lambert confirme que les consommateurs sont en attente de sens et de qualité, il y a eu indéniablement «un avant et un après Findus». «Tout ce qui peut ajouter des valeurs non commerciales au produit est essentiel pour le consommateur». Celle qui se qualifie comme «une optimiste de combat» encourage à produire des messages positifs «car une équipe qui gagne conserve son public, celle qui perd le perd aussi».
Après la projection d’un film sur le bien-être animal «Même pas mal», il est évident que l’éleveur «possède le savoir de la relation quotidienne à l’animal» un savoir qu’il doit apprendre à transmettre, à relayer sur les réseaux sociaux notamment, pour contrebalancer la surexposition des lobbies «intégristes anti-viande» dont l’audience ne cesse de croître. Pour Christiane Lambert, comme pour Didier Giraud, éleveur de Saône et Loire («grande gueule» patentée de l’émission du même nom), pas de doute, c’est «un énorme sujet qui va durer». L’éleveur insiste sur la nécessité pour les éleveurs de gagner cette «bagarre de communication» en étant tout aussi présent sur les réseaux sociaux.
Reste, insiste la présidente de la FNSEA que «les vrais experts de la relation animale, ce sont bien les éleveurs» ; ce qui contraint à une grande exigence en terme de pratiques, pour ne pas prêter le flanc aux critiques. «Il faut être nickel» car on ne peut pas «défendre l’indéfendable». Face au tsunami provoqué par les révélations fracassantes de L 214, «il faut ré-écrire les cahiers des charges, dire et écrire ce que l’on fait, envisager le possible et le réalisable». Quand il passe à la caisse, qu’on le veuille ou non, «le client a toujours raison» soutient Christiane Lambert, «mais c’est l’éleveur qui doit tenir le crayon et se réapproprier le discours de la réalité. Le regard de la société a évolué, nous devons accepter ce fait et évoluer aussi».