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Vins

Beaujolais nouveau : et si on tordait le cou aux clichés ?

« Il sent la banane », « il ne se garde pas », « c’est du vin de comptoir » ! Vin festif par excellence, le beaujolais nouveau traîne une collection d’idées reçues tenaces. Pourtant, derrière les caricatures se cachent des cuvées fruitées, vivantes et résolument modernes.

Par Rémi Morvan
Beaujolais nouveau : et si on tordait le cou aux clichés ?
Mâchons matinaux, apéros d’entreprise, soirées chez les cavistes… À l'arrivée du beaujolais nouveau, la convivialité est toujours au rendez-vous.

Chaque troisième jeudi de novembre, c’est le même rituel : des bouteilles de beaujolais nouveau débouchées partout en France, des verres levés, et des sourires partagés. Un succès qui dépasse les frontières, puisque plus de 5 millions de bouteilles sont exportées chaque année dans une centaine de pays. Et pourtant, ce moment festif reste fondamentalement ancré dans le terroir beaujolais.

Né des appellations régionales beaujolais et beaujolais villages, ce vin primeur n’est pas une invention marketing des années 2000. Il trouve ses racines dans la Saint-Martin, fête traditionnelle de la fin des vendanges en Europe, avant d’être codifiée en 1985 par un décret fixant sa sortie au troisième jeudi de novembre. Depuis, il marque la fin d’un cycle : celui d’une année de travail dans les vignes, annonçant symboliquement l’entrée dans l’hiver avec un verre de vin à la main.

Derrière cet engouement, on trouve des femmes et des hommes passionnés : près de 700 vignerons qui élaborent chaque année des cuvées aux personnalités variées. Car non, le beaujolais nouveau n’est pas un vin unique. Il est la somme de sensibilités, de terroirs – plus de 300 types de sols recensés ! – et d’envies créatives. La preuve : les étiquettes, souvent audacieuses, colorées, parfois décalées, sont devenues une marque de fabrique à part entière.

Vin simple ? Non. Vin sincère, oui !

On lui a longtemps collé l’étiquette de « vin qui sent la banane », comme si toute la région avait décidé de produire la même cuvée. Issue d’un usage ponctuel de levures exogènes dans les années quatre-vingt, cette critique est aujourd’hui largement dépassée. Le beaujolais nouveau a changé, et ses ambassadeurs aussi.

Élaboré à partir du cépage gamay noir à jus blanc, vinifié selon une méthode dite « beaujolaise » (macération semi-carbonique), il séduit par son fruité éclatant, ses arômes croquants de petits fruits rouges, sa fraîcheur et sa buvabilité immédiate. Pas besoin d’être œnologue pour l’apprécier : c’est un vin qui parle à tout le monde, et c’est ce qui fait sa force.

S’il ne prétend pas rivaliser avec les grands crus de garde car ce n’est pas sa vocation, il n’en reste pas moins travaillé avec soin, dans le respect du raisin. Son style léger, frais, désaltérant en fait un vin « de copains », parfait pour l’apéritif, les planches à partager, les tapas, ou même des accords plus audacieux : huîtres, cuisine asiatique, fromages à pâte molle, et bien d’autres joyeusetés culinaires. Et pour ceux qui en douteraient : certains beaujolais nouveaux, bien conservés, peuvent se révéler étonnants après un ou deux ans de vieillissement. Preuve que simplicité ne rime pas forcément avec fugacité.

Une tradition réinventée chaque année

N’en déplaise à ses détracteurs, le beaujolais nouveau n’est pas qu’un one shot annuel. Bien sûr, le troisième jeudi de novembre reste son grand jour de fête. Et quelle fête ! Mâchons matinaux, apéros d’entreprise, soirées chez les cavistes, animations dans les Bistrots Beaujolais, dégustations dans les domaines… La convivialité est au rendez-vous partout en France.

Mais au-delà de cette date symbolique, les Nouveaux vivent toute l’année. On les retrouve sur les tables pendant les fêtes, avec les premiers fromages de saison, ou dès l’arrivée des beaux jours sur les barbecues de printemps. Leur accessibilité en fait de parfaits compagnons pour les moments simples, les pique-niques improvisés, ou les déjeuners en terrasse, possédant ce petit quelque chose de solaire et de spontané qui traverse les saisons.

Ce renouveau est aussi générationnel. Connectée, créative et engagée, une nouvelle vague de vignerons et de vigneronnes renouvelle l’image du beaujolais nouveau avec brio. Présents sur les réseaux sociaux, ils racontent leur travail, leurs terroirs et leur passion pour ce vin de partage. Et ça marche : la saga des Nouveaux séduit de plus belle, en France comme à l’étranger. En 2024, ils représentaient 22 % de la production totale du vignoble, avec plus de 14 millions de bouteilles écoulées en quelques jours.

Oublions donc les raccourcis. Le beaujolais nouveau, c’est du fruit et de l’authenticité à l’état brut. Si vous hésitez encore, passez chez votre caviste à partir du 20 novembre prochain. Il aura sûrement une bouteille à vous faire découvrir. Et peut-être même une très agréable surprise à vous faire déguster.

Le troisième jeudi de novembre reste le grand jour de fête du beaujolais nouveau. Et quelle fête !