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Récoltes

Aucune production ne rattrapera une autre

Raisins, orge, colza, blé : l’EARL Dury-Millot s’attend à de mauvais résultats cette année.
Par Aurélien Genest
Aucune production ne rattrapera une autre
Cédric Dury récoltait son colza la semaine dernière, après une baisse de rendements de plus de 25% en orges d’hiver.
Cap sur la région beaunoise. à Cissey, sur la commune de Merceuil, François et Cédric Dury étaient dans leurs champs de colza en fin de  semaine dernière. Les deux tiers de leurs 40 hectares étaient récoltés et un rendement final de 30 à 32q/ha était escompté. «Nous n’attendons guère plus d’après les premiers échos que nous avons. Dans le même temps, il ne faudrait surtout pas descendre sous la barre des 30q/ha car cette culture nous coûte très cher à produire avec pas moins de treize passages à effectuer dans chaque parcelle, du semis à la récolte. En 2015, nous avions dépassé les 36q/ha ce qui était correct pour le secteur» confiait Cédric Dury. Deux variétés ont été implantées cette année avec Arizona et Attletick : «tout se passe plutôt bien pour l’instant avec Attletick. En revanche, nous avons encore des tiges vertes avec Arizona : nous n’avons pas voulu attendre davantage pour récolter, par peur de perdre les siliques des étages supérieurs qui, elles, sont déjà mûres depuis un petit moment» ajoute le producteur.

Grosses pertes en orges
Le Côte d’orien de 32 ans était encore sous le coup de la déception de la récolte d’orges d’hiver, effectuée du 28 juin au 3 juillet : «les plantes étaient pourtant très jolies, mais nous terminons avec un peu moins de 60q/ha... Nous sommes très loin des 81,5 q/ha de l’an passé. L’excès d’eau a fait beaucoup de mal, cette culture souffre beaucoup de l’humidité. Il y a eu également de nombreux vulpins, très difficiles à contenir et qui ont littéralement pompé l’azote». Le seul lot de consolation de l’agriculteur concerne l’aspect qualitatif de la récolte  : sa production d’orges d’hiver, intégralement en variété Étincel après des résultats quelques peu décevants l’an passé avec Esterel, devrait être valorisée en brasserie avec d’assez bons résultats en calibrage et protéines. Les blés, troisième et dernière culture de l’assolement de l’EARL Dury-Millot, devraient être intégralement récoltés les prochaines heures, si le temps des derniers jours a été favorable. Cédric Dury ne savait «pas trop» à quoi s’attendre dans son Apache et son Aprilio, variétés implantées elles aussi sur un total de 40 hectares  : «elles sont plutôt jolies, encore plus que les orges d’hiver, mais il est difficile de se prononcer sur le résultat final. Plusieurs exploitants m’ont dit que le leur était encore pire que les orges... Les épis sont pourtant longs avec un nombre grains relativement satisfaisant, mais leur taille n’a pas l’air très importante. Nous en saurons un peu plus quand la moissonneuse sera en action. Dans tous les cas, je ne m’attends pas à faire autant qu’en 2015, année au cours de laquelle nous avions obtenu un résultat correct en dépassant les 78q/ha».

Année tardive et difficile
François Dury, le père de famille, rappelle que les moissons étaient terminées le 7 juillet l’an passé, avec des résultats loin d’être exceptionnels mais bien meilleurs que ceux de l’année en cours : «nous sommes pour l’instant très déçus, surtout par rapport à ce que nous voyions. à l’œil, c’était vraiment prometteur, mais la météo des dernières semaines a tout gâché. En plus, les conditions de récoltes ont été difficiles et les machines se sont plusieurs fois enlisées, laissant des ornières parfois conséquentes dans les champs, malgré un drainage dans la plupart de nos parcelles». «2016, ce ne sera pas la joie» enchaine le retraité de 74 ans, qui s’attend aussi à des vendanges catastrophiques, dans le domaine viticole familial de quatre hectares basé à Meursault. «D’habitude, l’une des productions relève la donne. Cette année, tout sera mauvais» résume François Dury, déplorant plusieurs années très compliquées dans les vignes : «cela fait cinq ans que nous cumulons les mauvais résultats avec une moyenne de 50% du potentiel de rendement. Cette année, avec le gel du printemps et des attaques record de mildiou, nous estimons la récolte à seulement 30% de son potentiel. Nous avons plusieurs parcelles dans lesquelles les dégâts se chiffrent à 90%...». Le retraité s’interroge sur la future récolte : «nous prendrons forcément moins de vendangeurs, et il faudra qu’ils soient compétents. En effet, il va falloir bien fouiller pour trouver les rares raisins restants... Aujourd’hui, même s’il est difficile de l’évaluer, je ne pense pas que les vendanges débutent avant la fin septembre. D’un point de vue qualitatif, ce ne sera pas la joie non plus avec les différents stades de maturité des raisins que nous avons. Ce sera très difficile. Et les aléas ne sont peut-être pas terminés : il peut se passer encore bien des choses d’ici les vendanges avec les risques de grêle et d’apparition de pourriture que nous redoutons tous. Cela n’arrangerait bien sûr rien du tout».

Une année bien compliquée
En plus des mauvaises récoltes, l’EARL Dury-Millot regrette l’évolution de la réglementation dans le milieu agricole. «Il y a beaucoup de choses à dire sur le sujet» relève François Dury, citant tout d’abord le classement puis le déclassement de ses terres en zones vulnérables il y a quelques mois. «Avant, nous avions une rotation de six cultures. Le passage en zones vulnérables nous a obligés à mettre des Cipan, des cultures pièges à nitrates, avec des analyses de sols à effectuer et un certain nombre de contrôles de l’administration. Nous possédons 75 parcelles sur une douzaine de communes : c’était bien trop de contraintes pour nous et nous avons préféré simplifier en revenant à trois cultures. Même s’il y a eu un déclassement, pour je ne sais quelle raison d’ailleurs, je m’interroge sur certaines réglementations, elles ne sont pas du tout écologiques, demandent une consommation bien plus importante en fioul, il faudrait faire un bilan carbone de leur opération !». Cédric Dury s’étonne pour sa part de l’évolution de la Pac et des soutiens : «aujourd’hui, nous ne savons même pas si nous avons touché l’intégralité de nos aides de 2015 et personne ne peut nous répondre à cette question, c’est incroyable». La dernière problématique en date est celle des axes autoroutiers. François Dury s’explique : «la création d’une véloroute nous empêche depuis deux mois d’accéder à des parcelles de blé avec notre moissonneuse. Je ne sais pas comment nous allons faire pour récolter. Je regrette que la profession ne soit pas considérée. Il faudrait une commission consultative avec la présence de toutes les professions pour la mise en place d’un nouvel aménagement routier. C’est déplorable».