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Récoltes

Au tour des blés d’entamer le bal des moissons

La canicule ne semble pas avoir trop pénalisé la collecte des blés et les premiers chiffres sont encourageants. Reportage en Tonnerrois et en pays d’Othe.
Par Dominique Bernerd
Au tour des blés d’entamer le bal des moissons
L’an passé, à Bligny, la moissonneuse avait tourné jour et nuit. Une pression beaucoup moins présente cette année, avec une météo particulièrement ensoleillée.
Avec sa barre de coupe de plus de 10 m, la moiss-batt «avale» ses 50 ha à la journée. A Bligny, en pays d’Othe, comme un peu partout dans le département, la collecte de blés vient de démarrer et les associés de la Sep de Bord sont à la manœuvre, jusqu’à tard dans la nuit. La difficulté, explique Jean Butin, «c’est la répartition le soir, de la paille derrière la machine. Dès qu’il commence à faire un peu de rosée, les pailles sont plus lourdes, moins bien broyées et s’éparpillent moins bien…» L’an passé, la machine avait travaillé jusqu’à 5 jours d’affilée : «on la redescendait vers 6 h du matin, voire même, on la ravitaillait aux champs…» Pas de pression cette année, avec des chantiers qui n’auront connu que le soleil écrasant de juillet.
Avec une moyenne de 78 q/ha, les rendements en orge sur l’exploitation sont légèrement supérieurs à la moyenne quinquennale. Une collecte prévue pour être commercialisée en fourragère, précise Thierry Desvaux, autre associé de la Sep : «le prix est le même que celui de la brasserie, du fait d’une importante demande chinoise en la matière avant moissons, pour fabriquer leurs bières...» Avec l’avantage au final de vendre des variétés brassicoles, sans sélection au calibrage. Terminée aussi, la récolte de colzas a livré son verdict, avec une moyenne de 37 q/ha. Ici, on privilégie avant tout la marge au rendement maximum : «comme dans notre système, on fait beaucoup de colzas derrière des petits pois, nous avons diminué notre fertilisation azotée, le colza bénéficiant de l’azote laissé par la légumineuse…» La collecte de blé vient tout juste de démarrer et les premiers chiffres semblent légèrement supérieurs à la moyenne de 80 q/ha enregistrée en 2013 : «je pense que la maturité physiologique était suffisamment atteinte pour ne pas avoir été pénalisée par le coup de chaud… » Satisfaction également en ce qui concerne les PS : « c’est sans doute très bon car les bennes sont très lourdes… » Mais quelques doutes en revanche pour ce qui est du taux de protéines : «on avait prévu un apport azoté tardif, mais nous n’avions pas alors les conditions humides nécessaires…» Entre colzas et blés, la collecte de pois est dans la moyenne, à 37 q/ha : «le coup de chaud a pourtant grillé les dernières feuilles, mais le rendement est satisfaisant…» Suivront les féveroles, les pois chiches (une première cette année, avec 20 ha implantés), le soja, mélangé au tournesol, une démarche inédite et atypique dans le département : «ils ont été semés ensemble, avec une trémie spécifique à chacun, alternant 3 rangs de soja pour 2 rangs de tournesol. Avec pour objectif un rendement global supérieur, du fait d’une synergie entre les deux…» Semé début mai, le sarrasin sera récolté début septembre, avec des invités surprise : «plusieurs ruches ont été installées, le sarrasin ayant besoin d’abeilles pour être fécondées. Après les orges, on a semé en dérobés une trentaine d’ha en sarrasin, autour desquelles seront implantées également une trentaine de ruches…» Pour le plus grand bonheur des apiculteurs et de leurs protégées, qui manquent cruellement de fleurs dans le secteur et bien dans l’esprit et la démarche qui caractérisent la Sep depuis son origine.

Une diversification difficile
A Gland, chez les Perret, on moissonne en famille les 420 ha de l’exploitation : Christophe sur le tracteur, son frère Xavier, à la moiss-batt, Thomas le neveu, qui assure les transferts… On est ici en pays Tonnerrois, en limite de la Côte d’Or, sur les plateaux de Bourgogne et cette année encore, la collecte de colza a été pénalisée. Christophe Perret a fait les comptes : «une moyenne finale de 23 à 25 q/ha, c’est peu… Un rendement qui s’explique par une présence massive d’altises apparus à l’automne et présents tout l’hiver. Pénalisée dans sa croissance, la plante n’a pas supporté les quelques jours de gel rencontrés…» Satisfaction en revanche pour ce qui est des orges : «on va terminer avec une moyenne de 82 à 83 q/ha et la qualité est là, avec un calibrage autour de 90 %. Même dans les cailloux, on est entre 65 et 75 q/ha, 20 quintaux de plus que l’an passé…» Des chiffres supérieurs toutefois à ceux de la région, où la moyenne ne devrait pas dépasser les 75 q/ha. Ici aussi, on entame les blés, avec des premiers rendements approchant les 75 q/ha en bonnes terres : «en instantané, on peut même monter à 100 q/ha. La qualité semble être là aussi, avec une moyenne en PS à 80 et un taux protéinique de 11,5 à 12,5…» Une nouveauté cette année, pour les deux frères, qui se sont lancés dans la culture de pois d’hiver : «la première fois qu’on en refait depuis 10 ans, pour couper l’implantation des colzas et laisser à la terre le temps de se reposer…» Pas facile de se diversifier en pays tonnerrois, explique Xavier : «le lin et le soja ? Des cultures d’avenir bien sur, mais il faudrait pour ça de grosses terres humides que nous n’avons pas ! La luzerne ? Nous sommes à 45 km de l’usine de déshydratation de Baigneux et leur rayon se limite à 40 km. Se diversifier, mais dans quoi ? Dans les poulaillers…?» Dans le collimateur également, les problèmes liés au désherbage : «nous avons de moins en moins de matières actives pour désherber nos terrains superficiels et il nous est interdit de bruler les parcelles, ce qui nous paralyse énormément…»
La radio de bord dans la moiss-batt crépite : «c’est bon, on va changer de champs...» Sur la parcelle, de la paille en andain, à destination des éleveur. Pas de pluie au programme dans les prochains jours et le rythme des chantiers est serein. Une avance de plus d’une semaine par rapport au calendrier, du fait de la chaleur. Et puis, comme le souligne Xavier dans un sourire : «ça presse pas de s’affoler!»