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Cultures

Arrêter les aberrations

La FDSEA et l’APPV21 alertent les Parlementaires de Côte d’Or sur le «non-sens» de certaines réglementations.
Par Aurélien Genest
Arrêter les aberrations
Une visite terrain a permis d’illustrer l’impact des produits de santé des végétaux sur les cultures, d’un point de vue qualitatif et quantitatif.
L’agriculture côte d’orienne se dirige vers une nouvelle année très difficile. Le manque à gagner des grandes cultures a été estimé à 120 millions d’euros sur l’ensemble du département, vendredi 8 juillet à Flagey-Echézeaux chez Benoît Collardot, lors d’une réunion organisée par la commission «Productions végétales» de la FDSEA et l’Association pour la protection des productions végétales de Côte d’Or (APPV21). Les Parlementaires étaient conviés à ce rendez-vous, ils en étaient même les principaux invités : Jacques de Loisy, président de la commission «Productions végétales», leur a tout d’abord dressé un bilan intermédiaire des moissons : «Les premiers résultats sont très mauvais en quantité et en qualité. Il va être très difficile d’honorer les factures en septembre avec les cours et les soutiens Pac que nous avons actuellement. L’impact de cette campagne sera conséquent sur l’économie locale, mais également sur le plan social et humain». Pour Jacques de Loisy, le climat désastreux des derniers mois et les importants stocks mondiaux n’expliquent pas tout: «un certain nombre de points relatifs à l’utilisation des produits phytosanitaires nous interpellent. La réglementation se durcit sans cesse, sans qu’il n’y ait de solution en face. Les discussions autour de l’emploi des néonicotinoïdes sont un exemple parmi d’autres. Ces décisions se prennent à l’assemblée nationale, là où vous siégez, votre responsabilité est pleinement engagée».

Des choix contre-productifs
Le président de la commission, appuyé notamment par Dominique Chambrette (vice-président de l’AGPB) et Pierre Guez (président de Dijon Céréales), a énuméré plusieurs «aberrations» réglementaires : «Les semences traitées à base de néonicotinoïdes sont utilisées généralement en octobre ou en novembre : nous n’avons jamais vu d’abeilles butiner à cette période ni voler derrière un semoir... Il n’y a aucun raisonnement scientifique avéré sur l’interdiction de ces produits. Tout le monde sait que la problématique des abeilles est multifactorielle. Quatre apiculteurs travaillent sur ma commune et jamais l’un d’entre eux n’est déjà venu se plaindre sur mon système conventionnel...» Une autre aberration citée lors de ce rendez-vous concerne le Gaucho : le choix de l’interdir sur l’orge d’hiver serait «strictement contre-productif, anti-environnemental à tous points de vue et purement dogmatique» selon Jacques de Loisy qui s’explique : «jusqu’à présent, la plante se développait à partir d’une graine traitée par des néonicotinoïdes. Ce traitement à dose infime rendait la plante résistante à bon nombre d’attaques d’insectes. C’est le même principe que la vaccination chez les humains: un vaccin évite à un enfants d’être malade et de prendre des médicaments régulièrement... L’arrêt du Gaucho va engendrer bon nombre de problèmes. Pour tenter de les résoudre, il va falloir traiter les plantes en végétation par je ne sais combien d’autres insecticides, une, deux, trois voire quatre fois selon la pression d’insectes à l’automne. Cela va multiplier la matière active des produits utilisés. Personne ne veut cela».

Agriculteurs démunis
L’impact des produits de santé des végétaux sur la qualité des cultures a été démontré lors de cette rencontre organisée sur la plateforme Damier Vert de Dijon Céréales. La visite d’une parcelle de blé a mis d’importants écarts en évidence, notamment en matière de PMG, entre des cultures traitées et  non traitées. Les agriculteurs se sont dits «de plus en plus démunis» devant la pression maladies et les nombreux problèmes de désherbage. «Il est impératif de pouvoir conserver les néonicotinoïdes à l’automne sur les céréales, il en va de l’existence même de notre filière» a insisté Didier Lenoir, président de l’APPV21. Marc Patriat, président de Dijon Céréales, s’est interrogé sur les orientations françaises : «Notre pays veut-il produire ? Il faudrait répondre à cette question. Avant de supprimer un produit, il faut savoir par quoi on le remplace et à quel prix... La France s’oppose contre beaucoup de choses mais importe des produits qui ne sont pas du tout en lien avec la réglementation qu’elle impose sur son propre territoire». Philippe Dubief, membre de la commission «Productions végétales» de la FDSEA et administrateur à l’AGPB, a pour sa part regretté les nombreux freins français à l’innovation génétique. Le Côte d’Orien a profité de l’occasion pour alerter les Parlementaires sur l’arrivée d’une nouvelle technologie : la néomycine phosphotransférase (NPT) : «Contrairement à ce que certains courants écologistes voudraient laisser entendre, il ne s’agit pas d’OGM. Cette technologie pourrait nous être très utile à l’avenir, sachez-le bien et ne vous laissez-pas embarquer».

Il y a urgence
Fabrice Faivre, président de la FDSEA, a insisté sur la gravité de la situation et annonce une année très compliquée pour les agriculteurs : «Nous allons vivre quelque chose d’inédit en 2016, la campagne va être difficile pour tout le monde car tous les facteurs sont au rouge avec des récoltes très décevantes en quantité et en qualité, des prix faibles et des soutiens Pac qui ne cessent de diminuer. Je m’inquiète aussi sur la valorisation de la production cette année. Pour ne citer que le blé, si nous ne faisons pas 70 en PS, je ne sais pas comment se déroulera la commercialisation... Les mauvaises années s’empilent et cela devient intenable, je ne sais pas comment les jeunes installés vont pouvoir s’en sortir. Si l’on ne fait rien, il faut préparer le plan social de l’agriculture mesdames et messieurs les Parlementaires». A la fin de cette rencontre, Jacques de Loisy a invité les Parlementaires à faire remonter l’ensemble de ces problématiques au plus haut rang et à «nouer des alliances» à l’assemblée nationale avec d’autres départements pour se faire entendre : «il faut bloquer ces inepties, il y a vraiment urgence».