Viticulture
Amateur recherche Pouilly-Fumé désespérément
Les conditions météorologiques du printemps ont durement affecté les récoltes de Pouilly Fumé, Pouilly-sur-Loire et Coteaux du Giennois. La qualité du millésime suffira-t-elle à conforter les perspectives commerciales ?
Dans l’attente des déclarations de récoltes, difficile de chiffrer précisément les pertes affectant les appellations Pouilly Fumé, Pouilly-sur-Loire et Coteaux de Giennois en terres nivernaises. Les chiffres ne feront que confirmer ce que l’on sait depuis le printemps : bon nombre de cuves seront vides. Les Caves de Pouilly-sur-Loire, les Moulins à Vent, par exemple, qui regroupent environ 90 viticulteurs, enregistrent des pertes supérieures à 50% pour le Pouilly ; les coteaux du Giennois sont plus durement frappés avec des pertes de plus de 90%. Ces chiffres cachent une extrême hétérogénéité des situations, selon les secteurs, les parcelles.
Une année sans précédent
Ce printemps, les parcelles ont tout connu, sauf la grêle : le gel, puis le dégel brutal, l’humidité qui a favorisé le développement des maladies, et à l’été la sècheresse qui a provoqué des grillures. Heureusement, les pluies qui ont précédé les vendanges ont augmenté le rendement jus.
La profession avait pris les devants au printemps pour sensibiliser les partenaires aux difficultés à venir. «Nous avions entrepris un travail amont auprès des administrations, de la DDT, de la MSA, des banques, du Conseil régional» explique Katia Mauroy, Présidente du syndicat viticole de Pouilly. Les Caves de Pouilly-sur-Loire elles aussi ont invité les banques dans les vignobles dès mai, pour constater que «certaines vignes étaient comme en hiver, d’autres avaient repris».
Gestion de crise
La principale option pour tous : lisser les ventes des millésimes précédents, avec des difficultés à anticiper pour ceux dont les stocks sont bas. Ainsi, le caveau de Gilles et Christine Blanchet, à St Andelain, est fermé, les dernières bouteilles de 2015 sont réservées aux habitués. Même choix de gestion pour Emmanuel Charrier à Saint-Martin-sur-Nohain : «on ne va pas prendre de gros marché, on va satisfaire les clients existants».
L’effet de report d’achats sur d’autres vins et appellations sera faible car la baisse de récolte est générale, en région et partout dans le monde. Les efforts de fidélisation ne seront donc pas perdus, d’autant que les appellations Pouilly Fumé, Pouilly-sur-Loire et Coteaux du Giennois peuvent se prévaloir d’une typicité très forte.
Une clientèle du monde entier
Un argument «terroir» auquel la clientèle française est très attachée. L’origine est un critère de choix déterminant pour le consommateur français. «Quand ils pensent vin, les français pensent à la région, à l’AOC. Il n’y a pas de notoriété de marque ici, contrairement à ce que l’on observe en Bordeaux ou en Champagne. Les vignerons sont toujours moins réputés que leurs appellations» note Christophe Denoël, directeur des Caves de Pouilly-sur-Loire.
Les français consomment moins de vins, mais mieux. Il faut dire aussi que la production française a délaissé les vins de table, tournant le dos à une stratégie de massification de l’offre et de baisse des charges qui auraient mis la production nationale en concurrence directe avec des pays aux coûts de production plus bas.
La clientèle américaine et asiatique, elle, semble plus sensible au luxe ; tandis qu’un consommateur britannique aura tendance à regarder, juste après la couleur, le prix.
Différents itinéraires de commercialisation
Assumer soi-même la commercialisation : nombreux sont les viticulteurs qui n’envisagent pas leur métier sans «aller jusqu’au bout». «Certaines années sont faciles à travailler, d’autres non. Il faut savoir les vendre aussi. C’est en expliquant les irrégularités qu’on informe les gens sur le métier, qu’on les éduque aux millésimes» témoigne Gilles Blanchet. C’est ce contact avec le client, particulier, distributeur, caviste ou restaurateur, qui donne sens à toute une année de travail.
Contact direct avec le client
Les clients aussi recherchent le contact avec le vigneron. «Les acheteurs veulent de plus en plus nous parler à nous, en direct», observe Emmanuel Charrier.
Un choix qui demande beaucoup, beaucoup de disponibilité… Les Blanchet en conviennent dans un grand rire : «Un dimanche à 8h du matin, un client a sonné au caveau… je l’ai reçu en pyjama et en chaussons !» Pour construire leur réseau de clients, ils ont été très présents sur les foires, les salons professionnels, au détriment parfois de leur vie de famille et en sacrifiant les vacances. C’est en 1996, avec le coup de cœur du Guide Hachette qui récompense le Pouilly Fumé du caveau, que les ventes décollent. Un référencement et une visibilité acquis grâce à une grande régularité et à une attention quotidienne à la qualité, depuis le travail du sol économe en herbicides pour préserver la richesse de la vie microbienne, jusqu’aux étapes de la vinification. La fin de la fermentation par exemple est surveillée de très près : la troisième génération de levure, en faible concentration à ce stade, doit être maintenue à la bonne température pour finir la fermentation. A ce moment là, les cépages de sauvignon plantés sur les argiles à silex révèlent cette saveur si caractéristique de pamplemousse.
Régularité, qualité, disponibilité : il n’en faut pas moins pour fidéliser les clients, amorcer le cycle vertueux du bouche à oreilles, se lancer à l’export. Il faut aussi un solide sens du commerce: chez les Blanchet, Christine, rôdée à la vente dans la boulangerie familiale, accueille les clients et gère la comptabilité, pour que Gilles puisse se consacrer en priorité au travail du sol, aux vignes, à la vinification, à la mise en bouteille. Emmanuel Charrier s’appuie lui sur les compétences d’Inès, qui termine son diplôme de commerce.
Le choix de la coopération
Pour les viticulteurs adhérents des Caves de Pouilly-sur-Loire, la coopération offre deux grands avantages, pour la partie de leur production vendue à la coopérative : assurer une rémunération et déléguer la partie commerciale et ses contraintes (déplacements, facturation, expédition etc.)
Environ 60% de la production s’exporte vers un panel de clients que les caves cherchent à diversifier au maximum. Si l’on assure qu’il y a de quoi faire un «bon millésime», l’année 2016 accentuera l’enjeu majeur de la structure, «accéder à la matière première, le vignoble ne se développe pas, alors que nous avons capacité à vendre plus» précise Christophe Denoël.
Qualité et régularité sont ici aussi les maîtres mots : «nous essayons de garder les profils de vin d’un millésime à l’autre, mais c’est forcément un peu différent». De même, les caves ont mis en place une échantillothèque permettant un suivi qualité de toutes les bouteilles commercialisées. «Chaque bouteille est gravée, et nous gardons en échantillons ici 4 bouteilles pour chaque cuve. Si des problèmes sont signalés, nous pouvons faire une vérification et tracer les bouteilles concernées». L’outil collectif permet également de s’adapter aux particularités de certains marchés à l’export, ainsi en est-il des bouchons à vis destinés au marché anglais.
Une année sans précédent
Ce printemps, les parcelles ont tout connu, sauf la grêle : le gel, puis le dégel brutal, l’humidité qui a favorisé le développement des maladies, et à l’été la sècheresse qui a provoqué des grillures. Heureusement, les pluies qui ont précédé les vendanges ont augmenté le rendement jus.
La profession avait pris les devants au printemps pour sensibiliser les partenaires aux difficultés à venir. «Nous avions entrepris un travail amont auprès des administrations, de la DDT, de la MSA, des banques, du Conseil régional» explique Katia Mauroy, Présidente du syndicat viticole de Pouilly. Les Caves de Pouilly-sur-Loire elles aussi ont invité les banques dans les vignobles dès mai, pour constater que «certaines vignes étaient comme en hiver, d’autres avaient repris».
Gestion de crise
La principale option pour tous : lisser les ventes des millésimes précédents, avec des difficultés à anticiper pour ceux dont les stocks sont bas. Ainsi, le caveau de Gilles et Christine Blanchet, à St Andelain, est fermé, les dernières bouteilles de 2015 sont réservées aux habitués. Même choix de gestion pour Emmanuel Charrier à Saint-Martin-sur-Nohain : «on ne va pas prendre de gros marché, on va satisfaire les clients existants».
L’effet de report d’achats sur d’autres vins et appellations sera faible car la baisse de récolte est générale, en région et partout dans le monde. Les efforts de fidélisation ne seront donc pas perdus, d’autant que les appellations Pouilly Fumé, Pouilly-sur-Loire et Coteaux du Giennois peuvent se prévaloir d’une typicité très forte.
Une clientèle du monde entier
Un argument «terroir» auquel la clientèle française est très attachée. L’origine est un critère de choix déterminant pour le consommateur français. «Quand ils pensent vin, les français pensent à la région, à l’AOC. Il n’y a pas de notoriété de marque ici, contrairement à ce que l’on observe en Bordeaux ou en Champagne. Les vignerons sont toujours moins réputés que leurs appellations» note Christophe Denoël, directeur des Caves de Pouilly-sur-Loire.
Les français consomment moins de vins, mais mieux. Il faut dire aussi que la production française a délaissé les vins de table, tournant le dos à une stratégie de massification de l’offre et de baisse des charges qui auraient mis la production nationale en concurrence directe avec des pays aux coûts de production plus bas.
La clientèle américaine et asiatique, elle, semble plus sensible au luxe ; tandis qu’un consommateur britannique aura tendance à regarder, juste après la couleur, le prix.
Différents itinéraires de commercialisation
Assumer soi-même la commercialisation : nombreux sont les viticulteurs qui n’envisagent pas leur métier sans «aller jusqu’au bout». «Certaines années sont faciles à travailler, d’autres non. Il faut savoir les vendre aussi. C’est en expliquant les irrégularités qu’on informe les gens sur le métier, qu’on les éduque aux millésimes» témoigne Gilles Blanchet. C’est ce contact avec le client, particulier, distributeur, caviste ou restaurateur, qui donne sens à toute une année de travail.
Contact direct avec le client
Les clients aussi recherchent le contact avec le vigneron. «Les acheteurs veulent de plus en plus nous parler à nous, en direct», observe Emmanuel Charrier.
Un choix qui demande beaucoup, beaucoup de disponibilité… Les Blanchet en conviennent dans un grand rire : «Un dimanche à 8h du matin, un client a sonné au caveau… je l’ai reçu en pyjama et en chaussons !» Pour construire leur réseau de clients, ils ont été très présents sur les foires, les salons professionnels, au détriment parfois de leur vie de famille et en sacrifiant les vacances. C’est en 1996, avec le coup de cœur du Guide Hachette qui récompense le Pouilly Fumé du caveau, que les ventes décollent. Un référencement et une visibilité acquis grâce à une grande régularité et à une attention quotidienne à la qualité, depuis le travail du sol économe en herbicides pour préserver la richesse de la vie microbienne, jusqu’aux étapes de la vinification. La fin de la fermentation par exemple est surveillée de très près : la troisième génération de levure, en faible concentration à ce stade, doit être maintenue à la bonne température pour finir la fermentation. A ce moment là, les cépages de sauvignon plantés sur les argiles à silex révèlent cette saveur si caractéristique de pamplemousse.
Régularité, qualité, disponibilité : il n’en faut pas moins pour fidéliser les clients, amorcer le cycle vertueux du bouche à oreilles, se lancer à l’export. Il faut aussi un solide sens du commerce: chez les Blanchet, Christine, rôdée à la vente dans la boulangerie familiale, accueille les clients et gère la comptabilité, pour que Gilles puisse se consacrer en priorité au travail du sol, aux vignes, à la vinification, à la mise en bouteille. Emmanuel Charrier s’appuie lui sur les compétences d’Inès, qui termine son diplôme de commerce.
Le choix de la coopération
Pour les viticulteurs adhérents des Caves de Pouilly-sur-Loire, la coopération offre deux grands avantages, pour la partie de leur production vendue à la coopérative : assurer une rémunération et déléguer la partie commerciale et ses contraintes (déplacements, facturation, expédition etc.)
Environ 60% de la production s’exporte vers un panel de clients que les caves cherchent à diversifier au maximum. Si l’on assure qu’il y a de quoi faire un «bon millésime», l’année 2016 accentuera l’enjeu majeur de la structure, «accéder à la matière première, le vignoble ne se développe pas, alors que nous avons capacité à vendre plus» précise Christophe Denoël.
Qualité et régularité sont ici aussi les maîtres mots : «nous essayons de garder les profils de vin d’un millésime à l’autre, mais c’est forcément un peu différent». De même, les caves ont mis en place une échantillothèque permettant un suivi qualité de toutes les bouteilles commercialisées. «Chaque bouteille est gravée, et nous gardons en échantillons ici 4 bouteilles pour chaque cuve. Si des problèmes sont signalés, nous pouvons faire une vérification et tracer les bouteilles concernées». L’outil collectif permet également de s’adapter aux particularités de certains marchés à l’export, ainsi en est-il des bouchons à vis destinés au marché anglais.
Des vignes-mères contre les maladies du bois
Tout est parti d’une question : «Pourquoi nos vignes présentent-elles des symptômes de maladies du bois au bout d’une dizaine d’années seulement ?» Des viticulteurs de la filière Centre-Loire, alertés par le développement rapide des maladies, décident de prendre le taureau par les cornes, avec autant d’allant que d’humilité. Emmanuel Charrier, ayant l’intuition de la démarche scientifique (tester, mesurer, adapter) participe ainsi avec d’autres à monter une vigne-mère de Sauvignon, en partenariat étroit avec des pépiniéristes et les laboratoires Sicavac. 267 familles différentes, issues de la sélection massale, ont été rassemblées et implantées. Elles seront multipliées et les premières greffes seront disponibles en 2018. C’est une réelle démarche exploratoire à laquelle se livrent les appellations membres de projet, ainsi que l’interprofession toute entière. «Sur le plan national, on s’est rendu compte que tous les cépages ont ce problème. Même si le pied de vigne ne fait qu’une année de plus, ce serait déjà beaucoup !» espère Emmanuel Charrier.