Agrivoltaïsme : l'alliance du quotidien et de l'expérimental
À Verdonnet, en Côte-d'Or, la société TSE a implanté un démonstrateur agrivoltaïque qui suscite beaucoup de curiosité. Il fonctionne depuis fin 2023. L'entreprise organisait le 3 avril une visite destinée à faire prendre conscience de ce que peut représenter l'agrivoltaïsme au quotidien, mais aussi à mettre en valeur son approche expérimentale et partenariale.

Échanger avec ceux pour qui l'agrivoltaïsme est déjà une réalité concrète, c'est ce que proposait TSE, le 3 avril sur son site démonstrateur de Verdonnet, en Côte-d'Or. Les agriculteurs curieux de ce type de production énergétique étaient conviés à découvrir l'installation et à poser toutes les questions qu'elle peut susciter chez eux. Il faut souligner que ce site est particulièrement innovant et traduit une réflexion poussée dans l'approche de l'agrivoltaïsme. Il se présente sous la forme d'une canopée, avec des panneaux solaires orientables et installés à une hauteur de 5,50 m au-dessus d'une parcelle, permettant le passage d'engins agricoles. Le démonstrateur de Verdonnet est une vitrine de ce que peut être l'agrivoltaïsme, mise en place en partenariat avec la Coopérative Dijon Céréales et Alliance BFC, (regroupement de trois coopératives : Dijon Céréales, Bourgogne du Sud et Terre Comtoise).
Parcelles comparées
La parcelle sur laquelle est installé le démonstrateur agrivoltaïque est implantée en blé bio et exploitée par la SCEA des Tours. L'installation occupe 3 hectares avec un taux de couverture des panneaux photovoltaïques de 40 %. À cela s'ajoutent 2 hectares « témoins », non recouverts de panneaux solaires, mais cultivés de la même façon et qui fournissent des éléments de comparaison, afin de mesurer les effets bénéfiques de la canopée sur la culture menée en dessous. L'installation s'organise en 6 travées de 27 mètres d'écartement entre les rangées. L'écartement entre les poteaux en latéral est de 11 mètres. Quant à la canopée, elle est constituée de 648 tables photovoltaïques qui pèsent chacune près d'une tonne. La structure repose sur des pieux forés, indispensables sur un sol peu profond (15 à 20 cm de terre) où la roche est vite atteinte. L'idée est aussi de pouvoir tout retirer à la fin de l'exploitation de la centrale agrivoltaïque, prévue d'ici 40 à 50 ans. Les pieux du milieu de l'installation sont enterrés sur 3 mètres de profondeur et ceux de l'extérieur, sur 6 mètres. À cela s'ajoutent des haubans ancrés au sol par des micro-pieux de 15 mètres. Des blocs béton posés au sol permettent de solidariser les ancrages et la structure aérienne. La construction de la centrale a demandé six mois. Elle a pris fin en septembre 2023 avec le raccordement au réseau électrique qui s'est fait à Asnières-en-Montagne, commune située à 3,5 km.
Centrale pilotée
Une première culture a été récoltée en 2024 et le site attaque à présent sa seconde campagne. Les panneaux fonctionnent selon un système de tracking qui leur permet de suivre le soleil. Le site est aussi équipé d'une station météo qui permet d'adapter la position des panneaux. En cas de pluie, ils peuvent être positionnés à la verticale afin de permettre à l'eau de couler directement sur le sol. En cas de gel, au contraire, ils sont mis à plat dans le but de protéger les cultures en dessous. Jean-François Cortot, l'un des agriculteurs associés de la SCEA des Tours, a déjà observé que, sur des gels de printemps, sous la canopée, la culture n'était pas affectée alors que c'est le cas hors de la zone protégée par les panneaux. « La nature de notre parcelle, très séchante, poursuit l'agriculteur, avait de très grosses incidences sur la qualité et la quantité de nos productions. L'effet d'ombrage que nous proposait l'installation de TSE permettait d'atténuer l'évapotranspiration. La réalisation du site a été relativement rapide et au niveau de l'acceptation de la part des voisins, tout s'est bien passé. » L'installation ne change pas l'exploitation de la parcelle : elle est pleinement compatible avec le passage des engins agricoles. Le pilotage de la centrale est indexé sur la réalité du rayonnement solaire perçu. Des capteurs mesurent le niveau de rayonnement actif, utile à la culture, et cela permet de voir si elle dispose de suffisamment de lumière. Un bilan hydrique est régulièrement opéré sur la parcelle. C'est à chaque fois par des partenariats, avec Dijon Céréales ou l'Institut Agro Dijon, que TSE parvient à renforcer en permanence l'évaluation complète de l'effet des panneaux. L'intérêt est scientifique, technique, il sensibilise à la manière de concilier production énergétique et nourricière pour contribuer à une plus grande autonomie énergétique régionale. Le suivi du comportement des cultures, assuré par Dijon Céréales (voir encadré) sur une période de 9 ans contractualisée avec TSE, permettra de valider ou d'invalider certains choix. Afin de faire de ce quotidien agrivoltaïque en marche un terrain d'expérience enrichissant pour l'avenir.



Une parcelle réservoir d'enseignements
Martin Lechenet est responsable data chez Alliance BFC : « Avec ce démonstrateur, reconnaît-il, TSE a conçu pour nous un outil qui permet de faire des comparaisons à une échelle véritablement agricole. » Deux variétés de blé, semées au 27 décembre, sont comparées : sur les 4 premières travées, est cultivée la variété Prestance et les deux autres sont en variété Lennox. Les mêmes sont présentes sur la parcelle « témoin » voisine. « Nous avons cartographié les sols de manière à avoir une vue sur leur potentiel et pour éviter une confusion entre l'effet des panneaux et celui des sols. Avec TSE, on cherche à faire évoluer nos pratiques : pendant 9 ans, nous allons apprendre de nos erreurs sous le démonstrateur et renforcer notre compréhension technique du fonctionnement des panneaux. » En 2024, l'année a été difficile avec peu d'ensoleillement et beaucoup d'eau. « Pour la campagne 2025, précise Martin Léchenet, nous testons, sur les bandes 3 et 4, un effacement des panneaux (ils sont placés parallèlement aux rayons du soleil et n'ont plus d'ombre portée), de 9 heures à 15 heures sur l'une, puis de 15 heures à 19 heures sur l'autre. Cette durée d'effacement prend en compte le fait qu'à certains moments de la journée, il peut être coûteux d'injecter du courant alors que celui-ci est déjà saturé. TSE nous a fait cette proposition d'effacement de panneaux, en cohérence avec une volonté parallèle d'effacement de production électrique sur le réseau. Au niveau agronomique cela paraît cohérent pour qu'on puisse comparer les effets sur les cultures avec des parties où les panneaux sont à la verticale et d'autres en position plus protectrice. TSE parvient à orienter les panneaux de certaines travées, par rapport à l'angle du soleil afin de disposer d'un « effacement » parfait sur les bandes où l'on veut faire des observations. » Alliance BFC a une personne qui assure le suivi au quotidien des bandes. Aucun écart n'est constaté sur le nombre de pieds entre la partie sous canopée et la parcelle « témoin ». Il n'y a pas eu d'impact sur la levée, « en revanche, note Martin Lechenet, on commence à constater un léger écart de stade de développement. Toutes les étapes du développement de la culture vont être suivies afin d'évaluer l'effet des panneaux sur son rendement. »