FDSEA 89
«à un moment donné, ça va bouger...»
Moins de deux semaines après son arrivée dans le département, le nouveau préfet est allé à la rencontre des agriculteurs pour sa première visite sur le terrain.
Arrivé le 21 août dernier dans l’Yonne, le préfet de l’Yonne a souhaité rencontrer au plus vite le monde agricole et s’est rendu sur l’exploitation de Daniel Simonnet à Noyers sur Serein. Adhérents de la FDSEA 89 et autres agriculteurs locaux l’y attendaient, pour évoquer les attentes de la profession et dresser un tableau des problématiques locales. Il était accompagné dans sa visite par le sous-préfet de l’arrondissement, Abdelmajid Tkoub, ainsi que par le directeur départemental des territoires, Didier Roussel et Philippe Jager, son adjoint au Service Economique Agricole.
L’EARL de Vaucharme le Haut est installée sur les hauteurs de Noyers-sur-Serein et située en zone vulnérable. Daniel Simonnet y cultive 183 ha de blé orge et colza, avec introduction depuis quelques années de cultures de printemps. Un secteur à faible potentiel et régulièrement touché chaque année par les aléas climatiques, 2017 n’ayant pas échappé à la règle, avec des colzas et orges d’hiver durement pénalisés par les gelées d’avril, mettant à mal les rendements : «ici, quelles que soient les productions, on peut passer du simple au double, comme avec le colza, où selon les années, on obtient de 20 à 40 q/ha». L’occasion d’expliquer au préfet la problématique des normes européennes visant à réduire l’incorporation de biocarburants dits de 1ère génération, au profit de ceux de 2e génération considérés comme plus «propres», ou à les remplacer par de l’huile de palme : «si on arrête la première génération, c’est la fin du colza pour nous et la fin des exploitations de zone intermédiaire». Un message que Patrice Latron semble avoir bien perçu : «j’ai du mal à comprendre que l’on favorise ainsi l’huile de palme par rapport à l’huile de colza. On se tire une balle dans le pied !»
Des aides promises mais pas perçues
Également sur la sellette, les aides Pac, comme l’a rappelé Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne : «lorsque l’on s’est installés, les prix étaient malgré tout encore liés à la consommation européenne, mais depuis, l’effet mondialisation joue à plein. Il y avait des aides à l’exportation, remplacées par des aides compensatoires censées créer un filet de sécurité, mais à force de nous les diminuer, il n’y a plus de sécurité !» Même discours alarmiste en ce qui concerne les normes imposées par l’Europe : «la surtransposition des normes, comme pratiquée en France, devait disparaître, afin de ne pas créer de concurrence avec les pays voisins, mais malgré les promesses, on attend encore !» Présents également, plusieurs exploitant du tonnerrois convertis en bio en 2015, venus rappeler à l’administration ses manquements : «nous sommes quelques-uns à être passés en même temps en bio il y a deux ans et n’avons toujours pas touché les aides de conversion promises. On n’a aucune nouvelle de personne et on ne sait pas ce qui va tomber ou ne pas tomber». Difficile pour un exploitant, qu’il soit en bio ou en conventionnel, de naviguer à vue et certains tirent la sonnette d’alarme : «on comprend tous qu’à la DDT, les salariés font ce qu’ils peuvent et ne sont pour rien dans la situation, mais il faudra bien que quelqu’un fasse quelque chose ! On a l’impression que l’on se moque de nous et à un moment donné, ça va bouger !» La encore, message entendu semble t-il, par le représentant de l’état : «comme tout chef d’entreprise, vous avez besoin d’avoir de la lisibilité».
«Le devoir de vous accompagner…»
Président de la section bovine à la FDSEA de l’Yonne, Arnaud Guyard a rappelé qu’en matière d’élevage, la problématique était la même que pour les productions céréalières, le prix : «on va finir par être payé un tiers de moins que les prix pour lesquels on s’est engagés. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui signeraient un contrat de travail où leur rémunération au final, ne représenterait que les deux tiers du contrat qu’ils ont signé !» Une situation d’autant plus inacceptable aux yeux de Gilles Robillard, Secrétaire général de la FDSEA 89, que le département a de nombreux atouts en la matière : «on a le berceau allaitant, pour faire naître nos bovins. Pourquoi ne pas imaginer des ateliers de taurillons, plutôt qu’envoyer nos broutards en Italie ? On a la paille, les céréales pour engraisser, l’abattoir à proximité, on a tout ! Une seule chose manque, la rentabilité ! C’est une aberration». Même constat pour la filière lait, où en dépit d’avantages non négligeables (autonomie alimentaire, épandage d’effluents facilités par des exploitations en polyculture/élevage, outils de transformation présents sur le territoire…), il ne reste plus aujourd’hui que 235 producteurs sur le département, dans l’incapacité d’obtenir un prix rémunérateur.
Au final, une visite empreinte de courtoisie, mais non dénuée côté agriculteurs, d’une certaine impatience et d’un «ras le bol» généralisé, bien perçus par le nouveau préfet : «je comprends votre indignation, votre détresse, votre colère… Quand on fait une promesse, on doit la tenir ou alors on ne la fait pas !» Ponctuant son intervention par la vision qu’il avait de l’administration : «celle d’être à vos côtés pour vous aider, avec les moyens qui sont les nôtres… Notre travail est de faire appliquer les textes, mais ce que je demande à la DDT, c’est d’essayer de le faire le plus intelligemment possible, en essayant d’être proche du terrain. Si nous n’avons pas le pouvoir de modifier directement les textes ou les simplifier, nous avons le devoir de vous accompagner et d’essayer d’avoir une approche intelligente de ces dossiers». Des mots forts, que les agriculteurs présents sauront garder en mémoire.
L’EARL de Vaucharme le Haut est installée sur les hauteurs de Noyers-sur-Serein et située en zone vulnérable. Daniel Simonnet y cultive 183 ha de blé orge et colza, avec introduction depuis quelques années de cultures de printemps. Un secteur à faible potentiel et régulièrement touché chaque année par les aléas climatiques, 2017 n’ayant pas échappé à la règle, avec des colzas et orges d’hiver durement pénalisés par les gelées d’avril, mettant à mal les rendements : «ici, quelles que soient les productions, on peut passer du simple au double, comme avec le colza, où selon les années, on obtient de 20 à 40 q/ha». L’occasion d’expliquer au préfet la problématique des normes européennes visant à réduire l’incorporation de biocarburants dits de 1ère génération, au profit de ceux de 2e génération considérés comme plus «propres», ou à les remplacer par de l’huile de palme : «si on arrête la première génération, c’est la fin du colza pour nous et la fin des exploitations de zone intermédiaire». Un message que Patrice Latron semble avoir bien perçu : «j’ai du mal à comprendre que l’on favorise ainsi l’huile de palme par rapport à l’huile de colza. On se tire une balle dans le pied !»
Des aides promises mais pas perçues
Également sur la sellette, les aides Pac, comme l’a rappelé Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne : «lorsque l’on s’est installés, les prix étaient malgré tout encore liés à la consommation européenne, mais depuis, l’effet mondialisation joue à plein. Il y avait des aides à l’exportation, remplacées par des aides compensatoires censées créer un filet de sécurité, mais à force de nous les diminuer, il n’y a plus de sécurité !» Même discours alarmiste en ce qui concerne les normes imposées par l’Europe : «la surtransposition des normes, comme pratiquée en France, devait disparaître, afin de ne pas créer de concurrence avec les pays voisins, mais malgré les promesses, on attend encore !» Présents également, plusieurs exploitant du tonnerrois convertis en bio en 2015, venus rappeler à l’administration ses manquements : «nous sommes quelques-uns à être passés en même temps en bio il y a deux ans et n’avons toujours pas touché les aides de conversion promises. On n’a aucune nouvelle de personne et on ne sait pas ce qui va tomber ou ne pas tomber». Difficile pour un exploitant, qu’il soit en bio ou en conventionnel, de naviguer à vue et certains tirent la sonnette d’alarme : «on comprend tous qu’à la DDT, les salariés font ce qu’ils peuvent et ne sont pour rien dans la situation, mais il faudra bien que quelqu’un fasse quelque chose ! On a l’impression que l’on se moque de nous et à un moment donné, ça va bouger !» La encore, message entendu semble t-il, par le représentant de l’état : «comme tout chef d’entreprise, vous avez besoin d’avoir de la lisibilité».
«Le devoir de vous accompagner…»
Président de la section bovine à la FDSEA de l’Yonne, Arnaud Guyard a rappelé qu’en matière d’élevage, la problématique était la même que pour les productions céréalières, le prix : «on va finir par être payé un tiers de moins que les prix pour lesquels on s’est engagés. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui signeraient un contrat de travail où leur rémunération au final, ne représenterait que les deux tiers du contrat qu’ils ont signé !» Une situation d’autant plus inacceptable aux yeux de Gilles Robillard, Secrétaire général de la FDSEA 89, que le département a de nombreux atouts en la matière : «on a le berceau allaitant, pour faire naître nos bovins. Pourquoi ne pas imaginer des ateliers de taurillons, plutôt qu’envoyer nos broutards en Italie ? On a la paille, les céréales pour engraisser, l’abattoir à proximité, on a tout ! Une seule chose manque, la rentabilité ! C’est une aberration». Même constat pour la filière lait, où en dépit d’avantages non négligeables (autonomie alimentaire, épandage d’effluents facilités par des exploitations en polyculture/élevage, outils de transformation présents sur le territoire…), il ne reste plus aujourd’hui que 235 producteurs sur le département, dans l’incapacité d’obtenir un prix rémunérateur.
Au final, une visite empreinte de courtoisie, mais non dénuée côté agriculteurs, d’une certaine impatience et d’un «ras le bol» généralisé, bien perçus par le nouveau préfet : «je comprends votre indignation, votre détresse, votre colère… Quand on fait une promesse, on doit la tenir ou alors on ne la fait pas !» Ponctuant son intervention par la vision qu’il avait de l’administration : «celle d’être à vos côtés pour vous aider, avec les moyens qui sont les nôtres… Notre travail est de faire appliquer les textes, mais ce que je demande à la DDT, c’est d’essayer de le faire le plus intelligemment possible, en essayant d’être proche du terrain. Si nous n’avons pas le pouvoir de modifier directement les textes ou les simplifier, nous avons le devoir de vous accompagner et d’essayer d’avoir une approche intelligente de ces dossiers». Des mots forts, que les agriculteurs présents sauront garder en mémoire.
Interview
- Le fait que vous ayez souhaité pour votre première visite dans le département, rencontrer les agriculteurs, a t-il une signification particulière ?
Patrice Latron : «Ce sont des acteurs économiques fondamentaux pour les territoires et pour la nation, qui doivent savoir tout faire : il faut connaître la terre, maîtriser les intrants car ils sont très surveillés et contrôlés, gérer les finances d’une exploitation en qualité de chef d’entreprise, connaître une législation très complexe… J’ai beaucoup d’estime pour cette profession qui nourrit et structure le pays. Une profession non délocalisable, qui créée de l’emploi et entretient les paysages et j’ai voulu, à peine dix jours après mon arrivée dans l’Yonne, leur témoigner ce signal de considération, en effectuant ma première sortie sur le territoire auprès des agriculteurs. La volonté aussi, après avoir passé trois heures avec eux, de mieux comprendre les choses, avec la volonté de les accompagner, dans la mesure bien sûr, d’un préfet départemental».
- Au regard de tout ce que vous avez pu voir ou entendre, quels sont les dossiers vous paraissant les plus urgents à traiter ?
«Ce qui me préoccupe le plus, c’est le paiement, ou plutôt, le non paiement de certaines aides européennes, qui met un nombre certain d’agriculteurs en grande difficulté. Je pense que c’est un dossier prioritaire et vais le signaler en ce sens au gouvernement, même si je suppose qu’il est parfaitement informé de la situation. Je considère que lorsque l’on prend un engagement, il faut le tenir. Il y a des contrats signés, où les agriculteurs sont contrôlés et doivent respecter leurs engagements, il faut que l’état tienne les siens. Je ne dis pas que c’est facile, ce sont des sujets d’une grande complexité».
Patrice Latron : «Ce sont des acteurs économiques fondamentaux pour les territoires et pour la nation, qui doivent savoir tout faire : il faut connaître la terre, maîtriser les intrants car ils sont très surveillés et contrôlés, gérer les finances d’une exploitation en qualité de chef d’entreprise, connaître une législation très complexe… J’ai beaucoup d’estime pour cette profession qui nourrit et structure le pays. Une profession non délocalisable, qui créée de l’emploi et entretient les paysages et j’ai voulu, à peine dix jours après mon arrivée dans l’Yonne, leur témoigner ce signal de considération, en effectuant ma première sortie sur le territoire auprès des agriculteurs. La volonté aussi, après avoir passé trois heures avec eux, de mieux comprendre les choses, avec la volonté de les accompagner, dans la mesure bien sûr, d’un préfet départemental».
- Au regard de tout ce que vous avez pu voir ou entendre, quels sont les dossiers vous paraissant les plus urgents à traiter ?
«Ce qui me préoccupe le plus, c’est le paiement, ou plutôt, le non paiement de certaines aides européennes, qui met un nombre certain d’agriculteurs en grande difficulté. Je pense que c’est un dossier prioritaire et vais le signaler en ce sens au gouvernement, même si je suppose qu’il est parfaitement informé de la situation. Je considère que lorsque l’on prend un engagement, il faut le tenir. Il y a des contrats signés, où les agriculteurs sont contrôlés et doivent respecter leurs engagements, il faut que l’état tienne les siens. Je ne dis pas que c’est facile, ce sont des sujets d’une grande complexité».