Raccordée au réseau électrique depuis 2022, la centrale agrivoltaïque de Channay, dans le nord de la Côte-d'Or, portée par TotalEnergies renouvelables et plusieurs partenaires, fonctionne depuis maintenant près de trois ans. Quel bilan pour ce démonstrateur qui conjugue production d'énergie et cultures agricoles ?
Une chose est certaine : le démonstrateur agrivoltaïque que Total Energies a implanté à la ferme de Bel Air, dans le village de Channay, au nord-ouest de la Côte-d'Or, attire les curieux. Le 11 juillet dernier, le cap des 800 visiteurs a été franchi sur ce site « vitrine », depuis son entrée en fonction, début 2022. Des élus, des spécialistes des énergies renouvelables, des agriculteurs... Ce type d'installation suscite curiosité et intérêts multiples, d'autant plus qu'on dispose à présent d'un recul de près de trois ans. Jean-Philippe Delacre, l'un des agriculteurs de la ferme de Bel Air, rappelle qu'on est ici sur un territoire où la couche de terre utile ne dépasse pas 25 cm d'épaisseur, avec un potentiel très faible. C'est en 2019 que TotalEnergies a proposé d'installer ces panneaux photovoltaïques innovants car verticaux et occupant donc très peu d'emprise au sol. Ils sont orientés est-ouest et prennent le soleil le matin et le soir. « Ils remplacent une haie en luttant contre les vents chauds de l'été qui dessèchent les plantes et contre les vents glaciaux de l'hiver, précise Jean-Philippe Delacre. Ils génèrent aussi un peu d'ombre, et, dernier avantage : on n'a pas besoin d'attendre qu'ils poussent pendant vingt ans pour produire leurs effets et ils ne concurrencent pas les cultures sur la consommation en eau... »
Deux technologies de panneaux
Xavier Riveau, chargé d'expertise et de développement agricole au sein d'Ombrea, société acquise en 2023 par TotalEnergies et qui fait aujourd'hui office de centre d'expertises d'agri-énergies rappelle que ce type d'installation ne se fait pas dans n'importe quelles conditions : « Nous réalisons des études technico-économiques en amont des projets, afin de s'assurer d'un bon équilibre entre les revenus issus de la production agricole et ceux provenant de l'énergie ». À Channay deux technologies de panneaux sont testées. On étudie aussi l'effet « albédo », c'est-à-dire la puissance de rayonnement que chaque culture renvoie sur les panneaux. Ces dernières sont aussi sélectionnées pour ne pas faire d'ombre aux panneaux, ainsi les tournesols sont proscrits, tout comme le maïs. La ferme de Bel Air a passé une partie de ses productions en bio sur la parcelle comprenant les panneaux. « Les premiers résultats, poursuit Jean-Philippe Delacre, sont plutôt bons (voir encadré) : on obtient de meilleurs rendements entre les panneaux photovoltaïques qu'en dehors. En orge, par exemple, on a fait autour de 19 q/ha. Le grain est plus beau, une certaine fraîcheur est conservée entre les rangs de panneaux. On a un système qui est adapté au désherbage mécanique ». Actuellement, sont cultivés sur place du sarrasin, de la luzerne, du blé, de l'orge et de la lentille, mais aussi de la lavande, du thym, du romarin, de la sarriette et de l'origan. Les bandes cultivées entre les panneaux (d'une largeur de 12 mètres) font 50 mètres de longueur et elles se poursuivent sur 50 mètres supplémentaires, mais sans panneaux, ceci afin de disposer d'éléments de comparaison sur l'impact de l'installation photovoltaïque. « Jusqu'à présent, nous n'avons jamais fait moins bien entre les panneaux qu'en dehors, constate l'agriculteur. Le système est économiquement viable avec le revenu généré par le loyer versé pour l'installation agrivoltaïque. On produit une alimentation de qualité et saine, des énergies renouvelables et de la biodiversité, grâce à la présence de bandes enherbées au pied des panneaux. Elles limitent l'érosion. Je revois aujourd'hui des vers dans cette terre. Les lavandes attirent des papillons, des abeilles sauvages : ils occupent la « niche » écologique et empêchent, par exemple, l'arrivée de pucerons ».
Accumuler des données
Pour TotalEnergies, ce démonstrateur permet d'accumuler des données et d'affiner les modèles possibles, afin de tirer le meilleur parti possible en matière de production énergétique et agricole. « Nous voulons développer une expertise de pilotage agronomique » précise Xavier Riveau. TotalEnergies dispose aujourd'hui de 15 démonstrateurs agrivoltaïques en France et mise beaucoup sur la progression de l'efficacité technologique et énergétique des panneaux : il y a quelques années, les premières générations transformaient en énergie 6 % du rayonnement solaire qu'elles recevaient, mais le rendement devrait atteindre 30 % en 2030...
Une centrale qui fédère les énergies
TotalEnergies a conçu, développé et financé le démonstrateur de Channay. Il faut aussi noter qu'un financement participatif d'un montant de 50 000 euros a permis aux habitants de Channay et de la commune voisine de Nicey d'être associés au projet. Le projet a été porté en partenariat avec Dijon Céréales, la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or, Alliance BFC, le pôle d'innovations en agroécologie Agronov et les exploitants agricoles concernés. Il compte 616 panneaux photovoltaïques et développe une puissance de 237 kWc.
En chiffres
La centrale de Channay fonctionne depuis le début de l'année 2022. La campagne de production agricole qui s'y déroule actuellement est donc déjà la troisième. Du côté des rendements constatés on note les évolutions suivantes :
- rendement en lentille (variété Anicia en 2022 sur sol à faible potentiel) : +17,1 %
- rendement en blé de printemps (variété Sensas en 2022 sur sol à fort potentiel) : +18,8 %
- rendement en blé tendre d'hiver (variété Energo en 2023 sur sol à faible potentiel) : +26 %
- rendement en luzerne (en 2023 indépendamment du potentiel du sol : stabilité
La qualité du blé en 2023, en teneur en protéines et en hulidité du grain, reste stable. En revanche, le Poids de mille grains (PGM) a progressé de 1,1%
Les températures moyennes mesurées au sol entre les panneaux (entre le 1er mai et le 30 juin 2022, à 15 heures était en baisse de 2,56°C)
La vitesse moyenne du vent (risque de verse et d'assèchement des cultures) mesurée sur la parcelle en 2023 était en baisse de 54 %.